Il y a un an nous avions publié une étude sur la question du fédéralisme. Il faut préciser les arguments de principe et les arguments tactiques qui plaident en faveur de cette position et réfuter les arguments qui lui ont été opposés.
I. Léninisme et fédéralisme
Le mot d’ordre du fédéralisme est-il compatible avec les principes marxistes révolutionnaires ? Il l’est incontestablement. Il s’agit d’une revendication démocratique typique, d’une revendication qui répond à la coexistence de deux nationalités différentes dans le pays. Du point de vue marxiste, le fédéralisme est la forme d’organisation étatique idéale lorsqu’il s’agit d’un état multinational. L’U.R.S.S., la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie sont des fédérations. La République Russe des Soviets, créée en novembre 1917, fut dès le début une république fédérative. Avant de sombrer dans l’opportunisme, le P.C. belge eut le fédéralisme inscrit dans son programme. Avant la guerre, le P.S.R. eut également à son programme la transformation de la Belgique en une « fédération des républiques socialistes soviétiques flamande et wallonne ».
Un argument avancé contre le fédéralisme consiste à affirmer que la position révolutionnaire est celle de demander la séparation, alors que les réformistes se contentent du fédéralisme et de l’autonomie. Il s’agit d’une double confusion. Tout d’abord les marxistes révolutionnaires reconnaissent le droit des nationalités à réclamer leur auto-détermination, y compris la séparation. Mais l’auto-détermination veut dire précisément que la décision reste entre les mains de la nationalité. Si on reconnaît à une natonalité le droit à la séparation, on lui reconnaît forcément aussi, y le droit à l’autonomie, si elle ne demande pas davantage !
En outre, l’autonomie, le fédéralisme, c’est l’école de la séparation et refuser le premier au nom du second est donc une absurdité, comme le précise Lénine dans « Contre le Courant » : « L’autonomie en tant que réforme est, du point de vue des principes, différente de la liberté de séparation, mesure révolutionnaire. C’est incontestable. Mais il est bien connu que la réforme est en pratique souvent un pas vers la révolution. C’est précisément l’autonomie qui permet à une nation maintenue par la force dans les frontières d’un Etat, de se constituer définitivement en tarit que nation, de rassembler ses forces, d’apprendre à les connaître, de les organiser et de choisir, le moment voulu, la déclaration dans l’esprit « norvégien_ » : Nous, le-parlement autonome de la Nation, ou de la région, nous déclarons que le tsar de toutes les Russies a cessé d’être le roi de Pologne, etc. »
En définitive, en cette matière, il n’y a pas de principes abstraits : seuls comptent les intérêts de la lutte de classe. Et ces intérêts peuvent nous amener à préférer le fédéralisme (l’autonomie) à la séparation, comme Trotsky l’a précisé à propos de la Catalogne et du Pays basque : « Les tendances séparatistes posent devant la révolution la tâche démocratique de la libre détermination nationale. Ces tendances se sont accentuées et extériorisées pendant la période de la dictature. Mais tandis que le « séparatisme » de la bourgeoisie catalane n’est pour elle, dans son jeu avec le gouvernement de Madrid, qu’un instrument contre le peuple catalan et espagnol, le séparatisme des ouvriers et des paysans catalans est l’enveloppe de leur indignation sociale. Il faut faire une distinction rigoureuse entre ces deux genres de séparatisme. Or, pour séparer de leur bourgeoisie les ouvriers et les paysans opprimés nationalement, l’avant-garde prolétarienne doit prendre, dans la question de la libre détermination nationale, la position la plus hardie et la plus sincère. Les ouvriers défendront jusqu’au bout le droit des Catalans et des Basques d’organiser leur vie nationale indépendante, dans le cas où la majorité de ces peuples se prononcerait pour une séparation complète. Cela ne veut pas dire cependant que les ouvriers avancés pousseront, les Catalans et les Basques vars l’indépendance. Au contraire, l’unité économique du pays avec une large autonomie des régions nationales présenterait pour les ouvriers et les paysans de grands avantages au point de vue économique et culturel. » (Trotsky : Œuvres choisies, III, pp. 423 et 424.)
Dans le cas de la Wallonie, les intérêts de la lutte de classe plaident en faveur d’un fédéralisme à contenu économique anti-capitaliste. Mais le fédéralisme, en tant que moyen de réaliser le droit des peuples flamand et wallon à disposer d’eux-mêmes n’est-il réalisable qu’après la victoire de la révolution socialiste ? C’est, l’argument que Rosa Luxembourg opposa avant et durant la première guerre mondiale à Lénine qui combattit en faveur de l’inscription dans le programme socialiste du droit immédiat et inconditionnel des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous croyons que les trois réponses de Lénine restent valables aujourd’hui encore :
1) Il est du devoir du parti marxiste d’appuyer toute revendication démocratique sincère des masses, indépendamment de la possibilité ou non de la réaliser à bref terme. Celui qui s’oppose à la lutte pour le droit d’une nationalité à disposer d’elle-même sous prétexte que cette lutte est « utopique » dans le cadre du capitalisme, est objectivement un allié de l’oppression nationale et de l’annexionnisme.
2) II est faux de dire qu’aucune revendication démocratique ne puisse plus être réalisée partiellement dans le cadre du régime capitaliste (voir : l’indépendance de la Norvège en 1909. Voir depuis lors, tous les pays qui ont conquis leur indépendance politique formelle). La seule chose qu’affirme la théorie marxiste, et en particulier la théorie de la révolution permanente, c’est que l’ensemble des revendications démocratiques, l’ensemble des tâches historiques de la révolution bourgeoise ne peut plus être réalisé à l’époque impérialiste sans le renversement du capitalisme. Mais la mobilisation des masses pour des objectifs démocratiques importants peut justement devenir le prélude d’une lutte pour le renversement du capitalisme, tandis que l’abstention de cette lutte, sous une phraséologie « gauchiste », ne peut qu’isoler les révolutionnaires et prolonger la vie du capitalisme (et ajoutons aujourd’hui : prolonger le contrôle des réformistes et des centristes sur le mouvement ouvrier).
3) Même si une revendication démocratique déterminée est effectivement irréalisable dans le cadre du capitalisme, cela ne justifie en rien le refus de l’appuyer ou d’engager la lutte pour elle. Il faut faire avec les masses l’expérience de cette impossibilité, afin que cette expérience aboutisse à une prise de conscience de la nécessité de dépasser le cadre du capitalisme dans la lutte.
Lénine réfuta d’ailleurs, au cours de la même polémique avec Rosa Luxembourg l’argument selon lequel les revendications démocratiques ne seraient progressistes que dans les seuls pays coloniaux et non pas à l’égard des petites nationalités européennes.
Dès lors l’appui à la volonté d’autodétermination des masses wallonnes s’impose. Le seul argument valable contre cet appui serait celui qui affirmerait que la grande majorité du peuple wallon désire rester dans le cadre d’un État belge unitaire. Le fait qu’outre le M.P.W, le P.S.B. et le P.C. se soient prononcés en faveur du fédéralisme et que même les démocrates-chrétiens wallons penchent vers cette solution, s’inscrit en faux contre une telle hypothèse. Sous peine d’apparaître objectivement comme des défenseurs de l’état bourgeois unitaire belge, les marxistes révolutionnaires n’ont donc pas le droit de s’opposer à la revendication du fédéralisme.
II. Fédéralisme et prise de pouvoir
Une grande confusion a été créée autour du problème assez complexe des rapports concrets entre la lutte pour le fédéralisme et la lutte pour le socialisme en Belgique.
Soulignons d’abord que selon Lénine, que toute l’expérience confirme, aucune lutte pour des revendications démocratiques comme le fédéralisme n’est nuisible à la lutte pour le socialisme, du moins si les marxistes font leur devoir. Affirmer qu’il eût été préférable que la revendication nationale ne soit pas posée, c’est, en dernière analyse, affirmer qu’il eût été préférable que la nationalité n’existe pas. Il ne faut pas oublier qu’en Flandre la question du « séparatisme », de « l’autonomie » ou du « fédéralisme » est posée depuis un demi-siècle et qu’une des causes fondamentales de la stagnation du mouvement ouvrier dans cette partie du pays c’est son incapacité à se placer hardiment à la tête de la lutte pour les justes revendications démocratiques au peuple flamand. Peut-on reprocher au mouvement ouvrier wallon d’avoir coupé l’herbe sous le pied de démagogues réactionnaires en posant lui-même la revendication fédéraliste ?
Certes nous avons reproché à Renard la manière dont il a soulevé la question du fédéralisme au cours d’une grève où des travailleurs flamands et wallons se battaient côte à côte, ce qui n’a pas contribué à renforcer l’unité du front gréviste. Cette critique fut juste. Mais il serait absolument injuste de la prolonger pour la période d’après la grève.
Pendant la grève, Renard soulevé la question du fédéralisme pour esquiver celle du pouvoir. Après avoir négligé pendant des années de constituer un noyau de gauche en Flandre, après avoir accepté pendant toute cette période le partage du mouvement syndical belge en « zones d’influence » : la Flandre pour Major et, la Wallonie pour lui, il s’est trouvé brusquement confronté au cours de la grève avec la nécessité de dépasser l’action purement économique. Ses préjugés anarcho-syndicalistes (le refus de « faire de la politique ») autant que son centrisme (le refus d’aller jusqu’au bout dans l’action anti-capitaliste) l’empêchèrent de poser la question gouvernementale et la question de la conquête du pouvoir, qui auraient dû couronner logiquement l’action d’ensemble des travailleurs. En lançant le slogan du fédéralisme il posa cette question par le biais, sans se prononcer ouvertement sur les structures politiques.
Mais précisément parce que la question du fédéralisme est, en fait, une question de pouvoir, les travailleurs wallons d’avant-garde l’ont saisie après la grève avec une résolution dont il faut souligner le caractère de classe. Exiger le fédéralisme, c’est devenu pour eux une façon indirecte d’exiger que la prochaine grève n’aboutisse à une impasse. Ils affirment qu’ils sont placés devant le choix d’attendre jusqu’à ce que les travailleurs flamands aient atteint leur niveau de conscience, ce qui pourrait durer longtemps, ou bien d’aller jusqu’au bout dans l’action, c’est-à-dire de conquérir le pouvoir dans la Seule Wallonie, ce qui permettrait aussi un bond décisif en avant de la conscience de classe des travailleurs flamands. Nous serions de très mauvais révolutionnaires si nous leur répondions qu’ils doivent attendre et que l’action révolutionnaire est impossible du moment qu’elle se limite pour l’essentiel à la seule Wallonie.
Un argument particulièrement inepte est celui qui affirme que les centristes, en liant les « réformes de structure anticapitalistes » au fédéralisme « poursuivent la chimère du socialisme dans « une seule province ». C’est la vieille confusion stalinienne entre la possibilité de conquérir le pouvoir dans un seur pays et la possibilité d’y parachever la construction d’une société socialiste. Autant les marxistes révolutionnaires rejettent cette seconde possibilité, autant ils affirment hautement que les prolétaires doivent utiliser tout concours de circonstances favorables, tout rapport de forces particulièrement amélioré, pour lutter pour le pouvoir, indépendamment des dimensions géographiques du pays. Refuser d’envisager la lutte pour une Wallonie socialiste sous prétexte que c’est un petit pays, que la révolution serait vite « étouffée par le capital étranger », etc., c’est répéter les arguments avec lesquels les réformistes et les centristes se sont jusqu’ici opposés à toute prise du pouvoir par le prolétariat, dans n’importe quel pays.
Les marxistes abordent le problème de la manière opposée, comme le firent Lénine et Trotsky en 1917. Loin d’attendre une « conjoncture internationale plus favorable », ils considérèrent que pour améliorer cette conjoncture dans l’action, il faut exploiter toute chance de victoire révolutionnaire même instable, où qu’elle se présente. Et il n’y a pas de doute qu’actuellement la Wallonie constitue une des zones d’Europe occidentale où les rapports de forces sont relativement les plus favorables au prolétariat.
III. Les capitalistes et le fédéralisme
La réalisation du fédéralisme sera-t-elle simultanée à la prise du pouvoir ? Favorisera-t-elle celle-ci ? Pourrait-elle la rendre plus difficile ? Après avoir examiné la question à la lumière des principes, il faut l’examiner à celle des faits précis.
La droite réformiste prétend que le fédéralisme affaiblirait le mouvement ouvrier et certains « ultra-gauches » le répètent. Cet affaiblissement résulterait du sabotage capitaliste qui s’accentuerait dans le cadre du fédéralisme, l’évasion des capitaux, la « désindustrialisation » de la Wallonie qui se poursuivrait à un rythme accéléré, etc. Dans la bouche d’un marxiste, c’est un argument indigne, un argument de capitulard. L’expérience historique - y compris celle toute récente de Cuba - démontre au contraire que si le capitalisme sabote de manière cynique un gouvernement issu de la volonté populaire, de la lutte des masses, cela pousse ces masses en avant dans la lutte vers le socialisme. Il est possible que ce sera précisément sous le fouet du « sabotage capitaliste » qu’un gouvernement social-démocrate wallon serait obligé de faire place à un gouvernement centriste et que, sous le fouet du même sabotage, les masses, loin de se démoraliser, s’engageraient sur un chemin révolutionnaire.
Le reste dépendrait naturellement des rapports de forces en Wallonie, en Belgique, en Europe et dans le monde. Personne ne peut prédire des défaites ou des victoires certaines. Mais même une défaite, une fois la bataille engagée dans ces conditions, serait d’une immense valeur éducative pour tout le prolétariat européen.
Toute cette hypothèse implique que la bourgeoisie belge admettrait l’instauration d’un fédéralisme en Belgique, courrait le risque d’un gouvernement social-démocrate wallon homogène, sous forte pression des masses et que la bataille décisive se produirait après l’instauration du fédéralisme et non avant elle. Mais si l’on ne peut exclure cette hypothèse, elle est cependant la moins probable. Il est infiniment plus probable que le fédéralisme ne sera arraché à la grande bourgeoisie que dans le cadre d’une bataille d’ensemble contre le Grand Capital et qu’il ouvrira dès le début une période de dualité du pouvoir ou bien que la conquête du fédéralisme coïncidera avec la conquête même du pouvoir.
Ce qui plaide en faveur de ces deux dernières hypothèses, c’est le fait que dans les conditions présentes la réalisation du fédéralisme signifie, du point de vue de la grande bourgeoisie, livrer son industrie lourdes et ses sources essentielles de profit au contrôle d’un gouvernement social-démocrate soumis à une puissante pression des masses. Pareille éventualité ne se présenterait qu’en cas de crise pré-révolutionnaire grave, lorsque ; cela apparaîtrait à la bourgeoisie comme un moindre mal. Mais précisément dans une telle période, cela apparaîtrait aux masses comme une victoire arrachée de haute lutte à cette bourgeoisie, cela stimulerait fortement leur combativité et permettrait d’envisager à brève échéance la création d’une dualité de pouvoir.
Le fond du problème pour l’avant-garde du prolétariat wallon, qui représente déjà plusieurs dizaines de milliers de militants soustraits à l’influence réformiste pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier belge, c’est que la lutte pour le fédéralisme est l’expression d’une prise de conscience très nette : la faillite de la voie réformiste et parlementaire vers le socialisme en Belgique. Ces travailleurs ne croient plus à la possibilité de créer le socialisme en Belgique à l’aide du bulletin de vote. Il faut apprécier à sa juste valeur l’immense progrès ainsi réalisé.
Il est vrai que ces mêmes travailleurs, en train de rompre avec le réformisme, ne sont pas encore arrivés à une conscience révolutionnaire nette. C’est que leur conscience est en mouvement, en évolution, non encore fixée et que cette évolution durera longtemps, jusqu’à ce que des événements révolutionnaires l’accélèrent (leur prise de conscience actuelle est d’ailleurs essentiellement le produit de la grande grève). Ils veulent rompre avec le P.S.B., mais sans aller plus loin que le M.P.W. Ils ne croient plus à la voie réformiste vers le socialisme en Belgique mais ils y croient encore à moitié pour la Wallonie !
Il est du devoir des marxistes révolutionnaires de partir de ce niveau de conscience donné, de vivre avec eux l’expérience dans laquelle ces travailleurs sont engagés et, sans ultimatums ni prêches incompréhensibles pour eux, de les guider pédagogiquement vers la conclusion pratique que la Wallonie socialiste ne naîtra que de leur lutte révolutionnaire. Mais ce serait la pire des erreurs sectaires de leur dire d’avance qu’un gouvernement wallon issu du suffrage universel serait impuissant. Il faut au contraire créer les conditions subjectives adéquates pour qu’ils mettent dès le début l’épée dans les reins d’un tel gouvernement, pour qu’ils le radicalisent ou le remplacent à chaque expérience d’ « impuissance », pour que la logique soit une logique de progrès et non de recul vers des défaites dès maintenant proclamées comme « inévitables ».
Quant au danger de simulacre de fédéralisme qui laisserait toutes les compétences économiques au pouvoir central, renardistes et centristes l’ont déjà suffisamment dénoncé dans leurs journaux « Combat » et « La Gauche » pour que la prise de conscience à ce propos se propage largement dans la classe ouvrière. Cette argumentation, juste pour l’essentiel, a même triomphé maigre les efforts de la droite social-démocrate au congrès de Charleroi des socialistes wallons en avril dernier.
IV. Appui critique au M.P.W.
Si notre appui au fédéralisme est clair, net et sans réserve en tant que revendication démocratique juste, dans le cadre des revendications transitoires, notre appui au M.P.W. ne peut être qu’un appui critique, pour détourner ses militants des déviations très dangereuses. Notamment :
a) de toute déviation chauvine, de toute propagande nationaliste anti-flamande. Il faut constater que l’action menée dans ce sens par les centristes de gauche a rencontré un très large écho parmi les travailleurs et a déjà obligé les dirigeants du M.P.W. à rectifier leur cours, ne fut-ce qu’en partie ;
b) de la croyance que le fédéralisme, en tant que tel, ou même combiné avec de vagues « réformes de structure » serait le moyen de résoudre des problèmes économiques et sociaux dont la solution exige en fait le renversement du capitalisme. Pour certains renardistes, la formule « fédéralisme et réformes de structure » recouvre en fait la formule : « un néo-capitalisme wallon à la place de l’actuelle expérience de néo-capitalisme belge ». C’est là semer chez les travailleurs de dangereuses illusions, qu’il faut combattre. Mais cette lutte ne doit pas être essentiellement négative (« dénoncer ») mais constructive, c’est-à-dire axée sur des propositions qui unissent en pratique la lutte pour le fédéralisme avec la lutte pour les revendications transitoires de type anti-capitaliste ;
c) des moyens d’action envisagés pour faire triompher les objectifs du M.P.W. Les moyens d’action envisagés par les renardistes sans être purement parlementaires, ne sont pas de nature à porter à une mobilisation croissante des masses. Des équivoques graves subsistent : nature de la grève générale, illusions sur le référendum, etc. Il faut être les défenseurs systématiques de la lutte pour les objectifs du M.P.W. par l’action directe, pour la voie révolutionnaire vers le fédéralisme, tout en comprenant que cela n’implique pas une agitation intempestive à tout instant en faveur de l’insurrection ! Ni l’emploi d’un vocabulaire provocateur dans les meetings en présence de flics !
En fin de compte, le jugement que nous pouvons porter sur le M.P.W. est déterminé par le jugement d’ensemble que nous portons sur la situation actuelle du mouvement ouvrier belge. Nous considérons l’aile renardiste qui constitue le gros des forces du M.P.W., comme le seul courant de masse qui ait débordé les chefs réformistes sur leur gauche. Au niveau des masses, il n’y a aucune chance réaliste de construire pareil courant révolutionnaire autonome dans un avenir immédiat. La seule politique de masse valable est dès lors d’accorder un appui critique au courant renardiste. La tactique la plus efficace, pour le moment, est celle de l’aile marchante du courant renardiste, à condition qu’elle reste toujours un pas à gauche de sa direction, pas plus et pas moins.
Toute autre polique aurait des effets désastreux : isoler cette aile des masses les plus avancées est servir objectivement la droite réformiste. Car dans la bataille réelle engagée entre renardistes et réformistes, toute_politique qui consiste à les attaquer de la même façon, sur le même plan, avec la même vigueur, prête en pratique aide et assistances aux pires opportunistes de la droite réformiste. Quant aux travailleurs flamands, il est essentiel qu’ils puissent comprendre les réelles divergences entre la droite réformiste et le courant centriste renardiste. Tout en critiquant toute déviation nationaliste éventuelle des renardistes, il faudra établir toujours l’unité d’action entre l’avant-garde flamande et wallonne sur les positions relativement les plus avancées et non pas sur des positions qui sont en fait des positions de repli.
V. Perspectives à court et à long terme
Après la manifestation du 1er avril 1962, il est possible de préciser davantage les perspectives à court terme. Cette manifestation fut un succès pour le M.P.W., dans la mesure où elle permit de rassembler 20 à 25.000 travailleurs, malgré une directive explicite du président du P.S.B. Elle fut un échec dans la mesure où elle resta inférieure aux 35 à 40.000 manifestants prévus. Le P.S.B. a démontré qu’il contrôle toujours les larges masses mais il doit constater que l’avant-garde qu’il ne contrôle plus totalement en Wallonie est devenue beaucoup plus large que jamais dans le passé. Dans ces conditions, l’éventualité la plus probable à court terme, est celle du compromis entre droitiers et renardistes, en vue de la reconstitution du secrétariat de la F.G.T.B. au congrès de décembre prochain.
A plus long terme, l’évolution au sein du mouvement ouvrier dépend plus que jamais de l’évolution du rapport de forces entre les classes, à l’échelle nationale et internationale. La fin de la haute conjoncture, une nouvelle offensive contre les conditions de vie et de travail des travailleurs, l’incidence de l’évolution de la situation dans le reste de l’Europe occidentale prépareront d’ici peu d’années une nouvelle épreuve de force.
Il faudra mettre tout en œuvre pour que la classe ouvrière aborde cette bataille sans avoir perdu sa puissance essentielle par suite d’une démoralisation. Il faudra qu’elle ait assuré la cohésion de son front en évitant la scission syndicale et qu’elle ait préparé un programme d’action plus précis et plus à gauche que celui d’avant décembre 1960. C’est dans la lutte que se décideront finalement toutes les questions soulevées par le problème du fédéralisme posé actuellement devant ce pays.