Récemment a paru, aux éditions Maspero, le livre de Paul Baron, « Economie politique de la croissance », et l’on annonce la parution du livre de Baran et Sweezy « Le capital monopolistique ». Dans ces deux livres, le point de départ des auteurs est ce qu’ils appellent le surplus, une notion qui, tout en se revendiquant du marxisme, est différente de celle de plus-value.
L’auteur américain David Horowitz, à propos d’une critique de E. Mandel sur cette notion, considère que celle-ci constitue un progrès par rapport au marxisme. Répondant à l’article d’Horowitz, E. Mandel se livre à une critique plus approfondie et montre que Baran et Sweezy ont intro duit des éléments sérieux d’une révision du marxisme. C’est ce dernier article, publié dans L’International Socialist Review, que nous reproduisons ci-après. Il montre entre autre, selon nous, le danger qui existe dans les tentatives de vouloir faire accepter certains points de vue marxistes, comme Baran et Sweezy s’efforçaient de le faire, en recourant à un vocabulaire qui s’écarte de celui du marxisme. L’opération ne peut le plus souvent manquer de se retourner contre ceux qui la tentent.
La contestation de David Horowitz offre une bonne occasion d’éprouver la validité de la théorie de la valeur-travail en tant qu’instrument d’analyse et d’explication du fonctionnement du capitalisme monopolistique contemporain. En même temps cela nous permet d’approfondir et notre appréciation et notre critique du livre de Baran et Sweezy.
Le concept de « surplus » est aujourd’hui communément utilisé par les anthropologues et les spécialistes des sociétés primitives, dans son sens le plus élémentaire, à savoir la part de production sociale qui dépasse les besoins immédiats de consommation de la société. Puisque la société primitive dans laquelle le « surplus » apparaît pour la première fois est une société sans classe, la consommation par les producteurs (c’est-à-dire la reconstitution de la force de travail des producteurs et la reproduction du nombre donné de producteurs) et la consommation sociale sont largement équivalentes. En ce sens, le « surplus économique » recouvre le même concept socio-économique que le concept marxiste de surproduit, cette partie du produit social qui est au-delà du « produit nécessaire ».
Sauf dans les sociétés primitives les plus retardées, le « produit nécessaire » a cependant encore une autre fonction à remplir, celle de reproduire les capacités productives de la société. Il a aussi à garantir l’exact remplacement de tous les moyens de production employés dans le processus social de production.
Plus une société se développe, plus cette deuxième fonction devient importante. Dans une société capitaliste, le produit nécessaire inclut le capital constant et le capital variable (C + v), c’est-à-dire la reproduction du travail mort et du travail vivant nécessaire pour reprendre la production au même niveau que durant le cycle précédent. Ceci assure ce que Marx appelle la « reproduction simple ». Le surproduit représente la différence entre la valeur du produit social C + v + s et la valeur du produit nécessaire. Elle est égale à « s », la plus-value. En fait la plus-value est simplement la forme spécifique sous laquelle le surproduit est approprié dans l’économie capitaliste.
Baran et Sweezy ne contestent pas cette définition. Ils la répètent p. 8-10 de leur livre. Ils ajoutent que s’ils préfèrent le terme « surplus » au terme « plus-value », c’est seulement parce que « la plupart des gens familiarisés avec la théorie économique marxiste » - contrairement à Marx lui-même - identifient la plus-value à la « somme suivante : profits + intérêts + rente » (p.10). Dans ce sens ils semblent commencer par des définitions identiques à celles de Marx et il semble que D.Horowitz ait tort de dire qu’ils ont abandonné la théorie de la valeur-travail.
Cependant, lorsque les auteurs développent leurs arguments, il devient de plus en plus apparent qu’ils s’écartent sensiblement de la définition initiale. On a l’impression qu’ils ont abandonné la théorie de la valeur-travail. Que cela soit leur intention ou non, c’est à Sweezy lui-même de clarifier la question.
Les amortissements
Lorsqu’ils évaluent le « surplus », Baran et Sweezy s’étendent avec beaucoup d’insistance sur la question des amortissements. Ils affirment que « les amortissements en excédent » (p. 99-100, 372-378) constituent un « surplus » et ils s’empêtrent dans de multiples calculs de ce facteur. Mais ils ne posent pas la question de la façon dont un marxiste devrait la poser : quelle est la valeur du capital fixe réellement employé dans le processus de production ?
Plusieurs arguments jouent contre eux et contre la thèse de Joseph D. Philips sur « les amortissements excessifs ». L’emploi d’un pourcentage d’investissement brut égal à celui de l’Union soviétique est évidemment insoutenable parce que le taux d’investissement net en Union soviétique est bien supérieur à celui qui est en vigueur dans l’économie américaine. Des amortissements excessifs ne sont pas la seule forme possible d’évasion fiscale. Les profits sont même mieux cachés quand on affecte les dépenses pour le renouvellement du capital aux opérations courantes. Ceci est largement pratiqué par les grandes entreprises.
Et enfin - et ceci est important - pour avoir une appréciation correcte des valeurs réelles du capital fixe employées dans la production courante, il faut commencer par avoir une estimation correcte de la réelle valeur du capital. Celle-ci est couramment même plus sous- estimée que ne le sont les profits courants. Et comme le taux accéléré du développement technologique tend à réduire la durée de vie des usines et des machines, ce que Baran et Sweezy reconnaissent, la valeur du capital fixe employée chaque année est très grande, probablement plus grande et non plus petite que les amortissements officiels le montrent.
En conséquence, on doit soustraire, et non ajouter, les amortissements des recettes brutes si on veut établir le « surplus » social. Ce calcul affaiblit considérablement la démonstration statistique de Philips sur la « tendance du surplus à augmenter ». Sans prendre en considérant les amortissements, le surplus tel qu’il est défini par les auteurs baisse à 33% du produit national brut en 1929, à 49,4% en 1949, à 49,2% en 1959 et à 49,8% en 1961.
D’un autre côté, si on définit le « surplus » comme le font au début les auteurs, comme « la différence entre ce que la société produit et son coût de production » (p. 9) et si on élimine l’intérêt et la rente du « coût de production » on suit la théorie de la valeur-travail. Le « surplus », ou là « plus-value » est alors la différence entre la valeur du produit social et la valeur consommée (sous la forme de capital constant et de capital variable) pour la production de ce produit.
Mais cette définition marxiste classique est incompatible avec cette définition des plus négligées du surplus, la « différence entre la production globale nette et les salaires réels globaux des travailleurs productifs » (p. 125). Cette définition utilise la théorie de la valeur- travail dans sa deuxième partie mais la renie dans sa première partie. La « production nette globale », telle qu’elle est définie par la comptabilité bourgeoise actuelle, inclut la redistribution de plus-value et de nombreux revenus qui sont simplement un résultat de l’inflation (par exemple, paiement des forces armées, des anciens combattants, des fonctionnaires de l’Etat à travers le déficit budgétaire, etc.). Nos auteurs oscillent ainsi entre les calculs de valeur et les calculs de « demande globale ». Horowitz a raison lorsqu’il suppose qu’ils essayent de combiner Marx avec Keynes. Il a tort quand il suppose que ceci contribue à faire comprendre plus clairement les « lois du mouvement » du capitalisme contemporain.
Horowitz base son rejet de la théorie valeur-travail sur un vieil article écrit par Oscar Lange dans les années ’30 (1). Cet article contient ce que nous considérons être plusieurs erreurs tant en théorie économique marxiste en général que sur la théorie de la valeur-travail en particulier. Ce n’est pas ici le lieu pour répondre longuement aux arguments de Lange. Mais nous voulons mettre le doigt sur un de ses points fondamentaux, qui a un lien direct avec notre critique du « Capitalisme monopolistique ».
L’hypothèse de Lange suivant laquelle la théorie marxiste de la valeur-travail n’est « rien de plus qu’une théorie statique de l’équilibre économique général » (op. cit. p. 194) nous semble être complètement fausse. On pourrait le soutenir à propos de l’application particulière de cette théorie aux conditions de la simple production marchande. Mais il est complètement faux de maintenir cette position lorsqu’on applique la théorie de la valeur au capitalisme. Or, c’est à cette application et non dans le cas spécial de l’équilibre statique dans une société pré-capitaliste que Marx consacra presque toutes ses études économiques de 1844 à sa mort.
Pour comprendre la nature dynamique de la théorie de la valeur-travail utilisée par Marx, il suffit de comprendre le but de Marx quand il perfectionne la théorie ricardienne de la valeur-travail en élaborant la théorie de la plus-value. Il veut expliquer le caractère essentiellement dynamique de l’accumulation du capital : comment l’échange de « valeurs égales » entre le travailleur et le capitaliste conduit à un enrichissement constant du capitaliste. Il n’est pas nécessaire de développer longuement comment Marx résout le problème : distinction entre travail et force de travail, découverte que le travailleur ne vend pas son « travail » mais sa force de travail ; distinction entre la valeur d’échange de la force de travail et sa valeur d’usage pour le capitaliste (il s’agit de produire plus de valeur que sa propre valeur d’échange, etc.).
La théorie de la valeur-travail ainsi rectifiée par Marx introduit deux éléments dynamiques dans ce que Lange appelle faussement une « théorie de l’équilibre économique général » De par sa véritable nature, elle implique un processus de croissance économique construit à l’intérieur du modèle. Elle indique le double processus qui fournit la rationalité de l’accumulation capitaliste : concurrence inter-capitaliste, concurrence entre capitalistes et travailleurs (2).
Pour la même raison, il est impropre de parler du modèle marxiste comme d’un modèle « d’équilibre économique général ». En réalité, c’est un modèle qui présente une unité dialectique entre équilibre et déséquilibre, l’un entraînant nécessairement l’autre. C’est la raison pour laquelle il est vain d’essayer de « découvrir » la théorie marxiste des crises dans les fameux schémas de reproduction du tome II du Capital parce que ces schémas font effectivement abstraction de la « concurrence capitaliste ». Et toute étude du cycle économique doit nécessairement se placer dans l’étude de celle-ci, selon Marx lui-même (3).
Toutes les « lois du mouvement » du mode de production capitaliste proviennent du processus d’accumulation du capital basé sur la théorie de la valeur-travail perfectionnée par Marx et expliquée par elle. Ceci est particulièrement vrai pour la loi de la centralisation et de la concentration du capital et la loi de l’augmentation de la composition organique du capital, les deux résultant de la concurrence intercapitaliste (« le gros poisson mange le petit ») et de la nécessité d’augmenter la plus-value relative, c’est à dire d’augmenter la productivité du travail.
En vérité, la tentative de séparer les activités de l’accumulation du capital de ces deux explications rationnelles offertes par Marx, ou même de séparer l’une de l’autre, doit amener à découvrir « quelque besoin d’accumulation » mystique derrière la réalité de l’investigation scientifique. Des auteurs engagés sur ce périlleux chemin finissent, généralement, avec des sortes d’explications tautologiques du style ; « les capitalistes accumulent parce que ( !) c’est leur mission, ou leur fonction, ou leur rôle, ou leur but d’accumuler ». On se souvient de la définition immortelle de Molière : « l’opium fait dormir parce qu’il a des propriété dormitives ».
La concurrence intercapitaliste
Baran et Sweezy prétendent énergiquement que l’accumulation du capital représente encore pour les entreprises géantes d’aujourd’hui « la Loi et les Prophètes ». Nous sommes parfaitement d’accord avec cela. Mais ils n’expliquent pas de façon exhaustive pourquoi il en est ainsi. Au contraire, ils ne font absolument pas intervenir dans leur analyse la concurrence fondamentale qui existe entre capitalistes et travailleurs. Cela apparaît seulement dans les derniers chapitres relatifs au déplacement courant des travailleurs par l’automation. En ce qui concerne la concurrence inter-capitaliste, ils oscillent entre des positions erronées. D’une part ils identifient la concurrence avec « la concurrence sur les prix » ; d’autre part, niant la prédominance de la concurrence des prix, ils semblent dire que cette concurrence existe mais dans un système « radicalement différent » du schéma marxiste.
Il faut « faire un grand effort de clarification. Il est vrai que, dans le tome III du Capital, lorsque Marx développe sa théorie de la formation des « prix de production » (l’égalisation du taux de profit résultant de la circulation du capital entre les différentes branches de l’industrie) la hausse et la baisse des prix constituent le mécanisme à travers lequel l’égalisation du profit se fait. Mais si on réfléchit un moment on voit que ce n’est qu’un mécanisme secondaire et que le nœud du problème n’est pas là. Si, au lieu de réduire les prix, on utilise une publicité agressive pour s’approprier une plus grande partie du marché, le raisonnement entier reste exactement le même que dans le tome III. Ce qui est important, c’est qu’une firme réalise un taux de profit substantiellement plus élevé et que ce taux supérieur attire alors le capital des autres firmes (disons des autres monopoles) sur le même terrain jusqu’à ce qu’il y ait égalisation. Dire que les monopoles essaient d’éviter des risques excessifs veut dire précisément dans ce cadre qu’ils évitent d’opérer des déviations trop importantes de leur superprofit par rapport au superprofit monopolistique « normal », parce que de telles déviations attireraient inévitablement les autres capitaux.
Cependant, la faiblesse cruciale du capitalisme monopolistique tient au fait que les auteurs omettent de tenir compte de l’exploitation du travail par le capital et en conséquence du besoin pour les capitalistes d’augmenter la plus-value relative. Lorsqu’ils parlent de la pauvreté aux Etats-Unis, Baran et Sweezy font ressortir correctement que la disparition totale de l’armée de réserve pendant la Deuxième guerre mondiale conduisit à « l’amélioration des niveaux de vie des pauvres gens... ». Cela entraîna à son tour une pression montante sur les salaires réels, se manifestant au moment de la grande vague de grèves de l’après-guerre. Ils continuent à soutenir (p. 287) que, dans les années 50, « le chômage augmenta continuellement et que le caractère des nouvelles techniques de l’après-guerre accentua de manière aiguë le désavantage des ouvriers non qualifiés ou semi qualifiés ». Il nous semble que les « nouvelles techniques de la période d’après-guerre » ont créé cette tendance montante du chômage, c’est-à-dire que l’économie américaine entrait alors dans la période la plus dramatique du « déplacement des travailleurs par les machines » dans toute son histoire.
Il ne peut plus y avoir de doute sur le fait que ce mouvement fut un succès au-delà de toute prévision car pendant plus de dix ans les salaires réels américains stagnèrent pratiquement en comparaison avec leur rapide développement dans tous les autres pays impérialistes, et que la grande hausse de profits pendant cette période fut le résultat des accroissements fantastiques de la plus-value ainsi produite.
En laissant de côté dans leur analyse du capitalisme monopolistique la lutte continuelle de la classe capitaliste pour maintenir et augmenter le taux d’exploitation de la classe ouvrière, Baran et Sweezy placent toute leur conception économique du fonctionnement actuel du système capitaliste hors de la réalité des forces sociales en présence, c’est-à-dire hors du domaine de la lutte des classes.
Il n’est donc pas étonnant qu’ils finissent par dénier toute valeur au potentiel anticapitaliste de la classe ouvrière américaine. Ils mettent, déjà cette négation dans les prémisses de l’argumentation. On est en face d’une pétition de principe classique sur la concurrence inter-capitaliste, ainsi qu’il a été dit précédemment, l’argumentation de Baran et Sweezy est pour le moins vague. Ils reconnaissent la nécessité pour les entreprises de réduire les coûts. Ils reconnaissent la nécessité pour celles-ci d’augmenter leurs profits afin de développer l’accumulation du capital. Ils reconnaissent aussi la nature férocement compétitive de la « jungle monopoliste » pour, ne pas parler de la dure concurrence qui existe entre les secteurs monopolistes et les secteurs non monopolistes de l’économie. Malgré tout, ils repoussent la conclusion évidente, à savoir que l’explication la plus rationnelle de cette accumulation reste la concurrence, exactement comme dans le modèle marxiste. Et cela laisse un vide béant dans leur analyse.
L’analyse de la valeur
La raison de cette faiblesse est facile à découvrir. La théorie de la valeur travail implique qu’en termes de valeur, la masse totale de plus-value qui doit être distribuée chaque année est une quantité donnée. Elle dépend de la valeur du capital variable et du taux de plus-value. La concurrence sur les prix ne peut pas changer cette quantité (sauf quand elle influence la division du revenu nouvellement créé entre travailleurs et capitalistes, c’est-à-dire quand elle hausse ou baisse les salaires réels et ainsi augmente ou réduit le taux de plus-value).
Une fois qu’on a saisi cette simple vérité fondamentale, on comprend que l’élimination de la libre concurrence par les monopoles n’altère pas radicalement le problème en termes de valeur. Cela veut dire que la distribution d’une quantité donnée de plus-value évolue en faveur des monopoles et à la défaveur des secteurs non monopolistes. Cela peut vouloir dire (mais il faut le démontrer) que le taux moyen de plus-value a augmenté. Mais cela ne modifie aucunement les rapports essentiels qui expliquent la création de la plus-value.
En quittant le terrain de la production de valeur pour celui de la demande globale monétaire, Baran et Sweezy obscurcissent les simples relations fondamentales. Ils parlent vaguement d’un « surplus qui serait absorbé » lorsque les machines et les hommes inactifs sont mis au travail. Mais ce qui n’a pas été produit ne peut être absorbé. Quand les machines sont inoccupées on n’a pas un « surplus inabsorbé », c’est-à-dire de la plus-value non dépensée ou des marchandises invendues. On a un capital oisif, ce qui est tout à fait différent. Et le « surplus » (plus-value) n’est pas « absorbé » mais produit, c’est-à-dire que sa quantité augmente en résultat de l’augmentation du capital variable.
Abandonnant le terrain solide du calcul en valeur pour le terrain glissant de la « demande globale », Baran et Sweezy montrent souvent une stupéfiante incapacité à distinguer les comportements micro-économiques d’une firme, du résultat macro-économique de ce comportement généralisé. Ils déclarent correctement que la société monopolistique moderne tend à « maximiser les profits » au moins autant que son ancêtre concurrentiel le faisait. Mais ils semblent oublier que le taux moyen de profit est précisément le résultat macro-économique de ce comportement des firmes individuelles. Cela découle directement du fait que la plus-value qui peut être distribuée entre les différentes firmes est une quantité donnée limitée chaque année.
Si une entreprise monopolistique réussit à gagner une partie excessive de la plus-value totale, les autres entreprises se précipitent dans le même genre d’affaires. Les exemples de l’aluminium, des machines à calculer électroniques, des machines à reproduire, des produits pétrochimiques, simplement pour signaler quelques industries en extension durant les trois dernières décennies, confirment clairement ce qui se passe réellement. On arrive donc à la conclusion que, sous le capitalisme monopolistique tout comme sous le « modèle concurrentiel », la maximalisation du profit par les firmes individuelles conduit à la tendance à l’égalisation du taux de profit. La seule distinction qu’il faut faire est que sous le capitalisme monopolistique deux taux moyens différents tendent à se développer, un pour le secteur monopolistique, l’autre pour le secteur compétitif (4).
Nous pouvons dès lors conclure que Baran et Sweezy ont été incapables de prouver que le modèle marxiste était fondé sur quelque trait spécifique lié à la concurrence autour des prix ou que l’accumulation du capital sous le capitalisme monopolistique se déroule suivant des lignes qualitativement différentes de celles du capitalisme concurrentiel. Sous le capitalisme monopolistique comme sous le capitalisme concurrentiel les deux forces fondamentales expliquant l’accumulation du capital restent la concurrence inter-capitaliste (pour s’approprier une plus grande partie de plus-value) et la concurrence entre capitalistes et travailleurs (pour augmenter le taux de plus-value).
Dans le modèle de Marx, la baisse tendancielle du taux de profit provient de deux causes. D’abord, étant donné que seul le travail humain produit de la plus-value, seulement une partie du capital, le capital variable, correspond à la production de plus-value. Si le capital variable a tendance à être une plus petite partie dans le capital total, il y aura une forte tendance à la baisse du rapport s / C + v. Deuxièmement, cette tendance peut être neutralisée seulement si en même temps le taux de plus-value s / V augmente.
Mais historiquement il est peu probable que le taux de plus-value varié dans la même proportion que l’augmentation de la composition organique du capital. Et à long terme, c’est impossible, parce que la composition organique du capital peut augmenter indéfiniment (la limite étant l’automation complète, c’est-à-dire l’exclusion du processus dé production de tout travail humain), le taux de plus-value ne peut augmenter indéfiniment parce que cela implique-rait que les salaires des travailleurs en-gagés dans la production tendent vers zéro.
Baran et Sweezy prétendent que la baisse tendancielle du taux de profit est en quelque sorte liée au « modèle concurrentiel » de Marx et n’opérerait plus sous le règne du capitalisme monopolistique. Mais ils ne portent pas la moindre attention aux deux fractions fondamentales dont résulte la baisse du taux de profit, la composition organique du capital et le taux de plus-value.
En liaison avec la composition organique du capital, les auteurs du Capitalisme monopolistique ne font aucune estimation générale. D’une part, ils disent que « sous le capitalisme monopolistique la vitesse à laquelle les nouvelles techniques remplaceront les vieilles Sera plus lente que Ta théorie économique traditionnelle l’aurait laissé supposer... Le progrès technologique tend a déterminer la foi me prise par l’investissement à un moment donné plutôt que sa quantité » (p. 95-97). Mais quelques pages plus loin, ils écrivent : « La décennie 1952-1962 fut une des décennies de pro-grès technologique rapide et probablement accéléré » (p. 102). Les chiffres qu’ils citent confirment la thèse suivant laquelle les investissements de capital fixe croissent plus vite que les salaires.
En 1953, les dépenses pour la recherche et le développement et les dépenses pour les plans d’équipement des entreprises non financières se sont élevées à 27,4 milliards de dollars, alors qu’elles se sont élevées à 44 milliards en 1962 (et depuis elles ont augmenté d’un chiffre double de celui de 1953 !). Les salaires payés dans les mêmes entreprises n’ont pas augmenté de 100 entre 1953 et 1966 (5).
Le progrès technologique
Tout d’abord Baran et Sweezy affirment que les seules révolutions technologiques qui aient provoqué des démarrages fantastiques dans les investissements productifs étaient celles relatives à la machine à vapeur, aux trains et à l’automobile. Mais, plus loin, ils admettent que la révolution technologique liée à la mécanisation, l’automation et la cybernétique a réduit le nombre des ouvriers spécialisés dans l’économie américaine de treize millions en 1950 à moins de quatre millions en 1962 et que, selon de nombreux auteurs, cette révolution technologique n’en est encore qu’à son début ! Il est certain qu’un déplacement des travailleurs par les machines à ce que Baran et Sweezy appellent cette « vitesse fantastique », montre une tendance à l’accroissement de la composition organique du capital, non ?
Il n’y a pas de doute pour nous que, commençant à la fin des années 50 (c’est-à-dire avec la hausse constante du taux de chômage), une hausse significative du taux de plus-value s’est cristallisée dans « l’explosion de profit » de plus de 50% entre 1960 et 1965. Mais que cette hausse puisse continuer à déplacer de plus en plus de travailleurs productifs seuls créateurs de plus-value, à une vitesse équivalente à la croissance de la composition organique du capital est douteux. L’automation continuera à déplacer de plus en plus de travailleurs productifs. Il se peut bien que les salaires des travailleurs productifs représentent une part de plus en plus faible du nouveau revenu créé dans l’industrie, mais ils ne baisseront pas suffisamment rapidement pour compenser la croissance de la composition organique du capital. Aussi il n’y a pas de raison d’affirmer que la baisse tendancielle du taux de profit sera historiquement renversée.
On en a une preuve frappante que, curieusement, Baran et Sweezy citent, sans en tirer les conclusions nécessaires. Pages 196-197, ils indiquent qu’entre 1946 et 1963 les investissements faits directement à l’étranger par les entreprises américaines se multiplièrent par cinq parce que le taux du rendement des investissements à l’étranger était bien supérieur à celui aux Etats-Unis. Evidemment, la composition organique du capital est inférieure et le degré de contrôle du marché par le capitalisme monopolistique est inférieur dans ces pays à ce qu’ils sont aux Etats-Unis. N’est-il pas raisonnable alors de conclure que, plus ils deviendront « américanisés », plus le taux tendra à baisser ? Aux Etats-Unis, le nouveau progrès technologique va avoir pour conséquence une nouvelle baisse significative du taux de profit en comparaison avec le niveau actuel.
L’insistance de Baran et Sweezy sur la hausse continuelle du « surplus » est fondée sur un raisonnement très simple. Sous le capitalisme monopolistique, les coûts baissent, les prix montent en même temps que les profits, le surplus doit donc augmenter (p. 79). Mais de nouveau ici le fait de faire les calculs sur les prix au lieu de procéder à l’analyse en valeur obscurcit les problèmes macro-économiques en cause.
« Sous le capitalisme monopolistique, les patrons peuvent transmettre et transmettent les coûts plus élevés du travail sous forme de prix plus élevés », écrivent Baran et Sweezy (p. 77). Mais, si l’on y réfléchit un moment, on voit que de telles affirmations négligées, aussi utiles qu’elles puissent être pour l’agitation, ne signifient pas grand-chose en ( termes de rapports économiques réels. Parce que si les patrons « transmettent » les coûts identiquement plus élevés du travail de la même manière à tous les consommateurs, les prix de toutes les marchandises augmentent dans les mêmes proportions, et loin de voir le « surplus » augmenter on voit les rapports entre salaires et plus-value entre les parts de plus-value allouées à chaque firme, rester exactement les mêmes que précédemment. Si ce « transfert » peut être fait seulement par les monopoles, il y a de fortes chances pour que les salaires réels aient effectivement augmenté et que les gains les plus importants des monopoles aient été faits au détriment des secteurs non monopolistes de la classe capitaliste qui ont été incapables de faire monter leurs prix dans les mêmes proportions. Dans ce cas de nouveau, le « surplus » n’a pas été augmenté mais seulement redistribué et même probablement légèrement réduit à la défaveur d’une partie de la classe capitaliste. Et si les prix des biens de consommation augmentent effectivement plus que les salaires, alors il y a baisse de salaire réel et évidemment augmentation du « surplus », mais pas à travers un dispositif « nouveau » spécial mais par les vieilles méthodes capitalistes de baisse des salaires.
L’origine de la théorie de Baran et Sweezy sur la tendance du « surplus » à augmenter est facile à voir. Il s’agit d’une part d’une généralisation incorrecte d’une situation conjoncturelle la montée abrupte des profits capitalistes a la fin des années 50 et dans la première moitié des années 60 ; c’est, d’autre part, un résultat de l’emploi tendancieux du terme « surplus » au point d’en faire le synonyme de « demande globale ». Un tel raisonnement élimine simplement le problème de l’inflation et fait qu’on compte dans certains cas le même revenu deux ou trois fois.
Ici nous voyons clairement que, contrairement à l’affirmation de Horowitz l’une des principales raisons qui fait que Baran et Sweezy s’égarent, c’est leur tentative de combiner Marx et Keynes Marx montre clairement que, sur la base de la théorie de la valeur-travail, tout revenu créé en société capitaliste (exception faite du revenu de petits propriétaires de moyens de production qui n’exploitent pas le travail salarié) peut avoir seulement deux sources, ou bien le capital variable ou bien la plus-value. Quand des capitalistes exploitent leur plus-value à acheter directement des services individuels des femmes de ménage de professeurs privés, d’ecclésiastiques, etc., ils ne créent pas de revenu nouveau. Ils distribuent simplement une partie de la plus-value. Il n’est pas important de savoir combien de fois cette plus-value circule dans une année. C’est toujours la même plus-value qui est redistribuée.
Les maires des petites villes dans lesquelles les industries ont disparu savent cela à travers une triste expérience. Si on élimine les salaires initiaux et la plus-value, tous les revenus des services disparaissent comme par magie ! Mais si on calcule la « demande globale » de la manière dont elle est définie à l’heure actuelle aux Etats-Unis on a l’impression que le revenu de tous les services est simplement ajouté aux profits des firmes industrielles et on arrive aisé-ment à des calculs dans lesquels une partie du « surplus » est deux ou trois fois plus grande que dans la réalité (6).
L’intensification des ventes
On peut voir un bon exemple de cela dans le problème de l’intensification des ventes. Les coûts de vente n’ajoutent rien à la valeur produite mais sont un exemple de ce que Marx appelle « les dépenses de circulation... financées par une quantité donnée de plus-value ». Effectivement, Baran et Sweezy citent ce passage du Capital à la page 112 de leur livre. Cependant ils ne considèrent pas seulement le développement des efforts en vue de la vente comme un moyen « d’absorber le surplus » (de la plus-value absorbant de la plus-value). Ils voient même là-dedans un moyen pour les capitalistes d’augmenter leurs profits, parce qu’une partie de la dépense Initiale sera « payée par les travailleurs » au travers de l’augmentation des prix des biens de consommation ! Ils n’ont pas l’air de comprendre que la dépense entière a été payée tout d’abord par les capitalistes et qu’on ne peut pas l’additionner trois fois ; d’abord comme plus-value (profits capitalistes) ; ensuite comme dépenses de publicité (part des profits utilisée pour intensifier les ventes) ; et finalement comme profits capitalistes additionnels (partie des frais nécessaires pour intensifier les ventes récupérée sur les salaires des travailleurs).
Ici de nouveau il est facile de trouver la raison de la confusion de Baran et Sweezy. Car « l’intensification des ventes » dont ils parlent (qui n’est pas une partie des coûts de distribution dont parle Marx) est en réalité financée par le capital et non par la plus-value courante. Dans la mesure où le capitalisme monopolistique est caractérisé par des quantités énormes de capitaux excédentaires, l’intensification des ventes (de la même façon que les industries de « services ») offre un débouché bienvenu pour ce capital. Dans la mesure où des travailleurs supplémentaires sont employés, et qu’ils achètent des marchandises avec leurs salaires et leurs traitements, « l’intensification des ventes » peut indirectement déclencher la « réalisation » croissante de plus-value, à partir d’une dépense accrue de capital. Mais ajouter ce capital (provenant de la plus-value de l’année précédente) à la plus-value en cours constitue une erreur évidente dans la mesure où il s’agit de calcul de valeurs.
L’insistance que Baran et Sweezy manifestent sur le capital inactif et inutilisé constitue un élément juste et important dans leur livre. Il s’agit là d’un trait spécifique du capitalisme monopolistique, provenant justement du ralentissement de la concurrence des prix et de la concentration du capital dans les secteurs monopolistiques. Il augmente dans la mesure où précisément le taux moyen de profit tend à être plus élevé dans les secteurs monopolistiques que dans les secteurs non monopolistiques. Cela pose la question fondamentale de l’utilisation du capital excédentaire que Baran et Sweezy ont éclairci dans de nombreux domaines. En vérité, les monopoles font des profits plus élevés, mais ils sont incapables de les réinvestir tous sans mettre en danger ce taux même de superprofit !
Cela constitue, soit dit en passant, la principale, raison qui oblige le capital monopolistique à investir de plus en plus dans les armements et, en liaison avec une tentative de neutraliser la baisse tendancielle du taux de profit, une des principales raisons qui expliquent le volume croissant des exportations de capitaux par l’impérialisme américain. Sans ajouter ces deux éléments à l’analyse on ne peut expliquer d’une façon suffisamment profonde que l’intervention de l’impérialisme américain dans les deux guerres mondiales et sa tentative actuelle de « rendre le monde libre sûr pour le capitalisme » sont inhérentes au système.
Mais ajouter le capital excédentaire au surproduit ne clarifie pas la question Si les auteurs avaient appliqué la théorie de la valeur-travail à cette question, ils au-raient immédiatement noté et les rap-ports et les différences entre les deux problèmes fondamentaux auxquels doit faire face le capitalisme monopolistique vieillissant ; l’investissement de capital excédentaire et les difficultés croissantes dans la réalisation de la plus-value.
Dans une économie essentiellement sous-développée, cette différence est négligeable. Dans ce cas, le surproduit social ne se compose pas de biens industriels qui doivent être vendus ; en même temps la classe dirigeante n’est pas essentiellement branchée sur les investissements en capitaux productifs. Ce surproduit social prend essentiellement la forme de rente foncière, revenu de la bourgeoisie compradore, et profits des trusts étrangers, dont aucun ne se réinvestit dans le pays. Mettre ces revenus ensemble, les appeler « surplus » et montrer que la mobilisation de ce surplus pour des investissements productifs à travers la planification et l’industrialisation développerait rapidement l’économie est légitime. C’est pourquoi le concept de « surplus » est opératoire quand Baran l’applique aux pays sous-développés.
Mais dans un pays impérialiste industrialisé, la situation est totalement différente. Le surproduit social prend essentiellement la forme de biens industriels qui doivent être vendus pour que la plus-value se réalise effectivement. Ce processus rencontre des difficultés croissantes. D’une part, dans les conditions du capitalisme monopolistique il y a de grandes réserves de capital disponibles - résultat de la réalisation antérieure de la plus-value - qui ont de plus en plus de difficultés à se réinvestir de façon profitable, et les usines correspondant au capital investi travaillent généralement bien en-dessous du niveau optimum de capacité. Ces problèmes jumeaux montrent tous deux l’irrationalité du système. Et on ne peut plus grouper dans une nouvelle catégorie de « surplus » réalisation de plus-value et investissement d’excédent de capital.
Ils sont même rendus plus obscurs quand on passe de l’analyse de la production de valeur et de sa réalisation, à l’analyse de la demande globale et qu’on ajoute alors l’importante quantité de pouvoir d’achat d’origine inflationniste injecté dans le système depuis la deuxième guerre mondiale. Baran et Sweezy eux-mêmes déclarent qu’il faut expliquer le boom d’après 1945 aux Etats-Unis par une « deuxième grande vague d’automobilisation et de suburbanisation, alimentée par un développement fantastique des hypothèques et du crédit » (p. 224). Si on ajoute la non moins fantastique croissance de la dette publique depuis 1940, on obtient l’image non d’une « augmentation du surplus » mais des difficultés croissantes de réalisation de la plus-value, ce qui tôt ou tard fera s’écrouler la pyramide. Sûrement Sweezy sera d’accord avec nous sur le fait que le pouvoir d’achat, de type inflationniste, injecté dans le système peut, du point de vue de la production et de la réalisation de la valeur, entraîner à long terme l’une de ces deux choses ; ou bien il y aura redistribution de la plus-value en faveur de certains secteurs de la classe capitaliste et au désavantage des autres, ou bien il y aura une augmentation de la plus-value aux dépens des salaires. Et cette seconde « solution » ne pourrait qu’exacerber le problème de la réalisation de la plus-value.
Mais là nous arrivons de nouveau aux problèmes de l’inflation aux Etats-Unis et de sa répercussion sur la lutte des classes dans le pays et sur le système monétaire international. Ces questions nécessitent d’autres explications. H s’agit là certainement d’un des principaux problèmes posés par le capitalisme monopolistique, ce dont aussi bien les économistes bourgeois que les marxistes sont très conscients.
Notes :
- Oscar Lange. « Marxian Economics and Modem économic theorv », Review of economic Studies, juin 1935.
- Soit dit en passant, dans l’article ci-dessus nommé Lange élimine complètement la concurrence inter-capitaliste et fait l’hypothèse que le progrès technique est Indépendant d’une telle concurrence, Introduisant dès lors un élément d’évolution. C’est une sérieuse erreur d’interprétation du marxisme.
- Dans son plan général pour le Capital, Marx exclut explicitement les crises de la partie Intitulée « le capital en général, et les Inclut dans la partie appelée « les différents capitaux » c’est-à-dire la concurrence.
- Dans mon « Traité d’économie marxiste » (vol. II. p. 46-51), j’ai essayé d’offrir quelques preuves statistiques de cette proposition. Il est clair que Baran et Sweezy sous-estiment sérieusement l’importance de la concurrence sous le capitalisme monopoliste, concurrence à la fols nationale et internationale. Quand ils citent d’un ton approbateur la liste de Galbraith des marchandises qui seront, dans la prochaine génération, achetées chez les mêmes entreprises qu’il y a plusieurs dizaines d’années, ils doivent laisser de coté des marchandises aussi Importante que le charbon, les avions, les ordinateurs les plastiques et autre produits chimiques, les appareils de télévision, les machines de, bureau, et même l’énergie électrique de l’acier, pour lesquels l’affirmation est partiellement ou complètement incorrecte.
- A un moment de leur raisonnement, Baran et Sweezy semblent Impliquer, ce qui est vrai dans un sens très abstrait. que la hausse de la composition organique du capital est Impossible. Ils écrivent (p. 81) que c’est un « non-sens » que de s’imaginer que la production capitaliste implique « la production d’un volume de plus en plus grand de biens de production dans le seul but de produire un volume encore plus Important de bien de production dans l’avenir. La consommation serait en proportion décroissante dans la production et la croissance du capital existant n’aurait aucune relation avec l’expansion réelle et potentielle de la consommation ». Deux mots sont ici sources de confusion : « seul but » et « aucune relation ».
Il nous semble prouvé que de plus en plus des biens de production son produits dans le but d’augmenter encore plus la quantité de biens de production, bien que ceci ne soit évidemment pas leur seul but. Leur but est aussi de produire à des coûts Inférieurs des biens de consommation. Et il semble aussi prouvé que la consommation est en proportion décroissante dans la production, bien que cela n’implique pas qu’il n’y ait aucune relation entre le capital existant et la production dernière de biens de consommation. Les statistiques historiques américaines montrent que les biens durables sont en proportion croissante dans la production courante Et nier cette possibilité, c’est nier non seulement l’augmentation de la composition organique .du capital dans les conditions du capitalisme monopolistique ; cela revient à nier une telle augmentation pour le capitalisme du XIXe siècle aussi bien ! - Le capital Investi dans le commerce et dans une série de services aussi bien que dans le transport des Individus n’entraîne pas la création d’une plus-value additionnelle par embauche de la force de travail dans les secteurs productifs de l’économie. Mais pour calculer la somme totale de plus-value produite, on ne peut simplement additionner les profits de toutes les firmes. Certains sont clairement, non le résultat de la distribution mais de la redistribution de la plus-value, par exemple quand des services sont rendus en échange de profits d’autres firmes (pour citer seulement un exemple : les services des firmes de courtages appelées à réinvestir les nouveaux profits réalisés).
- cfr. « Economie politique de la croissance. Paul Baran. 1969.