L’apogée du néo-capitalisme et ses lendemains
Les Temps Modernes, nr. 219-220, 1964, pp. 193-210. Cet article d’Ernest Mandel est également publié, sous le titre « The Economics of Neo-Capitalism », dans le Socialist Register 1964, édité par The Merlin Press, Londres.
  • La période décennale qui a pris fin le premier janvier 1964 sera probablement considérée dans l’histoire comme l’apogée du néo-capitalisme. Pendant cette période, le capitalisme a bénéficié, en Europe occidentale et au Japon, d’un taux de croissance économique et d’une prospérité sans précédent, même avant la première guerre mondiale. Aux États-Unis, après les « années maigres » de la politique de stagnation déflationniste pratiquée par le gouvernement républicain, l’administration Kennedy semble avoir renversé la tendance et ramené l’économie dans la voie de la croissance. En même temps, le commerce mondial a battus tous les records : ainsi, dès 1961, le volume des exportations mondiales de produits manufacturés avait triplé par rapport à 1938 et plus que doublé par rapport à 1950. Seuls les pays sous-développés apportent une ombre à ce tableau impressionnant.

    Que cache ce taux de croissance exceptionnellement élevé ?

    Il n’est pas nécessaire d’être un apôtre du capitalisme pour admettre les faits et convenir que le système a connu, au cours des dix dernières années, un taux de croissance singulièrement élevé dans la plupart des pays industrialisés, les États-Unis et la Grande-Bretagne constituant les deux exceptions principales à cette règle. La cause essentielle d’une telle croissance — qui suit la période de reconstruction à grande échelle visant à réparer les dommages matériels dus à la deuxième guerre mondiale — ne doit pas être recherchée dans les activités liées à cette reconstruction, qui se poursuivent néanmoins dans quelques-uns des pays intéressés, en particulier en Allemagne où l’industrie du bâtiment, notamment avec la construction de logements, est un important facteur de l’essor industriel du pays.

    Du point de vue de l’histoire des cycles économiques, nous avons de toute évidence assisté au cours de cette période à un nouveau mouvement Kondratieff, ou mouvement de période longue englobant plusieurs cycles normaux. La théorie des mouvements de période longue dans le développement du capitalisme a été développée pour la première fois par l’économiste russe N.D. Kondratieff [1] puis reprise par Joseph Schumpeter dans son ouvrage fondamental : Cycles d’affaires, où il expose sa conception originale du mouvement cyclique de la production capitaliste. Cependant, cette idée a suscité un moindre intérêt dans les milieux marxistes, bien que Trotsky ait fait appel à une notion voisine dans son célèbre rapport au troisième congrès mondial de l’Internationale communiste [2].

    Contrairement à ce que pensaient la plupart des économistes, marxistes ou non, à la fin des années trente et au début des années quarante, il apparaît aujourd’hui que le capitalisme mondial, après une période Kondratieff de stagnation prolongée qui a débuté en 1913 et ne s’est achevée qu’en 1939, est entré en 1940 dans une nouvelle période longue de croissance accélérée qui va probablement durer jusqu’à la seconde moitié des années soixante. C’est à cette conclusion que conduit l’examen des principaux indices.

    D’après la théorie des cycles économiques de Schumpeter, les périodes longues d’expansion économique accélérée s’expliquent fondamentalement par une succession rapide d’innovations technologiques, qui ont tendance à apparaître « en grappes ». Il semble que cette interprétation s’applique également à la période longue de croissance accélérée que le capitalisme mondial a connue depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. On pourrait même ajouter que ce mouvement d’innovation technologique — qui est généralement appelé deuxième ou troisième révolution industrielle — tend à devenir permanent --- et c’est là quelque chose d’assez neuf dans l’histoire du capitalisme. Ce phénomène est dû à un important facteur d’ordre économique, sur lequel nous reviendrons plus loin. Mais il y a lieu d’insister dès maintenant sur les causes particulières de cette accélération du rythme général de innovation technologique, à savoir : le rapport nécessaire entre l’innovation technologique et la course permanente aux armements.

    Si, traditionnellement, l’innovation technologique apparaît « en grappes », c’est justement parce qu’elle ne résulte pas automatiquement de la découverte technologique : de nombreuses découvertes resteront cachées dans les armoires et dans les laboratoires tant que les procédés technologiques donnés — et les investissements en capital fixe que ces procédés impliquent — ne seront pas entièrement valorisés. Mais ce qui est une pratique capitaliste courante dans le domaine industriel équivaudrait à un suicide dans le domaine des armements. Le conflit fondamental entre les puissances capitalistes et le bloc soviétique étant ce qu’il est, les pays capitalistes ne peuvent s’offrir le luxe de commencer par « valoriser » complètement les bombardiers supersoniques, avant de mettre en route la production des fusées. Au contraire, la logique interne de la course aux armements exige que toute découverte technologique importante conduise aussi rapidement que possible à une innovation technologique (c’est-à-dire à des fabrications à grande échelle), à moins que celle-ci ne se trouve, dans l’intervalle, dépassée par l’adversaire, par suite de la recherche d’une technologie de plus en plus avancée : (c’est ce qui a condamné le projet « Blue Streak », en Grande-Bretagne, avant même qu’il ait pu être mené à bien). Ainsi, le temps mort entre la découverte technologique et l’innovation technologique a tendance à se réduire ou même à disparaître en raison de la course aux armements. Et bien que les grands monopoles freinent le transfert de ces innovations du secteur militaire au secteur « civil » de la production, ces deux secteurs sont si intimement enchevêtrés [3], et si forte est la tentation de profiter de ces innovations pour battre les concurrents, que le rythme de l’innovation technologique s’en trouve considérablement accru.

    Du point de vue marxiste, la réduction de la durée du cycle économique qui coïncide avec un nouveau cycle Kondratieff de croissance renforcée peut fort bien s’expliquer par le même facteur, c’est-à-dire par l’accélération de l’innovation technologique. Selon Marx, la durée du cycle économique dépend principalement de la période de renouvellement du capital fixe, qui était traditionnellement de 8 ou 10 ans.

    L’accélération de l’innovation technologique a naturellement pour corollaire l’accélération du renouvellement du capital fixe dont la durabilité se trouve considérablement réduite en raison de l’usure morale qu’il subit. On a donc des cycles économiques d’une durée de 4 ou 5 ans et non plus de 8 ou 10 ans. Lorsque le rythme de l’innovation technologique se ralentira de nouveau, soit à la suite de premières mesures de désarmement partiel, soit parce que les principaux facteurs de la troisième révolution industrielle auront perdu leur élan, la longévité du capital fixe aura de nouveau tendance à croître et le cycle économique s’allongera de nouveau. Certains faits — insuffisamment confirmés cependant — semblent indiquer que les États-Unis connaissent un tel phénomène depuis la récession de 1960-1961.

    Anatomie de la croissance néo-capitaliste

    L’histoire du capitalisme a toujours été dominée par le développement inégal : entre les différents pays, entre les différentes régions à l’intérieur de chaque pays, entre les différents secteurs industriels, entre l’industrie et l’agriculture. Trois pays, parmi les pays impérialistes, ont connu une croissance industrielle plus rapide que les autres : ce sont l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Les disparités régionales de croissance, tant dans ces trois pays que dans des pays comme l’Angleterre, la France, la Belgique, la Hollande ou les États-Unis sont bien connues. Il convient donc d’insister davantage sur l’inégale croissance des différents secteurs industriels, car il s’agit là d’un phénomène décisif pour la compréhension du monde capitaliste d’aujourd’hui (et il ressort du discours prononcé par M. Khrouchtchev lors de la dernière session du Comité central du Parti communiste de l’Union Soviétique que cela ne s’applique pas seulement aux pays capitalistes...).

    De 1958 à 1962, le volume total de la production industrielle s’est accru de 34 pour cent dans les six pays membres du Marché commun. Pendant la même période, la production s’est élevée de 70 pour cent pour les automobiles, de 100 pour cent pour les plastiques et de 235 pour cent pour les fibres synthétiques !

    De manière générale, la part du matériel industriel et des véhicules dans le volume total des exportations est passée de 32,7 pour cent en 1938 à 46,2 pour cent en 1962. En France où elle n’était que de 14,5 pour cent en 1938 ; cette proportion atteignait 26,8 pour cent en 1962 ; elle était de 30,1 pour cent la même année en Italie.

    Aux États-Unis — bien que ce pays ait connu au cours de la même période une phase de quasi-stagnation — on constate que l’industrie chimique a enregistré en 1963 une production supérieure de plus de 50 pour cent au niveau de 1958, ce qui ne correspond pas tout à fait à un phénomène de stagnation. Quant à la production d’électricité, elle atteint, à l’heure actuelle, la moyenne mensuelle de 90 milliards de kilowatts-heure, contre 66 milliards de kilowatts-heure en 1959 et 60 milliards de kilowatts-heure en 1958, soit, ici encore, une augmentation de 50 pour cent [4]. Le rythme de croissance global relativement plus lent constaté dans l’industrie américaine est dû au fait que cette industrie allie à la stagnation de secteurs traditionnels tels que l’acier, les houillères, les textiles, etc., une croissance rapide dans d’autres secteurs : chimie, électronique, électricité, etc.

    C’est la demande suscitée par ces secteurs en voie de développement rapide (et auxquelles il convient d’ajouter l’industrie du bâtiment, tout au moins dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie et le Japon) qui explique le niveau généralement élevé de l’expansion dans la plupart des pays impérialistes. Et, de même, le rôle fondamental que joue la croissance rapide de certaines grandes puissances impérialistes (en premier lieu l’Allemagne et le Japon) explique pour une large part la croissance des autres puissances impérialistes, qui sont leurs principaux partenaires commerciaux.

    Ceci est particulièrement vrai de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale. L’économie de cette région du monde s’est développée, si j’ose employer cette expression, selon un système de cercles concentriques. La République fédérale d’Allemagne étant le centre de la croissance, celle-ci a provoqué, dans un premier stade, la croissance de certains pays dont l’économie est profondément intégrée à celle de l’Allemagne occidentale (Autriche, Suisse, Danemark) pour déclencher ensuite un phénomène de croissance accélérée dans tous les pays membres du Marché commun et pour entraîner, dans une troisième phase, certains pays périphériques comme l’Espagne, la Grèce, l’Irlande dans ce tourbillon d’expansion capitaliste (et peut-être même dans l’avenir, le Portugal et la Turquie, à condition que la période d’expansion se prolonge suffisamment, ce qui paraît assez douteux).

    Les statistiques par secteur industriel publiées par les pays du Marché commun illustrent cette analyse de « l’anatomie de la croissance ». Par exemple : de 1953 à 1960, les importations allemandes de papier se sont élevées de 252 000 tonnes à près de 1,2 millions de tonnes. Les importations totales de papier, pour les six pays du Marché commun, sont passées de 628 000 tonnes à 2,4 millions de tonnes, dont 35 pour cent seulement provenaient des pays du Marché commun, où des pays comme l’Autriche, la Suède, la Finlande, etc. ont ainsi trouvé de vastes débouchés. De 1954 à 1961, en Allemagne, la production de chaussures est passée de 100 millions à 150 millions de paires environ ; mais pendant la même période, les importations allemandes de chaussures se sont élevées de 5 à près de 50 millions de dollars ; or, pendant la même période, les exportations italiennes de chaussures sont passées de 20 millions de dollars en 1956 à 125 millions de dollars en 1961, les exportations vers les pays du Marché commun représentant sur cette somme quelque 41 millions de dollars. Voici un autre exemple emprunté à l’industrie du bois et du meuble : dans ce secteur, la production de la République fédérale d’Allemagne a doublé de 1953 à 1961 ; mais les importations de ce pays se sont accrues de près de cinq fois entre 1958 et 1962, passant de 4 à 20 millions de dollars ; mais, au cours de la même période, les exportations en provenance d’Italie et des Pays-Bas ont doublé, passant respectivement de 5 à 10 millions et de 6 à 12 millions de dollars, les ventes aux pays membres du Marché commun ne représentant que 30 pour cent des exportations italiennes, mais plus de 75 pour cent des exportations néerlandaises dans ce secteur.

    Pourquoi la croissance économique a-t-elle été tellement plus rapide en Allemagne, en Italie et au Japon que dans les autres pays impérialistes, et pourquoi ces pays ont-ils joué un rôle décisif en ce qui concerne la généralisation de la croissance dans la plus grande partie du monde occidental ? On pourrait invoquer plusieurs facteurs pour expliquer ce phénomène. Mais le plus important d’entre eux semble être le rythme exceptionnellement élevé de l’accumulation capitaliste, qui s’explique par un taux très élevé de profit, dû lui-même au niveau relativement bas des salaires (par rapport à d’autres pays impérialistes) en raison de l’existence d’une armée de réserve industrielle beaucoup plus nombreuse dans ces pays.

    Les circonstances historiques permettent de comprendre aisément les disparités constatées dans les taux de salaire, au début des années 1950, d’une part, entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Suède, la Belgique et même la France, et, d’autre part, l’Allemagne occidentale, l’Italie et le Japon. En raison du sous-développement du Mezzo-Giorno qui fait de l’Italie méridionale un vaste réservoir de main-d’œuvre ; de la juxtaposition, dans l’industrie japonaise, d’un secteur moderne et d’un secteur archaïque traditionnel, celui-ci constituant un immense réservoir de main-d’œuvre pour celui-là ; et de l’afflux de plus de 10 millions de réfugiés en Allemagne occidentale, la classe capitaliste a trouvé, dans ces trois pays, un concours de circonstances éminemment favorables : d’une part une main-d’oeuvre abondante avec chômage à grande échelle — d’où des taux de salaire relativement bas — ; d’autre part, une immense réserve d’innovations technologiques, qui s’était constituée au cours de la précédente décennie dans les pays anglo-saxons et qu’il suffisait d’emprunter pour obtenir de rapides progrès dans le domaine de la productivité. La combinaison de ces trois facteurs explique à la fois le très bas niveau initial des salaires au début de l’expansion, la possibilité d’acheter la paix sociale en échange d’une succession d’augmentations de salaires annuelles et régulières d’assez grande ampleur sans réduction corrélative du taux élevé du profit, le maintien d’un rythme d’accumulation extrêmement rapide qui a complètement transformé en dix ans la structure industrielle de ces pays [5].

    Les contradictions du néo-capitalisme

    Le néo-capitalisme est le nouveau mode de fonctionnement du système capitaliste dont les traits distinctifs sont déterminés tant par les nécessités intrinsèques du capital que par les efforts du système pour faire face à la progression des forces anticapitalistes dans le monde entier (bloc soviétique, révolution coloniale, etc.). On peut résumer ses traits essentiels de la manière suivante :

    1. L’accroissement du rythme de l’innovation technologique et la réduction de la durabilité du capital fixe rendent nécessaire le calcul, aussi exact que possible, de l’amortissement et de l’usure « morale » du capital et une planification à long terme plus précise des prix de revient, ce qui est aujourd’hui possible grâce aux rapides progrès du calcul électronique et grâce à l’application de cette technique à la prévision économique en général (recherche opérationnelle, etc.).
    2. La troisième révolution industrielle, comme celles qui l’ont précédée, se traduit à son tour par une formidable augmentation de la productivité industrielle ou, en d’autres termes, par une nouvelle contradiction aiguë entre une capacité de production apparemment illimitée et les limites de la demande réelle, c’est-à-dire du marché. La réalisation de la plus-value se heurtant à des difficultés croissantes, il en résulte une augmentation continue des coûts de vente, d’où le développement continu des techniques de marketing, d’étude des marchés, de calcul de l’élasticité de la demande, etc. (et des bouffonneries moins subtiles de la publicité).
    3. La nécessité d’éviter à tout prix la répétition d’une crise du type de celle de 1929 étant devenue une question de vie ou de mort pour le capitalisme dans les conditions actuelles de guerre froide et de progression des forces anticapitalistes dans le monde entier, l’État fait de plus en plus largement appel aux techniques anticycliques ainsi qu’aux techniques de création de pouvoir d’achat et de redistribution des revenus. La garantie — directe ou indirecte — du profit privé par l’État est devenue un des traits prédominants du capitalisme contemporain, cette garantie pouvant aller de la subvention à l’industrie privée — selon des modalités très diverses — à la « nationalisation des pertes ».
    4. La combinaison de ces différents facteurs se traduit par l’introduction dans l’économie capitaliste des techniques de planification ou, plus exactement, des techniques de programmation indicative, qui ne sont pas autre chose que l’établissement, par les groupements patronaux, de prévisions intégrées de la demande et de la production (basées sur la projection des tendances actuelles rectifiée par les calculs d’élasticité de la demande) et qui contribuent à donner une assise relativement plus rationnelle aux investissements capitalistes.
      Bien que la plupart de ces plans contiennent des prévisions tout à fait erronées [6] et qu’ils n’aient pas réussi à empêcher l’apparition, à grande échelle, de capacités excédentaires, il ne faudrait pas en contester l’utilité du point de vue des grands monopoles. Le Commissariat au Plan en France, le Bureau de programmation en Belgique, et l’organisme correspondant en Italie (de même que celui récemment constitué, sur ces modèles, en Grande-Bretagne) aident certainement les chefs d’entreprise à déterminer leurs choix en matière d’investissements selon des critères plus subtiles qu’autrefois. Les patrons reconnaissent, la plupart du temps, la valeur de cette aide. Sinon, c’est moins parce qu’ils redoutent sincèrement que cette forme de programmation ne sape la libre entreprise et le capitalisme en général, que pour des raisons de préférence ou de passion politiques. Cependant, si les succès que le néo-capitalisme a remportés depuis dix ans constituent à coup sûr un brillant tableau, ses contradictions internes qui se surajoutent, en quelque sorte, aux contradictions générales du mode de production capitaliste — car celles-ci ne sont nullement éliminées par le néo-capitalisme — n’en apparaissent pas moins avec évidence.

    En premier lieu, dans la mesure où le néo-capitalisme engendre un taux de croissance plus élevé qui rend possible l’amortissement plus rapide du capital fixe, il tend a réduire l’armée de réserve industrielle et peut même aboutir à une situation de quasi plein-emploi (que les chefs d’entreprise qualifieront de « suremploi »). Ainsi se trouve détruit un des mécanismes fondamentaux qui permettent le fonctionnement du capitalisme. A partir du moment où le chômage à grande échelle disparaît, il n’existe plus de facteur institutionnel inhérent au processus économique qui puisse empêcher les syndicats de tirer parti de conditions de marché favorables pour obtenir des taux de salaire toujours plus élevés. Or, cette augmentation continue des taux de salaire est en contradiction flagrante avec la nécessité d’un taux de profit élevé destiné à financer les énormes dépenses de capitaux sur lesquelles repose toute la politique de croissance néo-capitaliste.

    Ainsi se manifeste une contradiction de plus en plus vive entre les besoins de la « programmation » néo-capitaliste et la liberté de négociation accordée aux syndicats en matière de salaires. Les capitalistes cherchent à résoudre cette contradiction par des moyens d’ordre économique ou d’ordre socio-politique (ou en combinant ces deux méthodes).

    La solution économique consiste à modifier la nature même des investissements, en mettant fin aux investissements extensifs ou horizontaux, c’est-à-dire à la création d’installations et d’entreprises nouvelles, et en concentrant tous les efforts sur les investissements intensifs ou verticaux c’est-à-dire sur l’introduction de l’outillage qui permet d’économiser de la main-d’œuvre. C’est ce qui explique le développement considérable de l’automation, laquelle vise à reconstituer l’armée de réserve industrielle, l’augmentation annuelle de la productivité dépassant l’augmentation annuelle de la production.. C’est là le facteur économique dont nous parlions au début de cette étude et qui tend à faire de l’innovation technologique un phénomène permanent dans le cycle « Kondratieff » de période longue que nous connaissons actuellement.

    Aux États-Unis, cette méthode a été utilisée avec succès au cours des dix dernières années, et elle s’est traduite par la constitution d’une masse stable de plus en plus nombreuse de chômeurs qui ne trouvent pas de travail même dans les périodes de croissance économique accélérée (en 1962, la production a progressé de près de 9 pour cent, mais il y avait plus de 4 millions de chômeurs aux U.S.A. !). Cette méthode peut même être plus efficacement employée, si elle se double d’une augmentation des exportations de capitaux vers les pays qui connaissent des taux de salaires inférieurs, ce qui équivaut à une pression exercée à dessein sur les taux de salaires existants, ou du moins contre l’accroissement répété de ces taux.

    Aux États-Unis, la réussite de cette politique patronale peut se mesurer au ralentissement de la progression des salaires réels au cours des dix dernières années (par rapport à l’augmentation rapide des salaires enregistrée en Europe et au Japon). Elle s’est traduite également par une lente érosion de la puissance syndicale et par la modification des rapports de force entre patrons et syndicats.

    En Allemagne occidentale, dès que le flot ininterrompu de réfugiés venus d’Allemagne de l’Est a commencé à tarir et que la réserve de main-d’œuvre qu’ils constituaient a disparu, les taux de salaires ont très rapidement progressé. A la suite de ce renversement de tendance, les salaires réels, en Allemagne occidentale, ont dépassé le niveau atteint dans tous les grands pays industriels d’Europe occidentale et centrale. Le capitalisme a immédiatement réagi de la même manière qu’aux États-Unis.

    A la suite de quoi, pendant le premier semestre 1963, le niveau de l’emploi, dans l’ensemble de l’industrie, a effectivement baissé pour la première fois, passant de 8 millions 37 000 à 7 millions 976 000, après une progression de moins de 4 pour cent depuis 1960, alors que la production industrielle, qui s’était accrue de plus de 20 pour cent de 1960 à 1962, a marqué une nouvelle avance au cours du premier semestre 1963, mais de 1,5 pour cent seulement [7].

    La solution d’ordre socio-politique consiste à exercer une forte pression sur les syndicats, soit par une politique de blocage volontaire des salaires, soit en limitant par la loi les possibilités de négociation et le droit de grève (loi Taft-Hartley aux U.S.A., loi anti-grèves en France ; lourdes amendes prévues en cas de grèves surprises en de nombreux pays d’Europe occidentale ; tentatives en vue d’imposer une loi anti-grèves en Belgique, etc.) Cependant, quels que soient les succès auxquels ces techniques capitalistes peuvent en apparence aboutir à court terme, de telles méthodes sont en contradiction, à longue échéance, avec les objectifs principaux du néo-capitalisme. En effet, l’accumulation considérable de capital fixe, financée par l’augmentation substantielle du taux du profit, ne peut qu’engendrer à son tour une forte augmentation de la capacité productive de la société (y compris de son aptitude à produire des moyens de consommation), d’où le conflit qui ne peut manquer tôt ou tard d’éclater entre, d’une part, le développement de la capacité productive, et, d’autre part, la stagnation relative du niveau de l’emploi et du taux de salaires, celle-ci se traduisant, bien entendu, par une relative stagnation du pouvoir d’achat qui affecte, notamment, les biens de consommation.

    De même, la méthode qui consiste à stimuler la croissance par une inflation modérée, ainsi que les pratiques déflationnistes destinées à « freiner » l’inflation, aboutissent nécessairement, à longue échéance, à des résultats contraires au but recherché. « L’inflation larvée » est une des contradictions fondamentales du néo-capitalisme et de la politique du « Welfare state » en général. Elle est une conséquence de l’évolution naturelle du capitalisme (système des « prix administrés » en régime de capitalisme des monopoles) et des nouveaux traits spécifiques de l’époque (augmentation considérable des dépenses militaires et des dépenses improductives en général). En outre, les conditions de l’expansion sont génératrices d’augmentation de prix.

    A longue échéance, cependant, cette « inflation larvée » dégrade le pouvoir d’achat des principales devises, désorganise le régime des investissements à long terme, stimule la spéculation de toute sorte (la spéculation foncière occupant une place de choix dans la plupart des pays) et sape, de manière générale, le fonctionnement du système (dans le cas des États-Unis, l’accroissement continu des exportations de capitaux est, bien entendu, une des causes principales du déficit de la balance des paiements). Et toute tentative visant à résoudre réellement le problème de l’inflation par des mesures déflationnistes efficaces aboutit à un étranglement de la croissance en tant que telle et à la stagnation, ce que la Grande-Bretagne des Tories et, jusqu’à un certain point, les États-Unis d’Eisenhower ont appris à leurs dépens.

    Ces contradictions du néo-capitalisme n’ont pas seulement un aspect théorique (dans la mesure où elles montrent que le système capitaliste reste fondamentalement ce qu’il a toujours été). Elles conduisent aussi à la conclusion que le taux actuel de croissance ne sera pas maintenu ; que les pays du Marché commun connaîtront à leur tour des récessions ; et que la période longue de croissance accélérée va probablement prendre fin au cours des années soixante. Et ces conclusions sont corroborées par le fait que la croissance économique des pays sous-développés n’a pas pu suivre le rythme de croissance des pays industrialisés ; que le commerce entre pays industrialisés s’est de plus en plus substitué au commerce entre le monde avancé et le monde sous-développé ; et que les pays sous-développés peuvent de moins en moins, pour cette raison, jouer le rôle de soupape de sûreté du système capitaliste dans son ensemble.

    La capacité excédentaire : « memento mori » du régime capitaliste

    Nous avons déjà souligné dans notre « Traité d’Économie marxiste », la tendance à l’accroissement de la capacité excédentaire de l’industrie capitaliste qui est un des principaux sous-produits des « récessions atténuées » et du fonctionnement plus équilibré du système dans la phase actuelle de croissance accélérée. Aux États-Unis, en 1956, année d’expansion, l’industrie automobile n’a travaillé qu’à 72 % de sa capacité et l’industrie des appareils de télévision à 60 % de sa capacité. En 1955, ces pourcentages étaient respectivement de 55 % dans l’industrie des aspirateurs, de 46 % dans l’industrie des réfrigérateurs et de 70 % dans l’industrie du coton [8].

    Ce phénomène commence à s’étendre, depuis peu, en Europe occidentale. Dans les pays du marché commun, plusieurs secteurs souffrent de capacité excédentaire : réfrigérateurs, machines à coudre, fibres synthétiques, constructions navales. Il ressort de statistiques récentes que le taux global d’utilisation du potentiel industriel de la République fédérale est tombé de 93,8 % en 1956 à 90,2 % en 1960 et 84 % en 1962 [9]. Mais les deux exemples les plus symptomatiques — et qui méritent quelques explications supplémentaires — ont trait à l’industrie européenne de l’acier et à l’industrie européenne de l’automobile.

    L’existence d’une capacité excédentaire dans l’industrie européenne de l’acier n’est pas un fait nouveau. En réalité, dans les pays du Marché commun, la production de l’industrie de l’acier est en stagnation depuis 1960. Cependant, les investissements ont continué de croître longtemps après que le point de stagnation eut été atteint. En 1961, dans l’industrie de l’acier des six pays du Marché commun, les investissements se sont élevés à 775 millions de dollars, chiffre record qui représente une augmentation de près de 45 % ; et en 1962 ils ont presque doublé par rapport à 1960.

    Cet essor des investissements face à la stagnation de la production s’explique par une cause très simple : l’introduction à très grande échelle d’une série d’innovations technologiques (brevets LD, Rotor, et autres, tous fondés sur l’injection massive d’oxygène). Or, comme ces méthodes nouvelles entraînent une importante réduction des prix de revient, elles sont d’autant plus rapidement mises en œuvre que la stagnation de la production et la diminution du taux d’utilisation de la capacité productive tendent à accroître les prix de revient, ce qui comprime considérablement le taux du profit, et que la concurrence internationale rabaisse fortement les prix à la grande exportation.

    C’est là un bon exemple des limites de la programmation néo-capitaliste ; les efforts déployés individuellement par chaque entreprise pour obtenir une rentabilité maximale dans des conditions de stagnation relative du marché aboutissent à une course folle à la réduction des prix de revient, mais cette course engendre un formidable excédent de potentiel industriel. En d’autres termes : toute tentative d’obtenir une rentabilité maximale dans le cadre de chaque entreprise aboutit à une brusque réduction de la rentabilité globale de l’industrie, et de nombreuses entreprises (ainsi que leurs travailleurs, et des régions industrielles entières) en paieront demain le prix !

    Les résultats parlent pour eux-mêmes. Tandis que la production globale de l’industrie de l’acier des six pays du Marché commun stagne depuis quatre années consécutives autour de 73 millions de tonnes par an, la capacité productive de cette industrie est évaluée à 95 millions de tonnes pour 1964 (il est même question de 100 millions de tonnes dans certains documents). Tandis que la production des laminoirs est évaluée à 18 ou 19 millions de tonnes pour 1965, la capacité productive de ces entreprises atteindra 35 millions de tonnes la même année, si les programmes d’investissements sont menés à bien [10].

    Le cas de l’industrie européenne de l’automobile n’est pas moins symptomatique que celui de l’industrie de l’acier. Mais tandis que l’industrie de l’acier offre l’exemple d’un développement de la capacité excédentaire dans une situation caractérisée par la stagnation relative des marchés, l’industrie automobile offre un exemple de création de capacité excédentaire sous la pression de marchés en expansion rapide (ce qui s’accompagne de la part de chaque entreprise d’efforts acharnés pour conquérir une part aussi large que possible du gâteau que constitue ce marché exceptionnellement avantageux, car on a tout lieu de penser que ces conditions favorables ne se maintiendront pas très longtemps).

    La production totale de voitures particulières (compte non tenu des camions) est passée de près de 1 million en 1953 à 3,7 millions en 1961 dans les six pays du Marché commun. Si l’on ajoute à ces chiffres la production britannique, on arrive à une production de 1,5 million de voitures en 1953 contre 4,7 millions en 1961 pour l’Europe occidentale. Au cours de la même période, le parc de voitures automobiles est passé de 6,5 à 20 millions d’unités dans les six pays du Marché commun plus la Grande-Bretagne.

    Par projection du niveau actuel de la demande et en utilisant certains indices pour évaluer sur cette base l’élasticité des prix, des revenus et de la demande, on peut prévoir que les ventes de voitures particulières à l’intérieur du Marché commun atteindront 3,5 millions d’unités en 1965 et 6 millions en 1970. Mais le rythme actuel des investissements conduit à une capacité productive de l’ordre de 6,5 à 7 millions de voitures particulières en 1965 dans les six pays intéressés, et probablement de 10 millions d’unités en 1970. Il est évident que la capacité excédentaire qui existe dès à présent va s’aggraver au cours des prochaines années, ce qui incitera de nombreuses entreprises à augmenter les investissements pour réduire les prix de revient [11].

    Les socialistes et le néo-capitalisme

    Les socialistes doivent voir dans le néo-capitalisme l’aboutissement normal du capitalisme des monopoles. Par conséquent, leur tâche ne consiste nullement à hâter l’introduction de réformes néo-capitalistes ou à défendre les capitalistes plus retardataires qui tentent de freiner les réformes néo-capitalistes, parce qu’ils sont incapables de suivre le rythme des investissements et de la concurrence. Leur attitude doit être l’attitude traditionnelle des socialistes vis-à-vis de la concentration et des monopoles capitalistes : il leur faut donc s’abstenir à la fois d’encourager la concentration au nom de l’efficacité et de défendre les entreprises techniquement retardataires au nom de la liberté économique ; ils doivent considérer la concentration comme un phénomène inévitable dans le cadre du capitalisme, tout en utilisant les progrès de la concentration comme un argument puissant en faveur de l’avènement du socialisme.

    La planification néo-capitaliste ne va pas dans le sens d’une croissance harmonieuse et ne sert pas davantage les intérêts de la nation, mais cette planification assure la rationalisation des investissements des oligopoles, pour la seule défense du profit privé. Tout est orienté, à long terme, vers cet objectif fondamental : protéger, défendre et garantir les profits privés des secteurs-clés du capitalisme des monopoles (les intérêts sectoriels d’autres catégories de la bourgeoisie pouvant être impitoyablement sacrifiés à ces couches).

    Les socialistes ne devraient pas non plus opposer à cette programmation l’idéal réactionnaire du « laisser-faire » ou soutenir une telle programmation comme un pas en avant ; mais ils doivent lui opposer l’idée de la planification socialiste, qui ne s’en distingue pas seulement du point de vue technique (avec le volume largement accru des investissements directs de l’État, et l’existence d’un important secteur public nationalisé et autogéré n’ayant pas pour objet la défense du profit privé, ce qui permet de substituer la planification impérative à la planification indicative), mais comporte d’abord des différences qualitatives d’ordre social : une série d’objectifs de production prioritaires doit être sélectionnée démocratiquement par le mouvement ouvrier, afin d’offrir à tous les grandes chances de la médecine gratuite et de l’éducation gratuite, des logements convenables et des loisirs enrichissants, et afin de permettre à la classe ouvrière de l’Occident d’apporter sa nécessaire contribution à l’émancipation des peuples coloniaux en les aidant à se libérer de l’oppression et de l’exploitation étrangères, du sous-développement, de la faim, du manque d’industrie et du manque d’instruction.

    De ces objectifs prioritaires découle un ensemble d’objectifs économiques qui fournissent un modèle de production tournée vers les besoins, par opposition à la production orientée vers le profit, laquelle s’accompagne aujourd’hui de conduites néfastes telles que celles qui ont été mises en lumière par Thomas Balogh et qui consistent à

    « créer délibérément un sentiment d’insatisfaction ; stimuler la recherche du standing social en encourageant la consommation « tape-à-l’œil » ; susciter la création de différences sociales en exploitant les découvertes de la psychologie moderne ; jouer sur le sentiment d’insécurité pour encourager chez les individus le désir de s’identifier à des groupes qui sont, en apparence, pleins de bonne volonté mais, en réalité, animés d’un farouche esprit de concurrence ; abuser de la faiblesse humaine avec pour objectifs la réalisation de profits alors que d’intenses campagnes éducatives et psycho-thérapeutiques seraient nécessaires pour modérer ces objectifs. »

    (Thomas Balogh : Planning for Progress. Fabian Tract 346, pp. 46-47).

    C’est-à-dire : les socialistes ne devraient pas accepter le mythe néo-capitaliste du Welfare-State et de la société de consommation de masse. Ils devraient opposer à ces conceptions orientées vers le profit privé maximum de quelques monopoles leurs propres conceptions en matière de consommation. Ils devraient combattre davantage l’incapacité du néo-capitalisme à réformer la structure autocratique de l’entreprise, qui est une des causes principales de l’aliénation du travail dans l’industrie moderne.

    A la fois pour cette raison et parce qu’il faut répondre à toute campagne en faveur d’une politique des revenus — chacun peut aujourd’hui connaître le volume des salaires, mais devons-nous croire les patrons sur parole lorsqu’ils déclarent leurs bénéfices, alors que tout un système a été constitué afin dissimuler les bénéfices pour frauder le fisc — la revendication du contrôle ouvrier doit être aujourd’hui l’exigence fondamentale des socialistes et du mouvement ouvrier en général, face à l’ascension et au déclin probable du néo-capitalisme. Le contrôle ouvrier est une initiation à la planification socialiste et démocratique, la seule réponse efficace que l’on puisse apporter à la programmation capitaliste. Elle est le premier pas vers la gestion ouvrière dans une économie socialisée (les travailleurs devraient refuser toute forme d’association aux responsabilités de gestion tant que l’économie reste une économie capitaliste) et vers la démocratie industrielle. Elle permettra d’associer la classe ouvrière à la grande discussion sur la masse totale des salaires et des profits (c’est-à-dire au large débat sur la plus-value, auquel aboutira inéluctablement toute discussion d’une politique des revenus). Et ceci nous permettra de donner à la stratégie essentiellement défensive du mouvement syndical (contre le blocage des salaires, pour la liberté de négociation en matière de salaire) le caractère global et offensif dont cette stratégie a besoin, car sans cela les ouvriers livreraient une bataille perdue contre les patrons et les technocrates.

    Notes :

    1. Pour un exposé complet de cette théorie : cf. « Die langen Wellen der Konjunktur ». Archiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolitik (Tübingen), vol. LVI, n" 3, décembre 1962, pp. 573-609.
    2. The first Five Years of The Communist International. Pioneer Publishers, New York, vol. 1, pp. 201-6.
    3. La prospérité de l’industrie civile de l’électronique aux U.S.A. a été principalement soutenue par des commandes militaires.
    4. Statistiques Industrielles, publiées par l’Office statistique des Communautés européennes, n° 3 et 4 de 1963.
    5. Il faut ajouter que les changements intervenus dans la structure de la demande, avec la chute rapide de la partie du budget familial consacrée à l’achat de produits alimentaires, est une cause de certains aspects de l’expansion. On assiste ainsi à un développement considérable de la production de biens de consommation durable, mais qui entraîne, en contrepartie, une crise permanente dans l’agriculture.
    6. Voici exemples frappants de prévisions erronées. Le ministère belge des Affaires économiques et la C.E.C.A., à la suite de la crise de Suez, avaient prévu qu’il faudrait porter de 30 à 40 millions de tonnes la production des charbonnages ; mais en réalité cette production est passée de 30 à 21 millions de tonnes en quelques années. En France, le quatrième Plan a prévu un important accroissement de la production des réfrigérateurs, compte tenu des importations ; or les importations italiennes ont réduit la production française de près de 25 %.
    7. Autres exemples empruntés à la République fédérale d’Allemagne : l’industrie des instruments de précision a maintenu le niveau de sa production entre 1961 et 1962, mais le niveau de l’emploi est tombé de 2,3 % dans ce secteur. L’industrie du fer et de l’acier a enregistré, de 1960 à 1962, une augmentation de production de 7,9 % avec une réduction de l’emploi de 2,8 %. L’industrie des instruments de musique et des articles de sport a augmenté sa production de 22,7 % de 1956 à 1962, mais le niveau de l’emploi a diminué de 6,3 %. Tous les chiffres relatifs au niveau de l’emploi sont des chiffres globaux, c’est-à-dire qu’ils représentent le nombre total des ouvriers, employés, techniciens, etc. La diminution du nombre des travailleurs employés à la production est évidemment beaucoup plus importante.
    8. U.S. News and World Report, 25 mai 1956 et 11 mars 1955.
    9. Automation und technischer Fortschritt in Deutschland und den U.S.A. (Europaische Verlagsanstalt, Frankfurt a/M 1963), p. 127.
    10. Le Rapport général sur l’activité de la communauté de la C.E.C.A., passim.
    11. Agence « Europe-Documents », n° 179, 4 janvier 1963 ; Les problèmes de l’industrie automobile européenne en 1963, passim.