Quiconque veut comprendre les trois phases successives de la révolution bourgeoise, nationale-démocratique des Pays-Bas du Sud (celles du 16ème, du 18ème et du 19ème siècles), ne peut pas réduire la lutte politique à des conflits de nature essentiellement religieuse et de droit public. Il doit rechercher les motivations et les composantes socio-économiques de cette lutte. Cela peut paraître banal mais cela ne va pas de soi pour certains historiens contemporains.
Des auteurs comme Nève de Mevergnies et Floris Prims ramènent la problématique de la prise de pouvoir par les calvinistes à Gand et à Anvers presqu’exclusivement au fanatisme religieux, quand ce n’est pas aux ambitions personnelles et aux traits de caractère de démagogues comme le gentilhomme Jan van Hembysel. Dans sa critique de la meilleure recherche faite jusqu’à présent concernant la situation pendant la république calviniste gantoise, le mémoire de licence d’André Despretz (2), le Dr. P. Rogghé concentre son attention sur la composition des organes dirigeants qui exerçaient le pouvoir sous le nouveau gouvernement, sur leur orangisme et leur orientation vers le rétablissement des anciens privilèges communaux (3). Mais il n’examine pas la question de savoir dans quelle mesure les familles traditionnelles de notables qui dirigeaient en fait la prise du pouvoir, ont connu des dissensions suite à la pression croissante qui venait des différentes classes et fractions de classes, y compris les plus pauvres.
Des auteurs qui, suivant les voies tracées par Pirenne, si pas par Marx (4), examinent les forces entre classes et les intérêts de classe dans ces révolutions, sont à leur tour souvent les prisonniers de schémas préconçus. Puisque, dans le cas présent, il s’agit de révolutions bourgeoises, la masse populaire est supposée former une unité plus ou moins indifférenciée sous la direction de cercles politiques éclairés de la bourgeoisie. La thèse de Pirenne (5) selon laquelle, au moins durant la révolution liégeoise de 1789-93, la bourgeoisie verviétoise - Verviers étant la partie la plus industrialisée de la Principauté de Liège (6) - s’est considérée elle-même comme représentant l’ensemble du peuple qu’elle voulait émanciper, a été reprise sans réserve à son compte par l’ancien socialiste marxiste, devenu plus tard wallingant, Maurice Bologne (7).
Contre cela, Pierre Lebrun déclare : « Quant à la bourgeoisie verviétoise, elle ne put être "ennemie de privilèges ou de vieilles traditions sociales" [la formule est de Pirenne -EM] pour la bonne raison que ceux-là et celles-ci n’existaient plus, en 1789, qu’en faveur de la liberté patronale bridant la classe ouvrière. Aussi, ce sera précisément cette dernière classe - le Quatrième État en quelque sorte - qui va se soulever, ayant à sa tête, comme dans toute révolution, des meneurs mécontents issus des classes plus élevées. (...) Les fabricants de Verviers étaient loin de « se croire le peuple lui-même" et n’avaient aucun désir d’"affranchir celui-ci" [encore des formules de Pirenne -E.M], ni de gagner pour eux-mêmes une liberté qu’ils possédaient entière. Bien mieux, au début de la révolte, ils méprisaient les ouvriers et se moquaient de leurs velléités.
Grégoire Chapuis (8), chirurgien, acquis aux idées nouvelles, écrivait en 1789 : « On dit de nos côtés que les principaux commerçants en draps laisseraient agir le peuple, mais qu’ils se font une joie de voir si ledit peuple dépendant de la draperie pourra vivre avec M. Fyon » (9) ». Une étude précise, et surtout une vue d’ensemble des événements révolutionnaires, suffit pour reconnaître que les révolutions bourgeoises mettaient en présence cinq et non pas quatre formations sociales fondamentales, chacune d’entre elles comprenant d’importantes fractions majeures de classe : la haute noblesse liée au clergé, c’est-à-dire, les grands propriétaires fonciers privilégiés féodaux ou semi-féodaux ; les paysans ; la bourgeoisie aisée, les détenteurs du capital ; la petite bourgeoisie communale avec les membres des corporations ; et le Quatrième État naissant, pré-prolétariat, semi-prolétariat ou déjà véritable prolétariat.
Les professions libérales (pasteurs protestants, notaires, avocats, médecins, journalistes) qui ont joué un rôle important dans ces révolutions, ne sont pas des représentants de la petite-bourgeoisie en tant que telle, Ils peuvent agir en général comme porte-parole de chacune des cinq classes fondamentales. On les rencontre dans tous les camps.
L’action indépendante du Quatrième État dans les trois phases successives de la révolution bourgeoise des Pays-Bas du Sud est la conséquence de la croissance du capitalisme et du travail salarié dans nos régions. Un inévitable conflit d’intérêts entre capital et travail salarié accompagne donc ces révolutions (11), Cela se produit indépendamment du très bas niveau de conscience de classe du Quatrième État naissant (12), ou du faible niveau d’auto-organisation de la classe travailleuse - pratiquement nul dans toute la période considérée. C’est un phénomène objectif - et par là, d’autant plus imposant que les acteurs en question n’avaient aucunement conscience de ce qu’ils représentaient finalement et historiquement, et qu’ils ne savaient pas ce qu’ils voulaient à long terme.
Cependant, leurs revendications immédiates et leurs aspirations sont plus clairement formulées que beaucoup d’historiens ne le prétendent (13). Elles diffèrent profondément de celles de la bourgeoisie possédante.
Ce qui montre bien l’incompréhension de la nature de classe des troubles du 16ème siècle, de 1789 ou de 1830, c’est que, jusqu’aujourd’hui, la majorité des historiens catholiques et libéraux - et évidemment aussi, les protestants néerlandais - se rejoignent pour mettre au pilori les prétendus "excès" de la Commune de Gand ou de la révolution liégeoise, et les rendent responsables de la défaite de la révolution (14).
Parallèlement à cette accusation, se déroule un débat sur la "faute" des uns et des autres, dans l’"incitation", si pas la "corruption", de la "populace". Selon la conviction religieuse ou politique de l’auteur concerné, une conjuration contre l’ordre ou la propriété sera attribuée soit à la démagogie des orangistes ou à celle des patriotes, soit aux intrigues de la contre-révolution catholique.
La véritable explication des choses est à la fois plus simple et plus complexe. La "populace", à savoir le Quatrième État, ne doit être ni excitée ni corrompue pour descendre dans la rue. Pour cela, son appauvrissement suffit, sinon sa misère noire et sa faim (15). Quelles forces politiques usaient et abusaient de ces explosions, cela dépendait d’un contexte social et politique compliqué, qui différait très fortement d’une explosion à l’autre (16). Le Quatrième État n’est pas encore un véritable prolétariat durant les trois phases de la révolution bourgeoise dans nos régions. Cela va de soi au 16ème siècle. Il en va de même en 1789-94. Et il n’est pas encore un véritable prolétariat en 1830, même si à ce moment, en Belgique, nous étions plus proches de véritables rapports de production capitalistes que dans d’autres révolutions bourgeoises antérieures.
C’est justement l’hétérogénéité du Quatrième État qui l’empêchait de jouer un rôle politique indépendant ou de formuler sa propre idéologie. On devra attendre les années 1831-1840, qui précèdent la révolution de 1848, pour que cette indépendance voie définitivement le jour, en premier lieu en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne (17), qu’elle s’exprime durant les journées de juin 1848 à Paris, pour la première fois à l’occasion d’une révolution moderne, sous la forme consciente d’un conflit sanglant avec la bourgeoisie.
Au 16ème siècle, c’est encore l’industrie à domicile qui prévaut, le putting out system. La part la plus importante des producteurs directs est donc constituée par des travailleurs non totalement libres surtout en milieu rural et dans les petites villes (18). Mais la plupart des auteurs qui se sont occupés spécialement des troubles de la période espagnole, sous-estiment l’ampleur de l’industrialisation que les Pays-Bas du Sud ont déjà connue au milieu du 16ème siècle. Cela vaut aussi pour le meilleur travail qui existe aujourd’hui sur cette période, celui du marxiste hongrois T.Wittman (19). Soly et Thys déclarent avec raison : « Dans une contribution fascinante, W. Brulez a tenté récemment d’évaluer approximativement la valeur de la production de l’agriculture et de l’industrie aux Pays-Bas vers 1560 : 20 millions de Florins pour le premier secteur, 18 à 27 ou disons 22 pour le second, soit un rapport d’égalité. L’auteur estime le nombre de citadins à 25% de la population, soit 750.000, et suppose que la moitié d’entre eux était occupé dans l’industrie, soit 375.000. Ensuite, il considère que l’armée industrielle rurale était à peu près aussi importante, ce qui porte le total à 750.000 (parmi lesquels, 80% vivaient dans les Pays-Bas du Sud) ».
On peut parfaitement inclure dans le Quatrième État les nombreux membres appauvris des corporations, les chômeurs, les vagabonds, etc., ainsi que les salariés à proprement parler, parmi lesquels beaucoup n’étaient pas employés en permanence. Soly et Thys estiment qu’un quart seulement des 750.000 salariés déjà mentionnés était occupé en permanence.
Vers la fin du 18ème siècle, le système de la manufacture prédomine à Liège. Mais le machinisme - l’industrie moderne - ne sera introduit qu’après 1800. Une partie de la production continue à être réalisée en milieu rural. L’industrie à domicile et le putting-out system n’ont pas encore disparu. La composition du Quatrième État renvoie à la complexité des rapports de production. Nous trouvons à côté des salariés permanents beaucoup de salariés à temps partiel, des chômeurs, des pauvres, des vagabonds. L’ampleur de la paupérisation est effrayante. Après l’exode des fabricants textiles, une importante partie de la population de Verviers périra littéralement de faim (21).
Vers 1830, la percée de l’industrie moderne à Liège, Gand et dans le Hainaut, est déjà fort bien avancée. Le prolétariat industriel moderne forme donc déjà une partie importante du Quatrième État. Mais en Flandres, le travail à domicile est toujours très répandu. A Bruxelles et environs, prédomine encore l’artisanat d’art. Et si à Anvers, la prolétarisation a fait une percée (Lis considère qu’autour de 1800, le rapport employeurs/ouvriers est de 1 pour 101 dans les entreprises de tissage du coton) (22), le nombre de pauvres, de chômeurs, de mendiants, de semi-prolétaires reste significatif et influence le caractère des troubles politiques.
Beaucoup d’entre eux étaient remis au travail de manière répétée par les autorités de la Ville. Les tentatives faites pour baisser leur salaire ou pour les licencier, menaient à de durs conflits : « Le 30 mars (1831), des groupes qui s’étaient opposés à la contre-révolution se manifestèrent violemment : le jour suivant, des émeutes éclatèrent à travers la ville. Des centaines de travailleurs déferlent alors et saccagent les habitations d’éditeurs de journaux, d’anciens dirigeants et de marchands connus pour leurs sympathies orangistes. Les troubles furent sans doute provoqués par un petit groupe de révolutionnaires venus de Bruxelles qui comme ils l’avaient fait dans leur ville et ailleurs, essayèrent de canaliser la colère populaire sur une voie "propre" à Anvers.
Les émeutiers ne peuvent cependant pas être simplement décrits comme manipulés par une poignée d’agitateurs. Des rapports de police indiquent qu’une part croissante du prolétariat anversois était fatiguée d’être vue comme des mendiants à qui étaient accordés des aumônes tout à fait insuffisantes à leur assurer un minimum décent. Le conseil municipal était conscient que beaucoup de travailleurs pouvaient se tourner aussi bien contre les pro-Belges que contre les Orangistes. Dès lors, non seulement la loi martiale fut proclamée mais les autorités commencèrent activement à rétablir le secours aux chômeurs ; dans la première semaine d’avril, leur nombre atteignit 1.710.500 de plus qu’au début des troubles » (traduit de l’anglais par la rédaction de la revue) (23).
L’évolution de la population urbaine dans les Pays-Bas du Sud entre 1560 et 1830 n’a pas été telle qu’un véritable prolétariat industriel ou même un prolétariat moderne au sens large du terme, ait fait son entrée en scène. C’est pourquoi il est opportun de continuer à utiliser le terme "Quatrième État". Mais plus le véritable salariat s’élargit et se généralise plus grand devient le poids du prolétariat au sein du Quatrième État par rapport aux couches pré-prolétaires et semi-prolétaires. Et plus le poids du véritable prolétariat à l’intérieur du Quatrième État devient important, plus fort devient l’antagonisme entre la bourgeoisie et ce Quatrième État ainsi que la peur de celle-là à l’égard de ce dernier pendant la révolution.
C’est le noyau de vérité qui subsiste dans la formule exagérée de "soulèvement prolétarien" que Maurice Bologne a plaquée sur la révolution de 1830 (24). Ce ne sont donc pas les excès ou la tactique fausse des radicaux qui mènent aux déchirements au sein du camp révolutionnaire, tant dans les années 1570 qu’en 1789-93 ou qu’en 1830. A la base de la différenciation gît l’ascension du Quatrième État, c’est-à-dire la contradiction objective entre les intérêts matériels du salariat et ceux du capital.
Celui qui affirme que rentrée en lutte des ouvriers défendant leur propres intérêts était "prématurée" tant que l’Ancien Régime n’était pas éliminé définitivement, ne comprend pas que les classes sociales ne peuvent agir autrement qu’en défendant leurs intérêts matériels, quel que soit le masque idéologique sous lequel cela se réalise. Exiger le contraire de la part de la classe laborieuse signifie qu’on exige de sa part de se comporter autrement que n’importe quel groupe social qui agit dans une révolution bourgeoise : ne pas se défendre et choisir l’abnégation comme mot d’ordre à écrire sur sa bannière... Ce n’est pas seulement une exigence immorale, car on demande aux pauvres d’être moins concernés par leurs intérêts que les riches. C’est surtout irréaliste.
Parfois, ce conflit d’intérêts se manifeste d’une manière aigu. Le petit peuple de Gand descendait dans la rue en février-mars 1579 et commençait à piller les maisons sous le cri « Sang du pape, biens des riches » (25). La forme religieuse du conflit social apparaît ici clairement. Despretz constate à juste titre : « De nombreux compagnons étaient favorables au nouveau gouvernement (calviniste) pour des motifs étrangers à la religion. Leur niveau de vie dépendait de l’équilibre entre l’offre et la demande de la force de travail. Ils vivaient sous la menace permanente de l’arrivée de nouvelles forces de travail issues de la masse des travailleurs l’ non qualifiés et non libres, de sorte que les salaires ne seraient plus adaptés. Par la restauration du système des corporations, la concurrence de la part des travailleurs non libres était éliminée et leur niveau de vie préservé. (...) Le groupe des ouvriers non libres (...) a approuvé le nouveau régime plutôt par révolte sociale que par une forte conviction calviniste. Par intermittence, ils retombaient dans le chômage et la mendicité.
Auparavant déjà, ils avaient cherché leur salut dans le premier mouvement anabaptiste anarchisant Maintenant, le régime calviniste révolutionnaire leur donnait un nouvel espoir d’amélioration de leur sort (26) (cet exemple confirme d’ailleurs comment l’absence d’un projet politico-idéologique commun du Quatrième État a une base socio-économique, c’est-à-dire, répond aux conflits d’intérêts entre les différentes composantes au sein de cet État.)
Pendant le mouvement iconoclaste, la conscience pour soi du Quatrième État a crû de manière impressionnante. Kuttner en donne de nombreux exemples. A Tournai, la furie du peuple se tournait surtout contre un certain Baudelet, un marchand qui, peu de temps auparavant, était arrivé sans un sou à Tournai mais qui, entre-temps, était devenu riche comme Crésus grâce à la spéculation sur les grains : « Il s’était fait construire une imposante maison de pierres rouges, dit P. de la Barre. Le peuple la nommait : le château rougi du sang des pauvres. Il voulait dire ainsi que Baudelet avait fait construire sa maison avec l’argent qu’il avait accaparé grâce à la spéculation sur les grains et que cet argent provenait de la sueur et du sang des pauvres » (27). A quel point la compréhension politique de la part de certains membres (représentants) du Quatrième État avait grandi, voilà ce qui est indiqué dans un petit poème des frères Campene, où le mouvement iconoclaste est présenté comme une manoeuvre de diversion. On aurait mieux fait de s’attaquer aux possessions des marchands plutôt qu’aux églises :
« Eussions-nous pris pour cibles les biens des marchands
En laissant en paix les icônes des églises,
Sans nous laver les mains dans le sang du pape,
Nous serions devenus les seigneurs des villes et des villages » (28).
Des mouvements identiques ont eu lieu durant la révolution liégeoise : « Le peuple se montrant chaque jour plus exigeant, les patriotes lui suggérèrent l’idée de réclamer le partage des capitaux légués par Georges-Louis de Berghes. C’était à leurs yeux un moyen de se débarrasser de ses importuns et de casser en même temps le clergé paroissial.
Le peuple commença par demander les comptes de la distribution annuelle des revenus de menses des pauvres. Ces comptes, qui avaient été rendus régulièrement par les mambours à la généralité des paroissiens, furent nommés par les uns et refusés par les autres. On réclama ensuite le partage des capitaux qui avaient été placés à intérêt. Les curés et mambours refusèrent de demander le remboursement des capitaux et d’en faire le partage avec les pauvres. Ce refus ne pouvait manquer de causer des mécontentements et d’occasionner des actes de violence. Henrard, curé de St-Martin-en-Isle vit, le 5 octobre (1789), sa maison cernée par une garde de la milice bourgeoise. Cette milice n’était composée que du petit peuple et elle était commandée par des capitaines de son choix. La garde patricienne, au contraire, ne comprenait que des jeunes gens de la haute bourgeoisie et portait un brillant costume.
Il en résulta bientôt une véritable antipathie entre ces deux corps et il suffisait du moindre fait pour faire éclater un grave conflit Dans la nuit du 5 au 6 octobre, une patrouille de la garde patricienne, voyant la maison du curé de St-Martin cernée par des soldats de la milice bourgeoise... aussitôt ces soldats furent désarmés et conduits à la grande garde. La milice bourgeoise ou plutôt la populace, y vit une insulte. Le lendemain, après le dîner, le petit peuple des paroisses de St-Martin, de St-Christophe et de St-Gilles s’assembla, prit les armes et se rendit à l’hôtel de ville pour demander au magistrat la suppression de la garde patricienne et le partage des capitaux légués par Louis de Berghes » (29).
De nombreux événements analogues survenus pendant la révolution de 1830 peuvent être mentionnés. Le jour avant la célèbre représentation de la Muette de Portici, au théâtre de la Monnaie à Bruxelles, s’est déroulée une manifestation houleuse des travailleurs des imprimeries bruxelloises. Bologne, s’appuyant sur White et Juste, la décrit ainsi : « Pas un seul instant à ce moment, on ne voit apparaître d’emblème national ou provincial. Il ne s’agit pas alors de créer une patrie belge, mais bien de se dresser contre la misère, le pain cher, le machinisme expropriateur et les responsables de cette situation : le gouvernement et la bourgeoisie » (30).
Des drapeaux rouges apparaissent déjà le 26 août 1830. La classe laborieuse bruxelloise commence à s’organiser et à centraliser ses forces : « Vers deux heures, des prolétaires se réunissent dans des cabarets de la rue Haute et projettent d’aller détruire les fabriques à machines des environs, à l’exemple des Anglais de Manchester. Trois groupes armés partent dans trois directions différentes. fis étaient composés d’ouvriers fileurs pour la plupart. A huit heures du soir, les fabriques de MM. Basse, Rey, Wilson, Bosdevex et Bal étaient détruites, plus de vingt maisons de plaisance et vingt-sept boutiques dévastées. Les dommages s’élevaient à plus d’un million de florins. Menacée dans ses propriétés, la bourgeoisie belge adjure les généraux hollandais d’employer la force pour rétablir l’ordre.
Ils envoyèrent des patrouilles dont les unes assistèrent sans intervenir et dont les autres furent ou repoussées ou désarmées. Il y eut cependant encore une vingtaine de morts (31) et une cinquantaine de blessés » (32).
« Ainsi mise en demeure de choisir entre le prolétariat bruxellois le gouvernement hollandais, la bourgeoisie bruxelloise n’eut aucune hésitation : elle fit feu pour la première fois sur la classe ouvrière en révolte.
"La propriété était plus sacrée que la "Patrie" » (33). Cette crainte profonde des classes possédantes pour les soulèvements qui s’attaquent à la propriété, on la retrouve d’ailleurs tant au 16ème siècle que pendant la révolution liégeoise. La contre-révolution l’a perçue de manière aigu.
En avril-mai 1566, le cardinal Granvelle, en correspondance avec plusieurs Hollandais, écrit : « Vraiment, tous ceux qui ont quelque chose à perdre, doivent dès maintenant ouvrir les yeux. Car, avec cette liberté sans limite vers laquelle nous nous dirigeons, ceux qui possèdent quelque chose seront victimes de la volonté des plus forts ou deviendront la proie du peuple qui se met en marche pour aller piller et s’approprier les biens d’autrui » (34).
Et l’Espagnol Castillo qui résidait à Anvers, décrit d’une manière magistrale le développement révolutionnaire dans les campagnes : « Le pire, c’est que le paysan ou le fermier qui est endetté, se refuse à payer. Il n’y a pas un seul village qui n’exige le respect de ses privilèges et de ses droits : ceux qui étaient les seigneurs, sont maintenant ramenés au rang de valets » (35).
Le clérical Davis cite avec satisfaction un passage des mémoires du général de la révolution française, Dumouriez, consacré à la populace liégeoise : « La populace d’Outre-Meuse, peut-être la plus dangereuse d’Europe, après celle de Londres et de Paris, s’était emparée non pas du gouvernement (en décembre 1792), car il n’y en avait plus, mais de la force. Ces malheureux ne pensaient qu’à se venger et à punir. Ils menaient les soldats français chez leurs anciens ennemis particuliers (!) et on traitait ceux-ci en aristocrates, c’est-à-dire qu’on les pillait et massacrait » (36). Impressionné par ces "excès", le général Dumouriez est passé au camp de la contre-révolution autrichienne, en solidarité de classe avec les classes possédantes liégeoises.
On voit donc que lors des trois phases de la révolution bourgeoise dans les Pays-Bas du Sud, la contradiction politique entre "modérés" et "radicaux" correspond aux contradictions entre les révolutionnaires des classes possédantes et les révolutionnaires qui représentent le Quatrième Etat (qu’ils soient ou non liés à la petite bourgeoisie), contradictions qui reflètent de manière concentrée les oppositions d’intérêts matériels. Les problèmes suivants passent à l’avant plan :
- l’armement général du peuple. Celui-ci n’est pas tant le fruit d’une exigence du Quatrième État que le résultat d’un mouvement spontané. Les classes possédantes essayent chaque fois d’y mettre fin. Pratiquement dans tous les soulèvements qui ont eu lieu depuis le 15ème siècle (le mouvement hussite en Bohême), le désarmement des travailleurs est le point de retournement décisif entre révolution et contre-révolution.
- les mesures fiscales aux dépens des riches et en faveur des pauvres. Elles constituent la plupart du temps la revendication économique centrale du Quatrième État accompagnée de la revendication d’expropriation de certaines formes de propriété des États privilégiés (37). Dans la plupart des soulèvements bourgeois, la bourgeoisie essaye de canaliser cette revendication aux dépens exclusifs des anciennes classes dirigeantes (noblesse et haut-clergé). La plupart du temps, elle y est parvenue en ce qui concerne l’offensive directe contre les rapports de propriété. Au niveau fiscal, son succès est plus mince dans les trois soulèvements qui font l’objet de cette étude.
- forme et composition des nouveaux organes de pouvoir politique. Pendant les grands soulèvements bourgeois du 16ème au 19ème siècle, nous voyons l’émergence des nouveaux organes de pouvoir populaire sous la forme de comités révolutionnaires (38) dont K. Marx, tirant les leçons du soulèvement de 1848, verra, à partir de 1850, l’essence même de la révolution prolétarienne (39).
Au point culminant des convulsions de la période espagnole, sont érigés dans toutes les grandes villes flamandes, à commencer par Bruxelles, les Comités des XVIII qui seront la pomme de discorde dans le conflit politique permanent entre modérés et radicaux. Ces nouveaux organes de pouvoir ne peuvent en aucun cas être considérés comme un rétablissement des anciens organes de la Commune.
Le fait qu’en leur sein, de vieilles familles patriciennes (ou au moins quelques-unes d’entre elles) ont tout à dire ne change rien au caractère révolutionnaire de ces nouveaux organes de pouvoir. Cela apparaît clairement dans la polémique publique qui surgit à propos de ces organes. Ici aussi, on en vient progressivement à une alliance de fait entre toutes les classes privilégiées possédantes dont le but est de dissoudre le plus vite possible ces comités.
Le poids des patriciens révolutionnaires au sein des comités durant la révolution liégeoise, le poids des "citoyens révolutionnaires" exprime bien une contradiction centrale de ces révolutions bourgeoises. La faiblesse politique - de caractère prolétarien embryonnaire - du Quatrième État, empêchait ce groupe social de défendre son propre point de vue politique indépendamment des autres classes, pour ne pas dire le rendait incapable de lutter pour l’exercice direct du pouvoir politique (40), Cela impliquait qu’en fonction du caractère non mûr des rapports capitalistes, ces révolutions, malgré la contradiction croissante entre"e riches et pauvres, ne pouvaient se terminer que par une victoire de la contre-révolution, ou par une victoire des fractions bourgeoises modérées (41).
L’attitude de la bourgeoisie riche mène ainsi à un véritable mouvement de balancier au sein de la révolution. Les provocations, l’entêtement, la stupidité, l’intolérance, le dogmatisme des représentants de l’ Ancien Régime la poussent à des actes révolutionnaires. Les convulsions, les soulèvements, l’armement, les revendications économiques du Quatrième État, la poussent au contraire vers des compromis avec la contre-révolution, sinon vers la trahison ouverte. Plus le Quatrième État revêt un caractère prolétarien, plus vite la bourgeoisie, pratiquement dans sa totalité, passe dans le camp de la contre-révolution. Déjà pendant la révolution française, les objectifs bourgeois de la révolution ne pouvaient être réalisés radicalement et dans leur ensemble, que parce que la bourgeoisie aisée (dont les Girondins étaient les représentants les plus conséquents) dût céder temporairement le pouvoir à la petite bourgeoisie radicalisée des Jacobins. Au cours de la révolution de 1848, le passage rapide de la bourgeoisie riche dans le camp de la contre-révolution a eu lieu de manière classique.
Au travers des révolutions bourgeoises de 1565-1585, de 1789-1193 et de 1830, nous voyons donc comment, dans nos régions, s’épanouit un processus embryonnaire de révolution permanente (42). Ce n’est encore qu’un processus embryonnaire, vu la faiblesse, l’hétérogénéité et le caractère semi-prolétarien du Quatrième Etat Mais c’est déjà un tel processus, car les contradictions d’intérêt entre capital et travail, et la lutte de classes entre bourgeoisie et prolétariat qui en est le produit, se combinent de plus en plus avec les contradictions d’intérêts entre bourgeoisie et noblesse. C’est cette combinaison qui va déterminer de plus en plus l’attitude politique de la bourgeoisie et donc le déroulement même de la révolution.
Ernest Mandel, 1988
NDLR : La version originale de ce texte a paru en néerlandais dans Arbeid in veelvoud, een huldeboek aangeboden aan Prof Dr. Crayebeckx en Prof Dr. E. Scholliers van de Vrije Universiteit Brussel, 1988, VUB-Press, 336 p. Les notes en bas de pages ont été traduites par la rédaction de Contradictions sans être revues par l’auteur. Que celui-ci et le lecteur veuillent excuser d’éventuelles approximations ou erreurs qui s’y seraient glissées.
Notes :
- I.E. Nève de Mevergnies, Gand en République (La domination calviniste à Gand 1577-1584) (Gand, 1940) ; F. Prims, De Grote Cultuurstrijd (Ier tome 1578.1581 ; 2e tome 1581-1585).
- Une version condensée de ce mémoire rédigé sous la direction du professeur I. Craeybeckx a paru dans Handelingen der Maalschappij voor Geschiedenis en Oudheidkundete Gent, nouvelle série, xvn (1963), pp. 119-229 sous le ûtre "De instauratie der Gentse Calvinische Republiek (1577-1579)".
- P. Rogghé, "De Orangisûsche Putsch van 28 oktober 1577 te Gent", Appeltjes van het Meetjesland, laarboek van het heemkundig Genoolschap van het Meetjesland. 18 (Maldegem, 1967).
- « On ne pourrait même plus concevoir, aujourd’hui, une étude historique, ou une action politique qui, s’en tenant à la surface des choses, ne tiendrait pas canpte de ce que Marx appelait le facteur économique sous-jacent. écrivait Emile Vandervelde à la page 32 d’une brochure Le marxisme a-t-il fait faillite ? Rien de nouveau sous le soleil, comme on peut une fois de plus le constater...
- S H. Pirenne, Histoire de Belgique, V (Gand, 1929), p. 508.
- P. Lebrun parle d’environ 100 ouvrien par manufacture pour l’industrie textile urbaine à
Verviers en 1782 (L’industrie de la laine à Verviers, pp. 273, 281). Nous limitons notre investigation du "Quatrième État montant" à la révolution liégeoise de 1789-93. sans prendre ici en compte la révolution brabançonne. - M. Bologne, La révolution de 1789 en Wallonie, Institut Jules Destréc (Gilly. 1964). écrit dant à veille de la révolution, le chômage et la misère suite de l’augmentation de la population du protectinisme des états voisins . (lbld.. p. 9). Ceci ne valut aucunement pour la riche bourgeoisie, fabricants lnclus.
- Chapuis était dans la révolution liégeoise le leader radical intellectuellement le plus instruit. Il fut condamné à mort et exécuté par la contre-révolution de 1793.
- P. Lebrun, L’industrie de la Laine à Verviers pendant le 18e et le début du 19e siècle,
Faculté de Philosophie et Lettres (Liège, 1948), p. 88. Fyon est le leader modéré de la révolution liégeoise à Verviers, un représentant typique de la bourgeoisie. - A Liège, 87 fonctionnaires furent démis de leur charge par la contre-révolution de 1793.
Paemi eux se trouvent 16 juristes, 1 notaire, 6 imprimeurs, 1 pharmacien, 2 médecins, 1 brasseur, 1 architecte, 2 négociants, 14 ecclésiastiques (incluant du personnel enseignant), 1 industriel, 1 colonel, 17 dignitaires communaux (bourgmestres, secrétaires, etc.), 2 1eaders de clubs, les autres sans profession déclarée (I. Daris, Hisloire du diocèse et de la principauté de Liège (1724-1852), 2e partie : La Révolution liégeoise (Liège, 1877,pp.400-1). - Beaucoup de grèves trouvèrent place au XVIe siècle à Anvers, Malines et ailleurs. V. H. Soly et A.K.L Thijs, "Nijverheid in de Zuidelijke Nederlanden", AGN, 6, (Haarlem 1979), p. 57 ; I. Maûrieu, Hisloire sociale de l’industrie de la Ville de Verviers (1946), pp. 52-5, 69, mentionne de nombreuses grèves et conflits du travail pendant la période 1759-1765.
- On peut cependant mentionner le prêcheur brugeois Comelis Everaert qui se voulut porle-voix des salariés autour de 1520-1535. A. Despretz (De Îllslauralie..., p. 189)
- Les foulons et tisserands malinois qui en 1524-25 firent grève quatre mois environ revendiquaient des hausses de salaire. une pause de midi de deux heures (au lieu d’une) et la mise à l’écan d’un moulin à fouler importé. Les travailleurs de Verviers pour leur pan revendiquent déja en 1764 la création d’une bourse du travail pour combattre le chfmage ainsi que d’une inspection du travail écrit : « les praticiens de l’an oratoire étaient à l’écoute des petits bourgeois et des salariés ». Voir aussi le rôle du prêcheur enseignant Jan Onghena. au temps des iconoclastes.
- Voir entre autres Schrevel. Recueil de documents relatifs aux troubles religieux en Flandre 1577-1584 (Bruges, 1924). Introduction. et suite de textes d’aulres auteurs.
- L’ouvrage classique coocernant le rôle de la faim lors des troubles de la période espagnole est E. Kuttner. Hel Hollgerjaar 1566, (Amsterdam, 1979. la première édition est de 1949). E. Scholliers remarque cependant qu’en ce qui conceme Anvers. « les troubles de 1566... ne sont pas le fait d’un prolétariat affamé qui veut mettre fin à sa misère. Mais plutôt d’une classe ouvrière plus consciente qui a notion du niveau de vie qu’elle a acquis et qui veut le maintenir. La diminution progressive sur quelques années de 60 pour cent jusqu’à seulement 42 pour cent de son pouvoir d’achat par la moindre rémunération dans la construction et la baisse de 80 à 38 pour cent seulement du pouvoir d’achat dans le secteur textile leur a donné une claire notioo de leur descente sur l’échelle sociale (Sholliers. De lelensstandaard in de 15e en de 16e eeuw te Antwerpen, Antwerpen, 1960, p. 137).
- A la fin de la révolution au sud, les masses sont tellement déçues de la politique de compromis du prince d’Orange et de ses liens avec le duc d’Anjou qu’un rapprochement avec Farnèse paraît possible. Une devise se répand à travers le pays : « c’était mieux avec grand père qu’avec le traîte cf. Wittman : Les gueux dans les "bonnes villes" de Flandre 1577-1584. Budapest 1969, p. 350).
- Une des énigmes de l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique est la disparition des premiers noyaux de travailleurs organisés à Gand, après la révolution de 1848.
- Voir à ce sujet Scholliers, "Vrije en oovrije arbeiders, voomamelijk te Antwerpen in de 16 e eeuw", BGN, XI (1956).
- Wittrnan, Les gueux.
- Soly et Thijs, "Nijverlteid in de Zuidelijke Nederlanden", p. 27-28.
- Mathieu, Histoire sociale de l’industrie, p. 50, parle de 4.000 habitants sur 13.000 qui meurent de faim à Verviers en 1795-1796.
- C. Lis, Social Change and the Labouring Poor -Antwerp 1770-1860 (Yale, 1986), p. 9.
- lbid., p. 136.
- Bologne, L "insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique (Bruxelles, L’Eglantine). 129
- P. Kervyn de Lettenhove, Les Huguellols elles Gueux (1578-1580), V (Bruges, 1885), .p.337, dans A. Despretz, De Ùlslauralie der Genlse Calvinislische Republiek. p. 149.
- Despretz, ibid., pp. 192-193.
- KutUler, Hel Hongerjaar 1566, p. 269.
- 28 1bid., p. 285.
- Daris, Histoire du Diocèse..., pp.133-134.
- Bologne, L’insurreclion..., p. 22.
- C. Huysmans a établi dans un article incisif que tous les morts des journées d’août et septembre 1830 étaient des travailleurs.
- Bologne, L’insurrection..., p. 26.
- Ibid., p. 29.
- Kuttner, Hel Hongerjaar 1566, p. 243.
- Ibid., p. 242.
- Daris,Histoire du Diocèse..., p. 376. ..-133
- Sur le rôle des mesures fiscales dans la république calviniste de Gand, voir Despretz, De installatie..., pp. 195-198.
- A la différence de H.G. Koeningsberger, "The Organisation of revolutionary parties in France and the Netherlands during the 16 th century", The Journal of Modern History. 4 (1955), qui voit dans les organisations huguenotes, orangistes et calvinistes l’émergence des partis politiques modernes, nous considérons qu’elles peuvent aussi bien être vues comme l’embryon des conseils ouvriers (soviets) ultérieurs.
- K. Marx et F. Engels, Ansprache der ZentralbehOrde an den Bund yom Mjjrz 1850, in Marx-Engels-Werkr. , Band 7, p. 244.
- On peut poser que, dans le meilleur des cas, le "Quatrième Etat". sous la pressioo exercée par des fractioos du patriciat urbain et des représentants des métiers, fut indirectement impliqué dans l’exercice du pouvoir politique : « Pendant les années de révolution, les métiers eurent leur mot à dire dans les affaires politiques » (1. Van Roelen, Hel sladsbesluur in Anlwerpen in de 16 e eeuw, (Antwerpen. 1975). Mais ceci n’est naturellement pas la même dtose que de participer directement aux décisioos politiques, ou de les prendre en mains.
- fi est significatif que les formes d’élection des anciens et des nouveaux organes du pouvoir- entre autres la question du suffrage censitaire ou du suffrage universel commencent à jouer un rôle très important dans le déroulement de la révolution bourgeoise. Voir par exemple pour la révolution liégeoise, Bologne, La révolulion de 1789. pp. 25, 39-40.
- Dans La lutte des classes sous la première République - Bourgeois et "bras-nus", (paris, 1946) D. Guérin a fait travail de pionnier pour l’application aux révolutions bourgeoises du passé de la théorie de la révolution permanente de Marx et Trotsky. Mais ce concept doit être utilisé avec prudence et sans dogmatisme, afin d’éviter les anachronismes. Le point de départ doit en être l’étude précise des rapports de production et des groupes sociaux (classes, fractions de classe) réels pour chaque période, dans chaque formation sociale. I. Craeybeckx, "Handelaars en neringdoenden. De 16e eeuw", Flandria Nostra. I (Antwerpen, 1957 pp. 4W-64, en est un exemple classique.