Les causes profondes de la deuxième guerre mondiale sont liées à l’expansion impérialiste et à ses contradictions. La guerre elle-même a été déclenchée par une puissance impérialiste précise, l’impérialisme allemand, et par les secteurs de la bourgeoisie allemande étroitement liés avec la production d’armements, secteurs qui avaient aidé Hitler à établir le troisième Reich.
Hitler prépare l’attaque de l’URSS
Dès 1931, Trotsky prévoyait que la venue au pouvoir de Hitler signifierait la guerre contre l’URSS. En 1964, l’historien britannique Trevor-Roper écrivait : « Hitler fit clairement apparaître que la diplomatie seule ne lui permettrait pas d’atteindre son but final : l’élargissement du Reich vers l’Est. Il y aurait une guerre, une guerre contre la Russie ». Dès qu’il fut devenu chancelier, Hitler commença immédiatement à réarmer l’Allemagne. Son programme était double : l°) relance immédiate de l’industrie frappée par la crise en créant les conditions d’une augmentation du profit global et du taux de profit ; 2°) dans les dix années, attaquer l’URSS pour donner à l’impérialisme allemand un empire en Europe de l’Est.
Les grands traits de ce Lebensraum (1) avaient déjà été brossés par l’annexionnisme de l’impérialisme allemand radical et de ses trusts, et par les accords de Brest-Litovsk (2). Les ressources naturelles et l’industrialisation de l’URSS étaient alléchantes. Certes, la conquête et le pillage de l’URSS n’impliquaient pas automatiquement une guerre européenne, pour ne pas parler d’une guerre mondiale. Les nazis auraient certainement préféré diviser leurs adversaires pour les neutraliser et les éliminer les uns après les autres. Il aurait été beaucoup moins coûteux pour eux de convertir la Tchécoslovaquie et la Pologne en alliés forcés contre l’URSS, comme la Hongrie, que de devoir d’abord les soumettre militairement.
Mais cela n’était possible que moyennant des changements politiques importants dans les cercles dirigeants de la bourgeoisie de ces pays, et si ceux-ci cessaient d’être des états-clients de l’impérialisme français et (dans une moindre mesure) de l’impérialisme britannique. Et cela aurait nécessité à son tour l’accord ou la résignation passive de Paris et de Londres face à la domination allemande en Europe. Hitler essaya d’atteindre ces objectifs, pas à pas, entre 1935 et 1939, en combinant les menaces, la séduction, le chantage, les extorsions et les pressions militaires.
Ces manoeuvres lui apportèrent un certain nombre de succès en 1934-38 : remilitarisation de la zone du Rhin, Anschluss (3) de l’Autriche, annexion des Sudètes (4). Mais l’échec était assuré une fois que l’armée allemande occupa Prague en mars 1939. A partir de ce moment, l’impérialisme britannique (avec en remorque son allié français in-décis) se décida à résister par la force à toute future expansion allemande dans l’Est de l’Europe. Hitler le savait, mais ne voulait pas perdre son avance en armement moderne en reportant la guerre : il risqua délibérément une guerre avec la Grande-Bretagne en attaquant la Pologne le 1er septembre 1939.
Après la conquête de la Pologne, Hitler fit une tentative peu sincère de mettre fin à la guerre en échange de la reconnaissance par Londres du statu quo international du moment, c’est-à-dire sans restaurer l’indépendance de la Pologne et de la Tchécoslovaquie. Sur le plan diplomatique, Staline appuya cette manoeuvre. Mais Hitler savait que les chances étaient minces de voir la Grande-Bretagne capituler ainsi politiquement.
Les objectifs de l’impérialisme britannique
L’impérialisme britannique avait pour objectif à long terme d’éviter qu’un pouvoir hostile ne domine complètement le territoire européen, parce qu’il comprenait qu’une domination de ce type ne ferait que pré-parer une attaque totale de l’impérialisme allemand contre lui-même. Hitler n’avait-il pas prouvé dans la question tchécoslovaque que ses promesses n’étaient que des chiffons de papier ? (4)
Hitler fit une seconde tentative, encore moins sérieuse, d’éviter une guerre mondiale après la défaite française de mai-juin 1940. Une nouvelle fois, il exigea que Londres se résigne au fait accompli. Mais se sentir tranquille avec un continent européen dominé par Berlin, sans une forte armée française indépendante, était encore plus douteux pour la City. Cela signifiait en tous les cas le désastre assuré pour la Grande-Bretagne en tant que puissance mondiale, sans parler du risque d’invasion militaire à court terme. Quoique Lord Halifax ait appuyé une tentative de médiation de Mussolini, la grande majorité de la bourgeoisie britannique se rangea derrière la détermination de Churchill de lutter sur-le-champ, sans permettre que Hitler consolide ses positions. Hitler le savait et c’est la raison pour laquelle il n’arrêta pas un jour ses plans militaires, économiques et politiques d’extension de la guerre.
De la même manière, Hitler décida délibérément d’attaquer l’URSS avant même que la Grande-Bretagne soit éliminée. Il prit cette décision dès 1940 et en porte toute ta responsabilité, même si d’autres puissances l’ont influencé et orienté dans ce sens par leurs propres actions et réactions. La responsabilité de l’impérialisme allemand pour le déclenchement et l’extension de la deuxième guerre mondiale est aveuglante, et contraste avec la situation de juillet-août 1914 où toutes les puissances se précipitèrent dans une guerre mondiale sans savoir trop bien ce qu’elles faisaient.
En arrière-plan ; la crise
Le choix de l’impérialisme allemand en faveur d’une agression ouverte et à grande échelle ne peut être comprise que dans le cadre de la profonde crise économique, sociale et morale qui frappait la bourgeoisie allemande depuis 1914. Ainsi la relance de l’économie allemande sous le régime nazi s’appuyait dès le début sur l’industrie lourde, les machines-outils et la construction de routes. Toutes les devises furent utilisées pour constituer des stocks de matières premières en perspective d’une guerre. L’industrie chimique fut développée dans l’idée d’une conversion à la production militaire. Il était clair que la guerre menaçait, et même qu’elle était inévitable. En même temps, à partir de 1935, le Traité de Versailles fut systématiquement violé pour construire une force militaire de technologie supérieurement développée.
Certaines forces plus conservatrices ou prudentes dans la bourgeoisie allemande, y compris dans l’armée, mirent périodiquement en question cette orientation précipitée non seulement des nazis mais aussi des points d’appui dont ils disposaient au sein même de la bourgeoisie. Leurs protestations timides restèrent sans effet, au moins tant qu’Hitler remporta des succès. L’opposition ne prit une certaine ampleur qu’après les défaites de El Alamein, Alger et Stalingrad (6) : la bourgeoisie allemande n’était pas candidate au suicide, ni à la destruction par l’Armée Rouge. Mais même alors son opposition resta très fragile.
Le mode de développement de la structure de l’industrie et du capital financier allemands, durant les premières années du Reich, est un indice éloquent de ces options fondamentales de la classe dominante en Allemagne. Mais la course au réarmement total n’était pas seulement téméraire d’un point de vue diplomatique et militaire. Elle était aussi un pari désespéré avec l’économie allemande pour enjeu. En 1938-39, l’économie connaît une grave crise financière. Le déficit de l’Etat atteint 55 milliards de RM en 1938-39 et 63 milliards en 1939-40, contre seulement 18 milliards et 25 milliards en rentrées fiscales et douanières. La dette publique s’accrut de façon vertigineuse. Certains suggèrent qu’il y à un lien direct entre cette crise et le choix en faveur de la Blitzkrieg (7) en 1939-40
Etant donné que le paiement des intérêts sur la dette publique devenait un problème grave et que les résultats des exportations baissaient en dépit de la politique de dumping, les lois de la reproduction du capital s’imposèrent : il y aurait une sévère récession économique, sauf si on mettait en circulation un courant massif de biens matériels. Les capacités de production de l’Allemagne avaient atteint leurs limites extrêmes. La classe ouvrière, les petits indépendants et les juifs avaient donné le maximum. Il ne restait qu’une possibilité : augmenter la production matérielle à travers un vol massif au-delà des frontières. Bref, il fallait une guerre de conquête. Et cette guerre fut déclenchée.
Notes :
- « Espace vital », par analogie avec la biologie, l’espace nécessaire au développement de l’économie allemande.
- Accords de 1918, par lesquels le jeune Etat soviétique dut abandonner de vastes territoires à l’Allemagne en échange de l’arrêt de la guerre.
- L’adhésion forcée de l’Autriche au Troisième Reich en 1938.
- Hitler occupa la Tchécoslovaquie en 1938 et annexa la région de langue allemande des Sudètes. En échange de la reconnaissance internationale de cette annexion il « promit » la fin de l’expansion du Reich.
- C’est à Versailles que les vainqueurs de la première guerre mondiale imposèrent à l’Allemagne de lourdes compensations (à payer par la classe ouvrière) et une limitation sévère de sa puissance militaire.
- El Alamein : défaite de l’Afrika Korps face à l’armée britannique à la fin de 1942. Alger : était aux mains du gouvernement pro-allemand de Vichy. Stalingrad : Fin 1943 l’Année rouge écrase la Sixième Armée nazie.
- Guerre éclair mettant en oeuvre les blindés avec couverture aérienne pour conquérir vite des positions stratégiques en profondeur dans le territoire ennemi.