Ernest
Mandel était connu non seulement comme le théoricien principal
de la Quatrième Internationale, mais aussi comme l’un des
plus grands économistes marxistes de la deuxième moitié du
vingtième siècle. Néanmoins, l’écho de ses travaux portait
bien au-delà des rangs du mouvement fondé par Léon Trotsky ou
du cercle des étudiants en économie.
De
Paris à Sao Paulo, de Berlin à New York, et de Moscou à
Mexico, les raisons de cette large attraction, de cet intérêt
et de cette sympathie sont nombreuses. L’une d’elles résidait
certainement dans la dimension humaniste révolutionnaire de ses
écrits.
Cette
dimension est un des principes unificateurs de sa pensée, un
fil rouge qui traverse ses travaux, qu’il traite du débat économique
à Cuba, de la pauvreté dans le Tiers Monde, de l’économie
politique marxiste ou de la stratégie révolutionnaire
aujourd’hui. Il rattachait chaque question, qu’elle soit économique
ou politique, chaque événement, chaque conflit, chaque crise,
à un point de vue global, à la lutte pour une émancipation
humaine universelle et révolutionnaire. Son travail n’était
pas prisonnier d’un point de vue étroit, d’une approche étroite
technique ou tactique, d’une méthode économiste ou “
politiste ”, mais s’enracinait toujours dans une perspective
humaniste révolutionnaire plus large, historico-mondiale.
C’est
la raison pour laquelle ses écrits économiques ne se confinent
jamais uniquement aux forces abstraites et aux “ lois économiques
”, mais traitent d’êtres humains concrets, de leur aliénation,
de leur exploitation, de leur souffrance - aussi bien que de
l’histoire de leurs luttes, de leurs refus de se soumettre à
la domination du capital. Certes, l’humanisme de Mandel
n’avait rien à voir avec le vague “ humanitarisme ” en
vogue aujourd’hui. Pour lui, en tant que marxiste, l’avenir
de l’humanité dépendait directement de la lutte de classe
des opprimés et des exploités.
L’humanisme
marxiste n’a fait l’objet d’aucun écrit particulier de
Mandel : on le trouve dans toute son œuvre. Dans les quelques
notes qui suivent, nous essayerons de rassembler ses idées sur
le sujet, et dans une certaine mesure, de les systématiser et
de les critiquer, sans prétendre à quelque exhaustivité que
ce soit. Est-il besoin de dire qu’il s’agit d’une interprétation
- fortement inspirée par des marxistes “ hétérodoxes ”
comme Lucien Goldmann et Walter Benjamin - de sa pensée. Nous
nous concentrerons tout particulièrement sur trois sujets
centraux, intimement liés et dialectiquement articulés :
l’inhumanité du capitalisme, le socialisme comme réalisation
des potentialités humaines, et l’argument en faveur d’un
optimisme anthropologique. [1]
Il
existe des lacunes surprenantes dans son œuvre : on y trouve très
peu de choses à propos du débat sur “ l’anti-humanisme théorique
” d’Althusser ou de la discussion sur la conception marxiste
de la nature humaine. Mais cela peut s’expliquer par une réticence
à s’engager dans des controverses strictement philosophiques.
Plus troublant est le peu d’attention accordée aux crimes
contre l’humanité : le goulag stalinien, Hiroshima, et même
(jusqu’en 1990) Auschwitz. [2] Ce n’est pas que ces événements
historiques soient absents de ces écrits : il les mentionne
souvent (notamment dans les dix dernières années) mais dans un
statut quelque peu marginal, sans leur accorder leur pleine
signification historico-mondiale, en tant que désastres de la
modernité.
Mandel
était trop un héritier de l’Aufklarung (et fier de l’être),
un disciple des Lumières françaises et de leur philosophie
optimiste du progrès historique, pour percevoir ces événements
comme ruptures civilisationnelles, comme bornes centrales du
vingtième siècle, et comme arguments en faveur d’une
critique générale - dans l’esprit de l’école de Francfort
- de toute la civilisation industrielle moderne. Il ne les a
compris ni comme défi à l’idée de progrès inhérente à
une certaine interprétation “ classique ” du marxisme, ni
comme tournant majeur de l’histoire humaine exigeant une
interprétation différente de notre siècle. [3]
*
* *
La
critique du capitalisme en tant que système inhumain est pour
Mandel - comme pour Marx lui-même - un des principaux arguments
en faveur de la nécessité de lutter contre ce mode de
production et pour son abolition révolutionnaire. Bien sûr,
Mandel, comme Marx, prend note du rôle civilisateur du
capitalisme, et de sa contribution au progrès humain par le développement
exponentiel des forces de production. Mais il insiste sur le
fait que depuis son origine, “ le capitalisme industriel a développé
une combinaison de progrès et de régression, de forces
productives et de tendances régressives”. [4] La nature régressive
et “ inhumaine ” du capitalisme se manifeste dans la
mutilation de la vie humaine, de la nature humaine, et du
potentiel de liberté, de joie et de solidarité de l’humanité.
Le
capitalisme est un système qui produit et reproduit
l’exploitation, l’oppression, l’injustice sociale, l’inégalité,
la pauvreté, la faim, la violence et l’aliénation. Le
concept d’aliénation, c’est-à-dire d’asservissement d’êtres
humains par les produits de leur propre travail, par les “
lois ” de la production marchande, par l’organisation
sociale transformée en force hostile et indépendante, est une
composante essentielle de la critique du capitalisme de Mandel.
C’est à cause de l’aliénation que les êtres humains, après
avoir échappé - dans une certaine mesure - à la tyrannie de
la fatalité naturelle, sont devenus victimes d’une fatalité
sociale qui semble condamner l’humanité aux crises, aux
guerres, aux dictatures et, demain peut-être, au désastre nucléaire.
Le travail aliéné est une aliénation de la nature humaine,
une négation de l’être humain en tant qu’être social et
politique, parce qu’il subordonne les relations humaines à
une accumulation irrationnelle de biens. A travers des formes
telles que la division du travail, il mutile la personne humaine
d’une manière qui est contradictoire avec la nature humaine
elle-même, aussi bien qu’avec le développement harmonieux de
l’individu. [5] (C’est d’ailleurs dans ces quelques
passages qu’Ernest Mandel utilise le concept de nature humaine
sans pour cela le définir d’une façon ou d’une autre).
Dans
son livre sur La Formation de la pensée économique de Karl
Marx, Mandel polémique contre les marxistes - le plus souvent
liés aux Partis communistes comme Wolfgang Jahn, Manfred Buhr,
Auguste Cornu, Emile Bottigelli et bien sûr Louis Althusser -
qui rejettent le terme d’aliénation comme “
non-scientifique ”, “ pré-marxiste ”, et appartenant à
l’univers intellectuel humanistico-feuerbachien du “ jeune
Marx ”. A l’encontre de cette prise de position, Mandel
explique que Entfremdung ne disparaît en rien des écrits économiques
plus tardifs de Marx : une étude de son évolution
intellectuelle montre le passage d’une conception
anthropologique de l’aliénation, caractéristique des
Manuscrits de 1844, à une conception historique, qu’on peut
trouver dans L’Idéologie allemande, les Grundrisse et même
Le Capital. [6]
L’aliénation
capitaliste produit et reproduit aussi la vénalité universelle
et la mercantilisation de la vie sociale ; tout doit être vendu
ou acheté sur le marché. La privatisation frénétique de la
consommation et de la vie détruit le tissu vivant des rapports
humains en diminuant de plus en plus la communication orale et
l’action commune, en privant les êtres humains des liens
d’affection et de sympathie qui émanent des groupes
collectifs, et en produisant de plus en plus de solitude et de
cynisme. L’individualisme égoïste, la concurrence et l’appât
du gain dominent les relations sociales, conduisent à une
guerre de tous contre tous qui extirpe les sentiments, les
valeurs et les impulsions à l’action qui sont les plus caractéristiques
de l’humanité : la protection du faible, la solidarité, le désir
de coopération et d’aide mutuelle, l’amour de son prochain.
[7] (L’athée marxiste Ernest Mandel n’hésitait pas à
recourir à ce commandement “ chrétien ” dans ses écrits.)
Homo
homini lupus et bella omnium contra omnes sont l’expression
essentielle non pas de la nature humaine - comme Hobbes et tant
d’idéologues bourgeois le prétendent - mais de l’esprit du
capitalisme. La logique du système conduit à des formes
massives de violence sociale, comme la destruction brutale des
sociétés précapitalistes tout au long du processus
d’accumulation primitive et de colonisation décrit par Marx
et Engels : ils “étaient des humanistes trop passionnés pour
ne pas ... se révolter contre ces crimes abominables. ” [8]
Avec l’avènement de l’impérialisme, les formes coloniales
de violence sont transférées, à des niveaux encore plus
destructifs, vers les métropoles avancées, sous la forme de
guerres mondiales et, plus tard, du fascisme. Il n’y a pas eu
une seule année sans guerre depuis 1935. La Première Guerre
mondiale qui a coûté la vie à des dizaines de millions de
personnes a été un tournant de l’histoire de l’humanité
en raison de son niveau de brutalité et de violence. Mais elle
a été surpassée, et de loin, par la Deuxième Guerre
mondiale, avec ses quatre-vingt millions de morts et ses
nouveaux niveaux de barbarie inconnus jusqu’alors : Auschwitz,
Hiroshima. “ Quel sera le prix d’une Troisième Guerre
mondiale ? ” [9]
Le
capitalisme n’a pas le monopole de la barbarie : son rival et
alter ego, le système bureaucratique stalinien, est également
responsable de crimes monstrueux. Les procès et les “ purges
” des années 1930 constituent pour Mandel “ toute une chaîne
de tragédies et de crimes à une échelle gigantesque ”, avec
l’assassinat de millions de victimes, y compris la plupart des
cadres communistes de l’Union soviétique. La liste des crimes
staliniens commence avec la collectivisation forcée en URSS et
finit avec les horreurs du régime de Pol Pot au Cambodge. [10]
Prévenir
de nouvelles guerres et empêcher de nouvelles explosions de
barbarie figurent parmi les raisons les plus urgentes de lutter
contre le système capitaliste - en même temps que contre sa
contrepartie bureaucratique. “ Socialisme ou barbarie ”, la
formule de Rosa Luxembourg qui apparaît souvent dans les écrits
de Mandel, soulignait avec force que l’avènement d’un monde
socialiste n’a rien d’inévitable, mais constitue uniquement
une parmi plusieurs possibilités du développement historique
à venir. Ce n’est pas par hasard que le titre choisi par
Mandel pour le Manifeste de la Quatrième Internationale de 1992
fut Socialisme ou barbarie à la veille du vingt-et-unième siècle.
Cette
façon de poser l’alternative montre que Mandel écrivait
moins comme “ oracle ” - c’est-à-dire comme quelqu’un
qui prétend prédire l’avenir inévitable - que comme un “
prophète ”, c’est-à-dire, en termes bibliques, comme
figure qui annonce ce qui se produira si le peuple oublie ses
meilleures traditions. Le prophète ne donne voix qu’à une
anticipation conditionnelle : il parle du désastre imminent, si
l’action n’est pas prise contre le danger. Compris en ces
termes, la prophétie est une composante essentielle de tout
discours stratégique révolutionnaire - comme dans la brochure
célèbre de Lénine de 1917, La Catastrophe imminente et les
moyens de la conjurer. [11]
Après
1985, “ socialisme ou barbarie ” laisse de plus en plus la
place dans le discours de Mandel à un nouveau choix : “ le
socialisme ou la mort ”. Le capitalisme conduit à des
catastrophes suicidaires qui menacent non seulement la
civilisation mais la survie physique même de l’espèce
humaine - si une action révolutionnaire d’envergure mondiale
contre le système ne se produit pas. [12]
Est-ce
une conception trop apocalyptique de l’avenir ? Mandel ne
craignait pas de recourir à des visions “ apocalyptiques ”
pour illustrer ses avertissements. Dans son essai de 1990 sur
l’avenir du socialisme, il évoque le déchaînement des
quatre cavaliers de l’apocalypse déjà à l’œuvre : la
menace de guerre nucléaire, le danger d’un désastre écologique,
l’appauvrissement du Tiers Monde, et les menaces qui pèsent
sur la démocratie dans les métropoles. Mandel s’indignait
particulièrement de la mort, pour cause de malnutrition et de
maladies guérissables, de seize millions d’enfants chaque année
dans les pays du Tiers Monde (d’après les sources de
l’UNICEF) : “ Tous les cinq ans, cette hécatombe
silencieuse fait autant de victimes que la seconde guerre
mondiale, y compris l’Holocauste et Hiroshima. L’équivalent
de plusieurs guerres mondiales contre les enfants depuis 1945 :
voila le prix qui de la survie du capitalisme international. ”
[13]
Malgré
“ l’optimisme anthropologique ” de Mandel (sur lequel nous
reviendrons plus loin), on ne trouve dans son discours ni
croyance facile et complaisante dans le “ progrès ” irréversible,
ni foi aveugle dans l’avenir. Si le marxisme doit allier,
comme Gramsci l’a jadis suggéré (citant une expression de
Romain Rolland), “ le pessimisme de la raison ” et “
l’optimisme de la volonté ”, il ne manque pas de pessimisme
rationnel dans les avertissements “ prophétiques ” de
Mandel. Par exemple, dans un de ces derniers livres publiés,
Power and Money (1992), il affirmait : “ Si l’irrationalité
continue de dominer ” dans le domaine des armes nucléaires et
de la menace d’un désastre environnemental, “ l’humanité
est condamnée à l’extinction ”. La survie de l’espèce
humaine dépend de sa capacité à arrêter “ le cours vers
l’autodestruction ”. [14] En d’autres termes, si les
choses continuent “ comme à l’accoutumé ”, si aucune
action révolutionnaire ne se produit, le cours “ naturel ”
de l’histoire, la tendance spontanée de la pseudo-rationalité
capitaliste conduira à la catastrophe. Ce pessimisme de
l’intellect est une des sources du sentiment d’urgence
morale et politique qui se dégage des écrits d’Ernest
Mandel, et de la supériorité de son diagnostic sur tant de prédictions
mièvres et fades de “ progrès social ”. Mandel ne croyait
pas au progrès linéaire et insistait sur la nécessité
d’expliquer et de rendre compte, en termes marxistes, de la
“ succession de périodes de barbarie et de civilisation tout
au long de l’histoire humaine ”. [15]
Seuls
la révolution prolétarienne et l’établissement d’un
nouveau mode de production, d’une nouveau mode de vie, d’une
nouvelle civilisation fondée sur la coopération et la
solidarité - c’est-à-dire du socialisme - peuvent prévenir
le désastre. Pour Mandel, le destin de l’humanité est
intimement lié à la victoire de la classe ouvrière
internationale. L’émancipation de l’humanité dans son
ensemble dépend de l’émancipation du prolétariat, mais les
deux termes ne sont pas identiques : “ L’émancipation prolétarienne
est une précondition absolue de l’émancipation humaine générale
(gesamtmenschliche), mais elle n’en est qu’une précondition
et non un substitut. ” [16] L’émancipation universelle
exige non seulement la libération de la classe ouvrière mais
l’abolition de toutes les formes de l’oppression et de
l’exploitation humaines : celles des femmes, des races et
nations dominées, des peuples colonisés. [17]
En
fait, pour Mandel, la lutte révolutionnaire prolétarienne - définie
en termes marxistes classiques [18] - est l’héritière légitime
et l’exécutrice testamentaire de milliers d’années
d’efforts émancipateurs de l’humanité travailleuse, de
Spartacus à Thomas Münzer et Babeuf. Il existe une continuité
historique dans la lutte contre l’injustice sociale, une
puissante tradition de luttes humaines contre les conditions
inhumaines qui nourrissent l’action émancipatrice prolétarienne.
[19]
La
cause révolutionnaire moderne se fonde sur les intérêts matériels
objectifs d’une classe sociale - celle des salariés, au sens
le plus large - mais elle s’inspire aussi, d’après Mandel,
sur les valeurs éthiques, sur l’impératif catégorique (au
sens kantien du terme, mais avec un contenu entièrement différent)
formulé par Marx lui-même : Lutter contre toute condition
sociale qui amène des êtres humains à être exploités,
rabaissés, opprimés, aliénés. [20]
Se
battre du côté des victimes de l’injustice, contre
l’inhumanité (Unmenschlichkeit), contre les conditions
sociales inhumaines qui transforment le monde en enfer est un
devoir élémentaire, fondé sur un principe axiomatique : la
seule valeur suprême pour les êtres humains ce sont les êtres
humains eux-mêmes. Loin de contredire cette obligation morale,
le matérialisme historique et la défense du prolétariat dans
la lutte de classe lui apportent des justifications supplémentaires.
[21]
Ce
devoir de lutter contre l’exploitation, l’injustice,
l’oppression et les circonstances inhumaines n’est motivé
par aucune assurance que ce combat finira par le triomphe du
socialisme. Même si la science démontrait qu’une telle lutte
n’a aucune chance de réussir dans le futur immédiat, l’impératif
catégorique resterait valable : “ N’est-on pas un être
humain meilleur, si l’on essaye d’arracher le fouet des
mains du maître qui bat son esclave, si l’on cherche à
organiser une révolte contre l’assassinat de masse (comme
dans le ghetto de Varsovie) ? La résistance contre les
conditions inhumaines est un droit et une obligation de l’être
humain - indépendamment de toute connaissance ou prédiction
scientifiques. ” [22]
Si
le socialisme révolutionnaire représente l’espoir
d’interrompre le cours catastrophique de l’humanité vers
l’autodestruction, et d’ouvrir une ère nouvelle, il n’est
pas, pour le marxisme - contrairement à ce que tant de
critiques superficiels prétendent - “ la fin de l’histoire
”, le “ paradis sur terre ”, le bonheur parfait et
l’harmonie stable : il n’est que la fin de “ préhistoire
” humaine, la fin des tragédies indignes des êtres humains,
et le commencement de la véritable histoire humaine, du vrai
drame humain. Les luttes de classe disparaîtront pour être
remplacées par de nouveaux conflits, dignes de l’espèce
humaine et non animaux et vils. [23]
Le
socialisme est aussi le premier pas vers le royaume de la liberté.
Le contrôle conscient de la production par les individus associés
- la planification démocratique - est le commencement de
l’accomplissement de la liberté par la communauté, en
supprimant les contraintes externes aliénantes créées par les
lois économiques de la production marchande, les soi-disant “
lois d’airain de l’économie ”. [24]
Dans
l’un des passages les plus évocateurs de son Traité d’économie
marxiste, Mandel rejette catégoriquement la variante
positiviste du marxisme, pour laquelle les lois de l’économie
sont “ objectives ” et “ nécessaires ”, et la liberté
ne consiste que dans la “ conscience de la nécessité ” :
prenant parti pour “ l’authentique tradition humaniste de
Marx et d’Engels ” - pour qui “ le royaume de la liberté
commence au-delà du royaume de la nécessité " - il
affirme que la liberté ne consiste pas en une contrainte “
acceptée librement ”, mais dans le développement libre et
autonome des êtres humains, dans un processus permanent de
changement et d’enrichissement. Dans le socialisme, il n’y a
plus de “ lois d’airain ”, et il n’y plus de place pour
“ l’économie politique ” au sens strict, puisque la
production est basée sur les choix libres et démocratiques des
individus associés, d’après les besoins sociaux de leurs
communautés. [25]
Pour
l’humaniste révolutionnaire Ernest Mandel, le socialisme
n’est pas un but “ productiviste ”. Il souligne dans ces
écrits économiques que, dans le socialisme, le développement
des forces productives cesse d’être un objectif en soi pour
ne devenir qu’un moyen vers des fins humaines : la croissance
de l’individualité socialement riche. Les biens sont de plus
en plus distribués par des moyens autres que la circulation monétaire,
selon les besoins. Au lieu de l’accumulation des choses, de la
production de plus en plus de marchandises, l’objectif est le
développement polyvalent des êtres humains, la réalisation de
toutes leurs potentialités humaines. Les critères de la
richesse deviendront le temps libre, le temps pour
l’expression créative et l’échange social, permettant à
chaque individu son propre développement comme personnalité
complète et harmonieuse. [26]
L’homo
faber moderne n’a le temps et la possibilité ni de créer
librement, ni de jouer, ni d’exercer ses capacités de manière
spontanée et non égoïste - alors que ces activités
constituent la caractère spécifique de la praxis humaine. L’être
humain socialiste redeviendra, comme dans un passé précapitaliste,
en même temps faber et ludens - en réalité, de plus en plus
ludens sans cesser d’être faber : “ Le désintéressement
matériel est couronné par la spontanéité créative qui réunit
dans une même jeunesse éternelle le jeu de l’enfant, l’élan
de l’artiste et l’eurêka du savant. ” [27]
En
d’autres termes, le socialisme n’est pas un “ Etat ”, un
“ système ”, mais un processus historique d’humanisation
progressive des rapports sociaux, conduisant à l’avènement
d’un nouvel ensemble de relations humaines entre les individus
- au lieu des rapports réifiés entre les choses - et
finalement au nouvel être humain : “ l’humanisme socialiste
qui place la solidarité humaine et l’amour du prochain en tête
de tous les mobiles d’action humaine ” est une contribution
notable à la naissance du nouvel être humain. ” [28]
Ne
s’agirait-il là que d’une autre utopie ? Malgré son
admiration pour Ernst Bloch, Mandel ne décrit pas
habituellement ses propres positions sur l’alternative
socialiste possible comme “ utopiques ” - un adjectif qui a
trop souvent servi à éliminer comme “ impossibles ”, “
irréalistes ”, “ impraticables ” ou “ infaisables ”,
les propositions de changement social radical. Mais dans Power
and Money, il se réfère à la célèbre réhabilitation du rêve
par Lénine, afin de remettre en cause la définition
conventionnelle et restrictive du terme “ d’utopie ” :
“
Lénine, aussi improbable que cela paraisse, a réellement attiré
l’attention sur “ le droit de rêver ”, à condition que
le rêve concerne ce qui n’existe pas encore mais pourrait se
réaliser dans un certain ensemble de circonstances....
L’utopie au sens le plus large du terme, a été l’un des
grands moteurs de l’accomplissement du progrès historique.
Dans le cas de l’esclavage, par exemple, son abolition ne se
serait pas produite au moment et dans les conditions où elle a
eu lieu si des abolitionnistes révolutionnaires et “
utopistes ” s’étaient eux-mêmes limités à lutter pour de
meilleures conditions pour les esclaves au sein de “
l’institution particulière ”. ” [29]
Aux
yeux de Mandel, le rêve révolutionnaire, l’horizon
imaginaire du futur, l’espoir d’un changement radical sont
des composantes essentielles de la vie humaine : à l’instar
d’Ernst Bloch - un de ses auteurs marxistes contemporains préférés
- il insiste que l’être humain est un homo sperans, mu par le
“Principe de l’Espoir ”. [30] Evidemment, chez Mandel,
cette dimension utopique n’est pas opposée à la dimension
scientifique : elles sont toutes deux des composantes nécessaires
du mouvement socialiste pour l’émancipation révolutionnaire.
La
science peut démontrer l’existence de la lutte de classe,
mais non de son issue : “ le socialisme ou la mort ”. Dans
l’engagement en faveur de la cause prolétarienne socialiste
il y a forcément un élément de foi, c’est-à-dire (pour
reprendre la définition de Lucien Goldmann) une croyance en des
valeurs transindividuelles dont la réalisation ne peut faire
l’objet d’une preuve factuelle ou scientifique. [31] Dans
l’un de ses premiers essais d’une certaine longueur,
l’article sur “ Trotsky, l’homme et son œuvre ” (1947),
le jeune Ernest Mandel écrivait déjà :
“
Au cœur de tout marxiste authentique est une croyance en
l’homme, sans laquelle toute activité révolutionnaire est
vide de sens. Tout au long des vingt dernières années de sa
vie, années de batailles de retraite, de lutte contre
l’infamie, la calomnie et la dégradation croissante de
l’humanité, il [Trostky] conserva cette foi inébranlable,
sans tomber dans le piège des illusions.... Mais sa foi en
l’homme n’a rien de mystique ou d’irrationnel. Elle
n’est que la plus haute forme de la conscience. ” [32]
Cette
foi en “ l’homme ” - en les êtres humains - est
intimement liée, dans le marxisme révolutionnaire, à la
croyance au potentiel émancipateur de la classe exploitée.
Dans un article portant le titre étonnant de “ La victoire de
Léon Trotsky ” - publié en 1952, au pire moment de la Guerre
froide - Mandel affirmait :
“
Le trotskisme c’est avant tout la croyance, la foi inébranlable
dans la capacité du prolétariat de tous les pays de prendre
son sort dans ses propres mains. Ce qui distingue le plus le
trotskisme de tous les autres courants du mouvement ouvrier
c’est cette conviction.... La conviction de Trotsky n’était
pas unede foi irrationnelle ou mystique ; elle était basée sur
la compréhension profonde de la structure de notre société
industrielle. ” [33]
Lucien
Goldmann a découvert une matrice commune au pari de Pascal sur
l’existence de Dieu et au pari socialiste sur
l’accomplissement de l’authentique communauté humaine :
tous deux impliquent la foi, le danger d’échec et l’espoir
de la réussite. [34] Dans une référence évidente à la thèse
de Goldmann (qu’il connaissait bien), Ernest Mandel affirma
dans son essai sur les raisons de la fondation de la Quatrième
Internationale (1988) que puisque la révolution socialiste était
la seule chance de survie de la race humaine, il était
raisonnable de parier sur elle en luttant pour sa victoire :
“
Jamais l’équivalent du “ pari pascalien ” en rapport avec
l’engagement révolutionnaire n’a été aussi valable
qu’aujourd’hui. En ne s’engageant pas, tout est perdu
d’avance. Comment pourrait-on ne pas faire ce choix même si
les chances de réussite ne sont que d’un pour cent ? En réalité,
les chances sont bien meilleures que cela. ” [35]
Au
cœur de la foi révolutionnaire d’Ernest Mandel réside une
sorte d’optimisme anthropologique, c’est-à-dire un
optimisme fondé sur la croyance “ qu’en dernière instance,
l’aspiration à l’émancipation (Emanzipationsstreben) possède
un fondement anthropologique. ” La rébellion est inhérente
à l’être humain, tant que l’humanité continuera
d’exister, les opprimés et les asservis se révolteront
contre leurs chaînes et l’espèce révolutionnaire ne disparaîtra
jamais. [36]
Cela
ne signifie pas que les marxistes aient une vision naïve et
unilatérale de la “ bonté ” intrinsèque de la nature
humaine : ils s’accordent avec la psychologie moderne (Freud)
pour reconnaître que les humains sont des êtres
contradictoires et ambivalents. Leur caractère mêle
l’individualisme et la socialisation, l’égoïsme et la
solidarité, l’esprit destructeur et la créativité, Thanatos
et Eros, l’irrationalité et la rationalité. Cependant, comme
l’anthropologie contemporaine l’a montré, les humains sont
des êtres sociaux ; cela signifie qu’il existe la possibilité
d’une société organisée de telle manière qu’elle
favorise le potentiel humain de créativité et de solidarité.
[37]
Il
existe également des raison historiques qui militent en faveur
de l’optimisme : l’étude des sociétés primitives montre
que l’avarice n’est pas une composante de la “ nature
humaine ” mais un produit des circonstances sociales. Loin
d’être une “ partie innée ” du caractère humain, la
tendance à l’accumulation primitive de richesse n’a pas
existé pendant des milliers d’années : la coopération et la
solidarité animaient l’activité des communautés primitives
tribales ou villageoises. Il n’existe pas de raison a priori
qui les empêche de redevenir des qualités humaines
universelles dans une communauté socialiste mondiale future. Ce
n’est pas par hasard que pendant des siècles le socialisme a
été le rêve d’un retour à “ l’âge d’or ” perdu.
[38]
Signalons
au passage que ce cet argument est un des rares moments “
romantiques ” dans l’humanisme révolutionnaire de Mandel,
c’est-à-dire une référence positive aux qualités sociales
et humaines de sociétés archaïques précapitalistes, détruites
par la civilisation capitaliste et rétablies dans une forme
nouvelle, dans le socialisme moderne. [39]
S’appuyant
sur cet “ optimisme anthropologique ” humaniste-révolutionnaire,
Mandel rejette catégoriquement toute forme de “ pessimisme
anthropologique ” : le dogme de la nature fondamentalement “
mauvaise ” de l’être humain est pure superstition. Il a été
couvert d’un vernis pseudo-scientifique par l’école de
Konrad Lorenz de la soi-disant agressivité universelle des êtres
humains - mystification réactionnaire mise à mal par la théorie
psychanalytique bien plus profonde de Freud, qui montre
qu’Eros autant que Thanatos sont des composantes essentielles
de la psyché humaine. [40] Résumant la question dans Power and
Money, Mandel affirme dans la conclusion du livre :
“
Les socialistes croient que l’Apocalypse peut encore être évitée
si nous accroissons le degré de rationalité de notre conduite
collective, si nous nous efforçons de prendre en main le futur.
Voilà la liberté et l’autodétermination pour lesquelles
nous nous battons. Croire que l’humanité en soit incapable
n’est pas faire “ acte de réalisme ”. C’est assumer que
les hommes et les femmes sont congénitalement inaptes à
l’autopréservation. Mais c’est là de la superstition pure,
une nouvelle version du mythe du Péché originel. ” [41]
Cet
optimisme de la volonté fondé sur l’anthropologie est un élément
décisif du caractère d’Ernest Mandel comme penseur marxiste
et lutteur : il illumine toute sa vie, ses actions et écrits
politiques. Sans lui, il est presque impossible de comprendre
des épisodes aussi incroyables de sa vie que ses deux évasions
de camps de prisonniers allemands pendant la Deuxième Guerre
mondiale. [42] Ce fut certainement une composante importante de
sa force personnelle et de sa cohérence, de son charme
persuasif en tant qu’orateur public, de l’enthousiasme et de
l’espoir qu’il pouvait si souvent éveiller chez ses
auditeurs et ses lecteurs.
Mais,
quand cette tournure d’esprit cessait d’être un “
optimisme de la volonté ” (au sens gramscien, c’est-à-dire
combiné à un “ pessimisme de l’intellect ”) pour devenir
une sorte “ d’optimisme de la raison ” non fondé, ou tout
simplement un excès d’optimisme, elle devenait une source de
grande faiblesse. Elle inspira certaines de ses prédictions
oraculaires notoirement optimistes, si souvent répétées et si
souvent falsifiées, sur “ la montée impétueuse des masses
” et “ l’imminence de la poussée révolutionnaire ” en
URSS, en Espagne, en Allemagne, en France, en Europe et dans le
monde entier. Ce phénomène qui s’est souvent répété, a
commencé très tôt, comme le montre l’exemple suivant : dans
un article de 1946, “ E. Germain ” (Mandel) insistait que
les soulèvements des années 1944-1945 n’étaient que “ la
première étape de la révolution européenne ”, qui sera
suivie rapidement par une deuxième. Il n’y aura pas de “
stabilisation relative ” écrivait-il : la situation actuelle
n’est que “ le calme avant la tempête ”, “ une étape
transitoire vers la montée révolutionnaire générale ”.
Coupant la voie à toute réponse, “ Germain ” concluait :
“ ce n’est pas l’optimisme, c’est le réalisme révolutionnaire
” qui lui inspire cette analyse. [43] Point n’est besoin de
commentaire.
Les
prédictions excessivement optimistes de Mandel furent de courte
durée. Mais son message humaniste révolutionnaire reste aussi
pertinent que jamais :
“
Les marxistes ne combattent pas l’exploitation,
l’oppression, la violence massive contre les êtres humains et
l’injustice à grande échelle uniquement parce cette lutte
promeut le développement des forces productives ou d’un progrès
historique étroitement défini.... Encore moins combattent-ils
ces phénomènes uniquement dans la mesure où il est
scientifiquement démontré que la lutte prendra fin avec la
victoire du socialisme. Ils combattent l’exploitation,
l’oppression, l’injustice et l’aliénation en tant que
conditions inhumaines, indignes. C’est un fondement et une
raison suffisantes. ” [44]
L’engagement
politique et moral sans faille d’Ernest Mandel en faveur de
l’émancipation de l’humanité, son rêve puissant de la
solidarité humaine universelle resteront avec nous pendant de
longues années, et inspireront la lutte des générations
futures.
Notes
1.
Si nous adoptons un ordre thématique plutôt que chronologique,
c’est parce qu’il y a une continuité impressionnante dans
sa réflexion marxiste/humaniste. Néanmoins, sur plusieurs
questions importantes — la démocratie socialiste, l’auto-émancipation
et l’auto-organisation, les nouveaux mouvements sociaux, la
dialectique marxiste — il y eut un enrichissement significatif
de ses positions entre les années 1940 et les années 1970 et
1980.
2.
Sur les 210 pages du livre, par ailleurs très intéressant, de
Mandel sur La Signification de la Deuxième Guerre mondiale (The
Meaning of the Second World War, Londres : Verso, 1986), il
n’y a que quatre pages sur le Holocauste et une sur Hiroshima.
Il faut ajouter que le premier défaut est corrigé par son
essai, bref mais remarquable, “ Les préconditions matérielles,
sociales et idéologiques du génocide nazi ” (1990) publié
pour la première fois en anglais dans ce volume.
3.
La culture marxiste d’Ernest Mandel était impressionnante,
mais il ne s’était apparemment pas familiarisé avec les écrits
de Benjamin, Adorno, Horkheimer ou Marcuse.
4.
“ The Future of Communism ”, International Viewpoint 179, 26
février 1990, p. 15.
5.
Traité d’Economie Marxiste, Paris, 10/18, 1977, vol. 4,
pp.187-196 ; Socialisme ou Barbarie au seuil du XXIème siècle.
Manifeste de la Quatrième Internationale, Supplément à
Inprecor n° 371, juillet 1993, p. 7 (ce document a été écrit
par Ernest Mandel)
6.
La Formation de la pensée économique de Karl Marx, de 1843
jusqu’à la rédaction du "Capital", Paris, Maspero,
1967, ch.10.
7.
Traité d’Economie Marxiste, vol. 1, p. 222 ; Socialisme ou
Barbarie, p. 9.
8.
La Place du Marxisme dans l’ Histoire, Cahiers deétude et de
recherhces, , IIRE , Amsterdam 1986, p. 27.
9.
" Situation et Avenir du Socialisme", Le socialisme du
futur, vol. 1, n° 1, 1990, p.88. Cet article est un des plus
puissants essais politiques de Mandel.
10.
Zur Geschichte der KPdSU, ISP Verlag, Frankfurt 1976, p. 170 ;
"Situation et avenir du socialisme", p.81. On peut
cependant affirmer que Mandel n’a pas donné suffisamment
d’attention à l’importance et à la signification , en tant
que "crimes contre l’humanité" , du système
concentrationnaire soviétique (le Goulag) et du génocide
cambodgien. Il les mentionne comme exemples des crimes
staliniens (entre autres), mais il n’établit pas de hiérarchie
claire qui soulignerait leur importance et leur sens
historico-mondial. Ce défaut est probablement lié à sa
conviction que l’URSS et les autres dits “ Etats ouvriers”
étaient, malgré tout, des formations sociales plus “ avancées
”, à l’échelle du progrès humain, que les sociétés
capitalistes.
11.
Je me réfère ici à la distinction très utile établie par
Daniel Bensaïd entre “ l’oracle ” et le “ prophète ”
dans son livre récent Marx l’intempestif, Fayard, Paris 1995,
pp. 71-72.
12.
Cette nouvelle formulation est apparue pour la première fois en
1985 dans un article sur “ L’actualité du socialisme ”
que Mandel avait écrit pour le recueil d’essais de la Conférence
de Cavtat en Yougoslavie, Socialism on the Threshold of the
Twenty-First Century (Le Socialisme au seuil du vingt-et-unième
siècle), Milos Nicolic, ed., Verso, Londres, 1985 : “ ... les
tendances actuelles peuvent conduire à la destruction de la vie
humaine sur terre... l’alternative n’est plus “ socialisme
ou barbarie ”. Elle est “ le socialisme ou la mort ” ”
(p. 147).
13.
"Situation et avenir du socialisme", p.89 et
Socialisme ou Barbarie p.4 . Par ailleurs : "Les ressources
pour nourrir, soigner, loger et éduquer ces enfants existent
pourtant bel et bien à l’échelle mondiale. A condition de ne
pas les dilapider dans les dépenses d’armement.. A condition
de les redistribuer au bénéfice des plus défavorisés. A
condition de ne plus confier leur repartition à l’esprit de
gain des trusts chimiques, pharmaceutiques agro-alimentaires, à
la soif d’enrichissement des fabricants d’armes".
(Ibid., p. 4)
14.
Power and Money : A Marxist Theory of Bureaucracy (Le pouvoir et
l’argent : une théorie marxiste de la bureaucratie), Verso,
Londres 1992, pp. 243-246.
15. “
Solzhenitsyn, Stalinism and the October revolution ”, New Left
Review 86, juillet-août 1974, p. 56.
16.
Karl Marx : Die Aktualität seines Werkes, ISP Verlag, Frankfurt
1984, p. 77. Cette citation comme la plupart de celles qui
suivent de cette série, est tirée de l’essai “
Emanzipation, Wissenschaft und Politik bei Karl Marx, ” publié
la première fois en 1983.
17.
Ibid., p. 105.
18.
Mandel déduit parfois le potentiel révolutionnaire de la
classe ouvrière, par un biais “ économiste ”, de sa “
capacité de paralyser l’économie capitaliste dans son
ensemble ” (voir, par exemple, "Situation et Avenir du
Socialisme", p.94).
19.
Karl Marx : Die Aktualität ..., p. 78 et La Place du Marxisme,
p.19. C’est ce que Walter Benjamin appelait “ la tradition
des opprimés ”, à l’encontre de l’histoire écrite par
les vainqueurs.
20
Cette référence apparaît souvent dans les écrits de Mandel,
avec de légères variations. La formulation exacte de Marx est
: “ alle Verhältnisse umzuwerfen, in denen der Mensch ein
ernierdrigtes, ein geknechtes, ein verlassenes, ein verächtliches
Wesen ist ” (Zur Kritik der Hegelschen Rechtsphilosophie,
Einleitung, in Marx-Engels Werke, vol. 1, p. 385) - “
renverser toutes les conditions soiclaes dans lesquelles
l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable
” (Karl Marx , "Critique de la philosophie du droit de
Hegel", Oeuvres Philosophiques, Paris, Costes, 1952, p.97).
Voir Mandel, Karl Marx : Die Aktualität, p. 75.
21.
Ibid., p. 76.
22.
“ Die zukünftige Funktion des Marxismus ”, in H.
Spatzenegger, ed., Das verspielte “ Kapital ” ? Die
marxistische Ideologie nach dem Scheitern des Realen
Sozialismus, Verlag Anton Pustet, Salzburg 1991, p. 173.
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:barre_raccourci(’’,’’,document.formulaire.texte) 23.
Traité d’Economie Marxiste, vol. 4 pp. 185-186. ;
"Situation et Avenir du Socialisme", p. 80.
24.
L’opposition entre l’aliénation économique et la liberté
socialiste (la planification démocratique) est traitée
longuement dans le discours de 1967 de Mandel à Korçula (la
ville yougoslave où de célèbres réunions socialistes
internationales eurent lieu pendant les années 1960). Voir Aliénation
et planification, La Brèche, Document 1, Lausanne 1969, pp.
5-6.
25.
Traité d’Economie Marxiste, vol. 4, pp. 185-186, 256.
L’argument sur le dépassement de l’économie politique dans
le socialisme apparaît pour la première fois chez Rosa
Luxembourg dans L’Introduction à l’économie politique,
comme Mandel le souligne dans sa préface à l’édition française
du livre (Anthropos, Paris, 1970).
26.
Traité d’Economie Marxiste, vol. 4, p. 187 ; Karl Marx : Die
Aktualität..., pp. 172-173.
27.
Traité d’Economie Marxiste, , vol. 4, p. 195. Mandel n’hésite
pas à célébrer le célèbre historien romantique hollandais
(non-marxiste) Huizinga qui, dans son livre Homo Ludens, prétend
que l’être humain ludique est le véritable créateur de la
culture. Cf.
Ibid. p.194
28.
Ibid. vol. 4, p. 192 et Aliénation et planification, p.
19.
29.
Power
and Money, p. 233.
30.
Voir son hommage à Ernst Bloch, “ Antizipation und Hoffnung
as Kategorien des historichen Materialismus ”, in Karola
Bloch, Adelbert Reif, eds., Denken heisst überschreiten : In
memoriam Ernst Bloch 1885-1977, Eurpäische Verlaganstalt, Köln
1978, p. 224. On
trouve de fréquentes références à Bloch dans les écrits de
Mandel.
31.
Lucien Goldmann, Le Dieu caché, Gallimard, Paris 1955, pp.
99-100.
32 “
Trotsky, the Man and his Work ”, Fourth International, vol. 8,
n° 7, juillet-août 1947, p. 205.
33.
“ E. Germain ” (Ernest Mandel), “ 20 août 1940-20 août
1952 : la victoire de Léon Trotsky ”, Quatrième
Internationale, vol. 10, n° 5-10, octobre 1952, pp. 18-19
(souligné par nous, ML).
34.
Goldmann, pp. 334-336.
35.
“ Les raisons de la fondation de la Quatrième Internationale
et pourquoi elles restent valables aujourd’hui ”,
International Marxist Review, vol. 3, n° 2, automne 1988, p.
154.
36.
Karl Marx : Die Aktualität..., pp. 80, 12.
37.
“ Die zukünftige Funktion... ”, p. 174.
38
“ The Actuality of Socialism ” p. 153 et La Place du
Marxisme, p. 5.
39.
Un autre moment romantique - Mandel, héritier fidèle de
l’esprit classique des Lumières n’aurait pas accepté cette
étiquette - de ses écrits réside dans la référence,
mentionnée ci-dessus à l’unité entre homo faber et homo
ludens dans les sociétés précapitalistes. Sur la relation
entre romantisme et marxisme, voir Michael Löwy et Robert
Sayre, Révolte et mélancolie : le romantisme à contre-courant
de l’histoire, Payot, Paris 1992.
40. Mandel,
“ The Case for Revolution Today ”, Socialist Register 1989,
p.204.
41. Power
and Money, p. 246.
42.
Voir son entretien avec Tariq Ali, “ The Luck of a Crazy Youth
” dans New Left Review 213, septembre-octobre 1995.
43.
“ Problèmes de la révolution européenne ” (mai 1946), in
Mandel, La longue marche de la révolution, Galilée, Paris
1976, pp. 59-67. Est-il besoin d’ajouter que Mandel ne fut pas
le seul marxiste révolutionnaire à commettre ce genre
d’erreurs. Qui ne l’a pas fait (y compris l’auteur de
cette note) ?
44.
“ Die zukünftige Funktion... ”, p. 173.
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