The
Long Waves of Capitalist Development
constituent le dernier grand ouvrage théorique d'Ernest Mandel. La
seconde édition de 1995 comporte deux nouveaux chapitres par rapport à
la première édition anglaise de 1980. Elle a été achevée et publiée
peu de temps avant le décès de l'auteur, en juillet 1995. Ce texte
représente l'aboutissement de trente ans de recherche autour d'un thème
que Mandel a grandement contribué à refonder et à structurer :
son apport, assorti du ton polémique que ses proches appréciaient, présente
une ample synthèse de l'évolution du capitalisme comme modèle de
civilisation, et replace dans une perspective historique ses principales
tendances économiques et sociales, ainsi que leur relations avec les
facteurs politiques.
Le premier
article de Mandel sur le sujet date de 1964 et a été publié dans Les
Temps Modernes de Jean-Paul Sartre, quelque temps après la
publication en 1962 de la somme que constituait le Traité
d'économie marxiste. Mais le temps long de l'histoire du
capitalisme n'y était pas abordé : dans le Traité,
les cycles économiques sont expliqués selon la conception de
Marx où le cycle est engendré par l'investissement, et aucune
autre périodisation n'est envisagée. La nouveauté de
l'article de 1964 consiste à élargir la perspective par la
prise en considération de trois contributions décisives qui
ont jeté les bases de la problématique des ondes longues :
celles de Kondratieff (en particulier ses articles de 1922, 1924
et 1926 et le débat à l'Institut de Conjoncture de Moscou
publié en 1928)
de Trotsky (notamment son rapport de 1921 au Congrès du
Komintern et sa polémique de 1923 avec Kondratieff), et de
Schumpeter (notamment son livre de 1939, Business
Cycles, ainsi que divers articles publiés depuis la fin des
années vingt).
Dans son
article de 1964, Mandel esquissait une nouvelle théorie fondée
sur ces contributions, et prédisait la fin prochaine de
l'expansion d'après-guerre, que l'on n'appelait pas encore les
"Trente Glorieuses". Ces deux aspects ont occupé une
part importante dans ses recherches ultérieures. Quelques années
plus tard, Mandel écrivit Der
Spätkapitalismus,
qui représente une étape essentielle du retour du débat sur
les cycles Kondratieff dans la théorie marxiste. Cet ouvrage,
sans conteste le magnum
opus de Mandel, présente une analyse globale du capitalisme
et de ses transformations structurelles au cours de la quatrième
onde longue qui suit la Seconde Guerre Mondiale. La matière de
ce livre a été condensée et développée à l'occasion des
"Conférences Alfred Marshall" prononcées par Mandel
en 1978, à l'invitation de l'Université de Cambridge, qui
correspondent aux quatre premiers chapitres de la précédente
édition.
En 1989,
Mandel organisa à Bruxelles, en collaboration avec Alfred
Kleinknecht et Immanuel Wallerstein, une conférence qui représente
à ce jour l'initiative la plus systématique de synthèse et de
relance de la recherche sur les ondes longues. Sa contribution
à cette conférence, intitulée "Le débat international
sur les ondes longues du développement capitaliste : un
bilan intermédiaire", est reprise et développée dans les
deux chapitres rédigés pour le seconde édition anglaise
(1995). La théorie historique, le débat méthodologique, et la
critique de l'économie orthodoxe sont développés dans cet
ouvrage qui constitue une contribution majeure et une
alternative féconde aux interprétations traditionnelles du
changement économique et social.
Les
origines du programme de recherche
Le programme
de recherche sur les ondes longues a été défini simultanément
par plusieurs militants politiques, analystes et chercheurs
universitaires qui s'efforçaient d'interpréter les différentes
périodes d'accélération et de ralentissement de la croissance
au XIXème siècle. Parvus (1901) et van Gelderen (1913) étaient
des membres actifs du mouvement social-démocrate, alors que
Bresciani Turroni (1913,1916), Pareto (1913) et Tonelli (1921)
étaient des universitaires. En dépit de cette diversité, ces
auteurs s'accordaient tous sur deux points essentiels : la
définition de la chronologie des longues périodes d'expansion
et de contraction, et la prise en compte d'un ensemble combiné
de facteurs sociaux, politiques, et économiques. Pour Pareto,
les cycles longs étaient caractérisés par des conflits à
l'intérieur de l'élite au pouvoir, et notamment par une
succession de périodes de domination des spéculateurs et des
rentiers ; pour Turroni et Tonelli, de même que Parvus et
van Gelderen, les luttes sociales et l'évolution du taux de
profit ne pouvaient être dissociées.
Ces éléments
caractéristiques définissaient une problématique à la marge
de l'économie néoclassique qui venait d'émerger — et où
Pareto a joué un rôle de premier plan — dans la mesure
où elle s'intéressait aux mutations économiques et aux
changements de régime, et non pas à un cheminement métaphysique
vers l'équilibre. En d'autres termes, ce programme de recherche
sur les ondes longues était par essence historique et
s'accordait aux exigences épistémologiques d'une approche réaliste
de l'économie. Tout au contraire, l'économie dominante s'était
construite sur les propriétés newtoniennes d'un univers
atomistique où les mouvements de prix étaient les vecteurs de
l'information et les instruments d'une tendance naturelle à l'équilibre.
De plus, les idées de convergence et d'harmonie associées à
la société de laisser-faire, conformément à la description
qu'en avait donnée Mandeville dans sa Fable
des abeilles, étaient remises en causes par la prise en
compte des perturbations politiques et des luttes sociales.
Van
Gelderen, auteur de l'introduction la plus précise et la plus
complète à cette recherche,
insistait particulièrement sur cette articulation de différents
facteurs, qui, aux yeux de l'économie dominante, suffit à démontrer
l'éclectisme et l'inanité de ce programme. Kondratieff, qui
commença à travailler sur ce sujet en 1922, et ne connaissait
pas la contribution de van Gelderen, parvint à la même
conclusion et présenta une formulation renouvelée pour une
approche intégrée de ces différentes périodes. Sa conception
des "cycles longs" a cependant donné lieu à un vif débat,
où ses deux principaux contradicteurs furent Trotsky et
Oparine.
Le discours
à la conférence du Komintern de 1921 où Trotsky reconnaît
l'existence de différentes phases et conjonctures dans le développement
capitaliste, marque l'ouverture du débat russe. Trotsky
connaissait Parvus et avait travaillé avec lui, de telle sorte
qu'il ne pouvait ignorer sa conception d'un Sturm
und Drang faisant se succéder périodes d'expansion et de récession
du capital : son intervention reposait implicitement sur
cette conception, et s'opposait à la position gauchiste de Bela
Kun et de la direction du KPD allemand, qui défendaient la thèse
d'une révolution imminente et en déduisaient qu'il fallait
passer à l'offensive, en raison de l'effondrement du
capitalisme.
Lorsque le
premier essai de Kondratieff sur les "cycles longs de la
conjoncture" parut en 1922, son auteur était probablement
convaincu que sa description et ses hypothèses faisaient
l'objet d'un large accord, et il ne put cacher sa surprise
devant la vive critique adressée par Trotsky à son texte. Dans
un article publié à l'été 1923, Trotsky utilisait des données
publiées par le Times
de Londres pour démontrer que la "courbe du développement
capitaliste" faisait apparaître des tournants brusques
sous l'impact d'événements exogènes, comme les révolutions,
les guerres ou d'autres bouleversements politiques ; cela
revenait à critiquer Kondratieff
pour sa tentative d'endogénéiser tous les facteurs
politiques, autrement dit d'ignorer l'autonomie des processus
sociaux par rapport à la sphère économique. En fait, Trotsky
était à l'époque engagé dans une autre bataille politique,
cette fois contre Boukharine et son idée d'une perpétuation ou
d'une stabilisation du système capitaliste. C'est pourquoi
Trotsky rejetait la notion d'une capacité d'auto-ajustement de
l'économie à la hausse ou à la baisse et par suite l'abandon,
comme chez Kondratieff, de toute dimension stratégique.
Cependant les positions successives de Trotsky en 1921 et 1923
sont cohérentes : pour lui, ce sont les grands événements
politiques (exogènes) qui déterminent les retournements dans
l'onde longue, aussi bien à la baisse qu'à la hausse ;
pendant la phase de maturation des conditions sociales de chaque
période, les facteurs politiques sont par hypothèse contenus
par la dynamique économique d'ensemble, jusqu'à ce que le jeu
des contradictions internes conduisent à une nouvelle rupture
dans cet "équilibre en mouvement".
Kondratieff,
apparemment surpris par cette critique, citait, pour se défendre,
le discours de Trotsky en 1921. Il n'insista cependant pas sur
ce débat, et continua à développer ses propres positions en
évitant toute implication politique directe : au cours du
débat de 1926 à l'Institut de Conjoncture, cette dimension
n'apparaît qu'accessoirement. A l'opposé de Trotsky,
Kondratieff soutenait que la dynamique d'ensemble du capitalisme
était déterminée de manière endogène par les contradictions
économiques, ce qui incluait évidemment la détermination des
facteurs politiques.
La seconde
grande critique fut développée par Oparine, un chercheur de
l'Institut de Conjoncture de Moscou, qui présenta un
contre-rapport à la conférence de 1926. Le point central de ce
débat portait sur la méthode statistique employée pour repérer
les ondes longues : fondamentalement, Kondratieff avait
utilisé différents types de fonctions pour dégager l'évolution
tendancielle, et considérait que les déviations par rapport à
ce trend représentaient les cycles qu'il s'agissait d'étudier en
tant que fluctuations de long terme. Oparine critiquait à juste
titre l'arbitraire présidant au choix de ces fonctions, mais
son propre point de vue avait été facilement récusé par
Kondratieff, car il reposait sur l'hypothèse de l'existence de
points d'équilibres périodiques, et d'un taux
"naturel" de croissance des réserves d'or, adoptant
ainsi la théorie monétariste primitive de Cassel.
Un peu plus
tard, Kondratieff fut démis de ses fonctions, puis incarcéré
près de Moscou et finalement exécuté sur ordre de Staline.
Certains de ses écrits de prison, qui portent sur des questions
méthodologiques générales, ne furent publiés en Russie qu'en
1992 et attendent toujours d'être traduites. Il y eut ensuite
une longue interruption de la recherche, à de rares exceptions
près (par exemple Imbert, ou Dupriez) jusqu'à son renouveau
dans les années soixante, sous l'influence d'Ernest Mandel.
L'apport
de Mandel
Lorsqu'il
reformula ce débat, Mandel avança une nouvelle hypothèse qui
se trouve au coeur même de sa recherche : les
contradictions internes du mode de production capitaliste
suffisent à rendre compte des retournements à la baisse, mais
il faut faire appel à des chocs systémiques, autrement dit à
des facteurs exogènes se propageant au sein de l'économie,
pour amorcer une nouvelle phase d'expansion. Plutôt que d'une
synthèse entre Trotsky et Kondratieff, il y a là une théorie
originale, qui diffère des précédentes, dans la mesure où
elle intègre l'autonomie des processus politiques et sociaux
sans pour autant abandonner la nécessaire formulation de lois
(ou de tendances) économiques exprimant la dialectique du
capitalisme.
Parmi les
auteurs travaillant sur les ondes longues, Mandel apparaît du
coup comme l'un des rares à intégrer la nécessité d'une
explication historiquement intégrée, et même d'en faire la
condition même de viabilité de ce programme de recherche. Dans
leur grande majorité, les chercheurs ont fondé leurs études
sur l'utilisation de techniques de lissage, conçues pour décomposer
les séries statistiques en trend et fluctuations cycliques ; c'est le cas de Kondratieff,
Oparine, Kuznets, Imbert, Dupriez, Duijn, Kleinknecht,
Menchikov, Ewijk, Zwan, Hartman, Metz, Reijnders, etc. D'autres
auteurs abandonnent au contraire le champ de l'analyse des données
pour privilégier des modèles de simulation susceptibles selon
eux de remplacer une démonstration par induction, par exemple
Forrester, Sterman, Mosekilde, etc. Les principales
exceptions ont été Gordon (et l'école des Structures
Sociales d'Accumulation), certains des régulationnistes français,
Shaikh, Wallerstein, Freeman, Perez, Tylecote, Dockès et
Rosier, ainsi que Kleinknecht et certains historiens des phases
du développement capitaliste, comme Maddison. Au sein de ce
groupe, Mandel a été
le premier à définir l'approche historique moderne des ondes
longues.
Il y a deux
raisons essentielles qui justifient la priorité accordée par
Mandel à une approche historique. La première découle de
l'objectif même de l'analyse : on ne peut supposer que les
longues périodes de développement obéissent en permanence aux
mêmes relations structurelles,
dans la mesure où les transformations permanentes de l'univers
social — sa morphogenèse — sont une caractéristique
essentielle des économies et recouvrent des événements et des
facteurs aussi variés que l'innovation technologique, les
rapports de travail, les institutions politiques, l'étendue des
marchés, les traits culturels et les stratégies des groupes
sociaux. Dans ces conditions, les approches statistiques fondées
sur le postulat de l'équilibre sont condamnées à l'échec. La
décomposition trend/cycle qui est le principe de base des méthodes économétriques
traditionnelles postule en effet une totale indépendance entre
les deux catégories de phénomènes, ainsi qu'une invariance
structurelle. Or, ces deux hypothèses ne peuvent évidemment être
retenues dans l'analyse des séries historiques concrètes. Il
est donc permis de suspecter que l'incapacité des statistiques
traditionnelles à mettre en
évidence les ondes longues n'est pas le reflet de la réalité
mais le résultat des méthodes employées pour analyser les
données.
La seconde
raison qui milite en faveur de la méthode historique est que
les rapports économiques ne peuvent suffire à rendre compte
pleinement des transformations à long terme. Comme Polanyi l'a
souligné en 1944 dans La
grande transformation, la vision d'une sphère économique
autonome au fonctionnement mécanique, qui s'imposerait à
l'ensemble de la société est une excroissance idéologique du
libéralisme ; le puissant paradigme de l'Equilibre Général
est une vue de l'esprit et n'a pas la moindre valeur
heuristique. En réalité, les rapports économiques font partie
d'un ensemble de processus sociaux complexes.
L'ensemble
du débat sur le caractère endogène ou exogène des déterminations
— qui est brièvement résumée dans le livre de Mandel —
découle d'une telle représentation, qui a influencé les choix
méthodologiques de nombreux chercheurs. Pour Kondratieff et la
plupart des analystes des ondes longues, le modèle de causalité
idéal est celui qui identifie avec précision les variables
exogènes et endogènes, et attribue la détermination causale
à ces dernières. Cette exigence a été introduite par Kuznets
et Lange, dans leurs comptes-rendus (en date, respectivement, de
1940 et 1941) du livre de Schumpeter, Business
Cycles ; elle a été reprise ultérieurement par
d'autres critiques de ce programme de recherche. Elle est
aujourd'hui largement acceptée chez les spécialistes des ondes
longues.
Pourtant, un
tel accord recèle une contradiction interne. En effet, chaque
fois que l'on avance une explication complètement endogène,
cela revient à affirmer à tort que les principaux événements
sociaux, comme les guerres et les révolutions sont déterminées
par des facteurs strictement économiques, de même que l'évolution
des forces politiques et de l'environnement institutionnel. Mais
dans ce cas, l'exercice consistant à éliminer l'impact que ces
événements laissent sur les séries perd toute signification,
puisqu'ils sont supposés faire partie de mécanismes endogènes.
Or, c'est bien ce que sont obligés de faire les chercheurs
soucieux de séparer le trend et le cycle afin de repérer les
ondes longues, particulièrement dans le cas des deux guerres
mondiales.
Mais, dans ces conditions, la conclusion est contradictoire et
perd toute validité : il n'est pas possible de se réclamer
des faits concrets si la démonstration repose sur un artefact
statistique qui consiste à éliminer une partie de l'histoire
des séries historiques.
La décomposition
statistique des séries s'inspire par ailleurs de la conception
du cycle des affaires de Ragnar Frisch, exposée dans un article
fondateur de 1933. Il y présentait un modèle décrivant
comment une impulsion initiale (sous forme de chocs aléatoires)
se propage dans le système tout en s'amortissant
progressivement. Les chercheurs adoptant cette méthode sont
forcés, pour éliminer des séries statistiques les
observations atypiques qui correspondent aux guerres,
d'assimiler ces dernières à des forces externes aléatoires.
Mais cela revient évidement à une position exactement opposée
à celle qui considère ces événements comme de simples
produits de comportements économiques. De plus, si l'on accepte
l'épistémologie positiviste qui sous-tend implicitement l'économétrie
traditionnelle, la causalité est définie en référence au
facteur exogène le plus immédiat, si bien que les guerres ou
les conflits sociaux devraient être pris en compte, et non
laissés de côté en tant que variables explicatives.
Mais le prix à payer serait le rejet de la cyclicité pure,
puisque chaque guerre est un événement unique. Certains
chercheurs préfèrent assumer cette contradiction, et affirment
que l'endogénéité intégrale est la bonne définition de la
causalité, quitte à rejeter les variations erratiques au
Purgatoire de l'exogénéité intégrale.
Le travail
de Mandel ouvre une voie permettant de sortir de cette
contradiction, et c'est l'approche historique des phases du développement
capitaliste, qui renonce à établir des certitudes à partir de
tentatives inabouties visant à démontrer statistiquement ce
que la statistique traditionnelle est incapable de connaître.
Dans la mesure où l'objet d'étude est ici l'histoire, cette
position semble être la sagesse même.
"Déterminisme
paramétrique" et variables semi-autonomes.
L'analyse
historique peut et doit être menée en s'appuyant sur une méthodologie
statistique et formelle rigoureuse. Depuis Le
troisième âge du capitalisme, Mandel
a proposé une articulation spécifique reposant sur le
concept de "variables partiellement indépendantes (ou
autonomes)", qui représentent "l'ensemble des
proportions fondamentales du mode de production
capitaliste", à savoir la composition organique du capital
(y compris le volume et la répartition du capital), la
structure du capital (proportion de capital fixe et circulant, répartition
par branches), le taux de plus-value, le taux d'accumulation (et
la part du surplus allant à la consommation improductive), l'évolution
des durées de rotation du capital, et la structure des échanges
entre section I (moyens de production) et section II
(moyens de consommation). Cet ensemble de variables explique l'évolution
du taux de profit, qui est le déterminant essentiel
des cycles Juglar et des ondes Kondratieff.
Cette
conception implique un réexamen complet des débats sur la
question entre marxistes, dans la mesure où Rosa Luxemburg,
Hilferding, Grossmann et Boukharine fondaient leur analyse des
cycles sur les schémas de reproduction du Capital.
Mandel a critiqué de telles tentatives, qui sont biaisées à
cause de la simplification de ces schémas et de leur référence
à l'équilibre. Son raisonnement est le suivant : si l'économiste
étudie la tendance inhérente aux ruptures de l'équilibre, les
interdépendances décisives entre facteurs, de même que leur
relative autonomie, ne peuvent être décrites que dans un cadre
concret. En d'autres termes, l'histoire doit être réconciliée
avec la théorie : la théorie sans histoire est muette, et
l'histoire sans théorie est aveugle.
Dans un de
ses derniers articles, publié en 1968, Kalecki abordait un
problème similaire, et mettait en avant le concept de
"variables semi-autonomes" pour désigner des facteurs
qui sont exogènes du point de vue des modèles mathématiques
habituels mais qui font malgré tout partie du champ dont la théorie
doit rendre compte. Dans le modèle de Kalecki, ces variables
expliquent la croissance et les transformations possibles de l'économie,
autrement dit elles représentent l'histoire. Dans la mesure où
elle renonce au projet trop ambitieux visant à une causalité
pleinement endogénéisée, la position de Kalecki implique
qu'il n'existe pas de modèle simple, susceptible de représenter
fidèlement la réalité à partir d'un petit nombre de
variables. L'étude des rapports sociaux dans toute leur
complexité nécessite donc des modèles souples, partiels et
limités, mais en même temps une théorie générale des
processus économiques qui permette d'interpréter ces modèles
et leurs résultats. Mais Kalecki n'a pas développé cette
intuition, même s'il est clair que beaucoup des variables décisives
de certains des plus importantes modélisations économiques relèvent
de cette catégorie.
C'est
pourquoi le concept de "variables partiellement indépendantes"
avancé par Mandel est si important. Il permet de satisfaire, au
sein d'une problématique marxiste, la condition centrale de la
prise en compte de l'histoire. Au lieu d'une mécanique
simpliste mise en oeuvre à l'aide de modèles formels à trois
ou quatre dimensions, c'est la totalité organique de l'histoire
que l'on cherche à embrasser : les processus plutôt que
l'équilibre, le changement plutôt que la continuité, la
dialectique plutôt qu'une causalité invariante, les déterminations
concrètes totales plutôt qu'un déterminisme abstrait et
totalitaire, tels sont les principaux choix opérés.
Dans une
notice biographique rédigée pour un dictionnaire, Mandel
soulignait que l'une des ses principales contributions était le
concept de "déterminisme dialectique (paramétrique)"
par opposition au "déterminisme mécaniste" qui
caractérise l'équilibre général et les méthodes économétriques
traditionnelles.
Cette
rupture est manifestement inspirée par son opposition constante
à un marxisme linéaire et positiviste, mais elle correspond
aussi à un essai de synthèse du système au sein duquel ces
variables semi-autonomes sont modélisées : l'humanité se
pose les questions qu'elle peut résoudre, et c'est à l'intérieur
de ce limites déterminées que s'exerce la lutte pour le contrôle,
la coordination et le pouvoir.
Ce thème
avait déjà été abordé dans un article de 1985, où Mandel
exposait la distinction entre variables endogènes et exogènes.
Selon lui, les variables endogènes, d'un point de vue économique,
sont celles qui décrivent les processus automatiques découlant
de la structure du système : "Ces dernières
contribuent à déterminer la vitesse, la direction, le degré
d'homogénéité du développement. Mais elles ne peuvent pas
modifier la structure interne du système, ou infléchir ses
tendances historiques générales (...) En dehors de cette
logique interne, ce sont les facteurs exogènes qui
interviennent pour codéterminer en partie le développement du
système, au moins à court et moyen terme". Jusque là on
retrouve l'explication traditionnelle de Mandel. Mais l'article
y ajoute une idée importante, selon laquelle la logique interne
du système est contrainte par une structure paramétrique qui décrit
ses trajectoires possibles, et qui ne peut être modifié que
par des chocs systémiques majeurs. "Par suite, toute
interaction entre les forces endogènes et exogènes est
toujours encadrée par ces paramètres, par ces contraintes et
elle atteint ses limites quand elle menace de détruire des mécanismes
de base du modèle".
En ce sens,
les forces exogènes ne sont pas réellement indépendantes et
devraient plutôt être décrites comme des "variables
partiellement autonomes" ou semi-autonomes, pour reprendre
la terminologie de Kalecki. Ces contributions représentent, de
mon point de vue, deux apports essentiels à la critique de
l'approche orthodoxe des cycles, fluctuations et déséquilibres
dans les processus historiques, qui repose sur une représentation
où des mécanismes d'équilibre sont perturbés par des chocs
aléatoires dépourvus de signification. Les points de vue de
Kalecki et de Mandel suggèrent que l'analyse de phénomènes
complexes ne peut se réduire à des déterminations élémentaires,
et que ce réductionnisme est condamné à l'échec. Cette
semi-autonomie, qui fait référence à des interactions et à
des modélisations non-linéaires, prend en compte ce que les
formalisations mathématiques linéaires ne peuvent intégrer,
à savoir la complexité inhérente aux processus
sociaux.
Cette
approche permet de résoudre en partie l'énigme des ondes
longues, qui constituent de toute évidence des périodes spécifiques
de l'histoire du capitalisme : les théories et méthodes
statistiques traditionnelles ne permettent pas d'identifier ces
périodes de changement structurel, parce qu'elles sont surtout
adaptées à la description de la continuité, de la convergence
et de l'équilibre, ce qui revient à dire qu'elles ignorent
l'histoire. En revanche, la mobilisation d'une masse considérable
de matériaux empiriques dans Le
troisième âge du capitalisme, résumée dans Les ondes longues du développement capitaliste, constitue un véritable
tour de force consistant à mettre en perspective les
changements systémiques qui font l'histoire du capitalisme, à
savoir la succession de systèmes productifs, les révolutions
technologiques et les contradictions sociales. De ce point de vue, la
recherche de Mandel constitue un accomplissement scientifique de
premier plan.
Complexité
et histoire
Mandel a
insisté sur la similitude entre sa théorie et celle de
Maddison, portant sur les "phases du développement
capitaliste", bien que subsistent des différences quant à
la périodisation retenue. Les deux auteurs soulignent la nécessité
de "chocs systémiques" pour enclencher une nouvelle
phase expansive mais Mandel s'intéressait plus spécialement à
la nature différente de ces chocs à la hausse et à la baisse.
De ce point de vue, il va de soi qu'une explication reposant sur
une stricte détermination technologique ne saurait être acceptée,
dans la mesure où l'accélération de l'innovation
technologique n'est pas le seul facteur conduisant à la hausse
de la composition organique du capital. L'inadéquation entre
systèmes techno-économique et socio-institutionnel peut
amortir ou au contraire renforcer l'impact de ces
transformations, et ce sont les rapports sociaux qui déterminent
en dernière instance le processus de développement ondulatoire
du capitalisme.
Ceci milite
encore une fois en faveur de l'incorporation de l'histoire à l'économie
réellement existante, autrement dit de l'économie politique
(ou encore, l'économie comme "science morale") au
sens classique du terme. L'ouvrage de Mandel est un exemple
d'une telle démarche, qu'il présente explicitement comme un
projet visant à parcourir une totalité intégré incluant des
facteurs économiques internes, des transformations exogènes de
l'environnement, et des évolutions socio-politiques. L'auteur
était tout à fait conscient que telle était la condition pour
aborder la dialectique concrète des facteurs objectifs et
subjectifs. L'approche historique est donc réaffirmée dans ce
livre : " Nous
pouvons donc accepter l'idée que les ondes longues sont plus
que de simples mouvements de hausse et de baisse du taux de
croissance des économies capitalistes. Ce sont, au plein sens
du terme, des périodes historiques spécifiques".
La théorie
de Mandel, dans la mesure où elle s'appuie sur la "réalité
historique de l'onde longue [en tant que] totalité intégrée",
permet une explication globale de ces processus. Il existe évidemment
un choix à opérer entre des modèles formalisés très simples
susceptibles d'une représentation mathématique et donc d'un
paramétrage quantifié, et des théories générales qui ne
peuvent faire l'objet d'une modélisation exhaustive. En
choisissant la première option, de nombreux chercheurs sont
devenus les otages des méthodes statistiques disponibles, et
ont été en particulier contraints d'adopter des spécifications
linéaires, puisqu'en général un système non-linéaire, même
simple, ne peut être aisément résolu. Pourtant, seuls des
systèmes non-linéaires sont susceptibles de simuler la
complexité des économies réelles, qui sont des systèmes en
mouvement combinant la stabilité dynamique et une instabilité
structurelle ; les méthodes usuelles de l'économétrie
reposent donc sur une erreur épistémologique et sont
incapables, non seulement d'expliquer, mais même de repérer
les ondes longues ou toute autre forme de processus historique.
Le choix de la seconde option relève donc de la sagesse théorique,
et Mandel a toujours milité en faveur d'une telle approche.
Les essais
de quantification et la recherche empirique s'inscrivant dans le
programme de recherche des ondes longues n'en sont qu'à leur début.
Des résultats contradictoires sur l'évolution à long terme du
taux de profit, comme ceux de Entov, Poletaïev, Moseley, Duménil,
Altvater ou Shaikh, montrent que les méthodes employées
manquent encore de robustesse, que l'information est incomplète
et que les hypothèses ont besoin d'être mieux assurées. Bien
sûr, les difficultés sont considérables, dans la mesure où
les statistiques conventionnelles sont peu adaptées à la
quantification des concepts marxistes, et la théorie n'a pas
encore réussi à formuler des hypothèses que l'on pourrait
tester empiriquement. Certains de ces résultats sont présentés
dans le dernier ouvrage de Mandel, et confirment au moins l'idée
que les économies ne peuvent être étudiées à partir de
facteurs agrégés, et que les différences entre branches sont
essentielles pour comprendre l'évolution de la rentabilité,
l'impact des changements technologiques et le degré d'adéquation
des sous-systèmes sociaux et économiques.
La théorie
de Mandel, comme d'autres modèles des ondes longues adoptant la
même méthodologie, a notamment pour particularité de faire
jouer un rôle-clé au concept de pouvoir, ou, de manière plus
générale, au mode de coordination des économies et des sociétés.
Cette question se trouve au coeur de la pulsation de l'histoire,
alors que ce concept ne saurait être quantifié. Il en découle
la nécessité de combiner différentes méthodes pour rendre
compte des économies réelles.
Le
capitalisme peut alors être expliqué à l'aide de deux outils
principaux : l'économie politique, autrement dit
l'histoire, et l'approche de la complexité, visant à
formaliser les relations non-linéaires, instables et mouvantes
qui structurent les économies. Les deux méthodes remettent en
cause les certitudes de l'économie néoclassique, et notamment
sa mystique de l'équilibre ; leur combinaison est
absolument nécessaire pour développer la théorie des ondes
longues, dans sa double dimension d'analyse et d'explication des
processus concrets. Le livre de Mandel représente une étape décisive
vers une telle synthèse.
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[1] "L'apogée
du néo-capitalisme et ses lendemains", Les
Temps Modernes, n°219-220, août-septembre 1964. Cet
article est reproduit en annexe de la réédition de 1986 du
Traité d'économie
marxiste.
[2] Les
principaux articles de Kondratieff, l'ensemble de ses données
statistiques et de ses commentaires et indications
techniques - de même que le débat à l'Institut de
Conjoncture avec Oparine - ont été publiés en 1992
par Louis Fontvieille.
[3] L'ouvrage
a été publié en 1972 à Francfort, chez Suhrkamp Verlag.
La traduction française, Le
troisième âge du capitalisme, est parue en 1976. Une
nouvelle traduction française est parue en 1997 aux
Editions de la Passion.
[4] Van
Gelderen a écrit un seul long article sur les ondes
longues, en 1913. Ses idées ont été développées ultérieurement
par son ami De Wolff, mais l'un comme l'autre écrivaient en
néerlandais, et restèrent méconnus des chercheurs
contemporains, et de la génération suivante. Après avoir
publié son article, Van Gelderen n'a plus rien écrit sur
le sujet, et un destin tragique vint mettre fin à son
travail (il se suicida en 1940 lorsque les nazis envahirent
son pays) et à la diffusion de ses écrits. Ainsi
Kondratieff, comme l'ensemble des participants du débat de
1926 à l'Institut de Conjoncture de Moscou, ignorait son
article, qui ne sera publié pour la première fois en
anglais qu'en 1996.
[5] La
chronologie que proposait Trotsky en ce qui concerne les
tournants était la suivante : 1781-1851, 1851-1873,
1873-1894, 1894-1913, 1913-... Elle correspond de très près
aux périodisations avancées avant lui par d'autres
auteurs, à savoir les Italiens ou van Gelderen, que Trotsky
ne connaissait probablement pas. La convergence de si
nombreux auteurs sur la chronologie, alors même qu'ils
travaillaient indépendamment, souligne les traits
distinctifs du développement historique du capitalisme au
XIXème siècle.
[6]
Il est intéressant de signaler un autre débat, certes déconnecté
du thème étudié ici, mais qui a lui aussi porté sur
l'invariance structurelle et sur l'applicabilité des méthodes
de corrélation multiple
aux séries historiques concrètes. A la fin des années
trente, John Maynard Keynes a sévèrement critiqué Jan
Tinbergen pour son utilisation de méthodes économétriques
appliquées à une série portant sur dix ans, 1922-1933,
dans la mesure où ces méthodes postulent un degré de
stabilité structurelle sur la période étudiée. On peut
ajouter que ces arguments ont encore plus de poids si on étend
cette hypothèse de stabilité structurelle à une période
couvrant deux siècles...
[7] Dans
le cas de séries économiques normales, on doit s'attendre
à une situation de non-stationnarité (la croissance
s'accompagne de changements dans la moyenne et la variance
des grandeurs observées), d'auto-corrélation (en raison
des tendances historiques exprimées par les séries) et d'hétéroscédasticité
(en raison des changements structurels qu'implique le
passage d'un régime à l'autre). Le traitement habituel de
ces biais, préalable obligé à la mise en oeuvre des tests
statistiques, porte atteinte à l'intégrité même des données.
Les transformations opérées pour éliminer la
non-stationnarité et l'auto-corrélation, ou les procédés
consistant à pondérer les données pour éliminer les
variations de variance, représentent autant de méthodes
impropres qui conduisent à des résultats erronés.
[8]
Voir par exemple Metz (1992), qui insiste pour considérer
les deux guerres mondiales comme des perturbations
statistiques qu'il convient donc d'éliminer des séries, et
d'ignorer.
[9]
De ce point de vue, il existe une contradiction entre les
modèles économiques orthodoxes (où la causalité renvoie
à des mécanismes endogènes qui assurent la réalisation
de l'équilibre, qui est un non-événement) et les
fondements positivistes du programme (où la causalité
renvoie aux variables exogènes). Ce paradoxe est évident
dans le travail de Schumpeter sur les cycles et les ondes
longues ; il a tenté de le résoudre au moyen d'une
combinaison éclectique d'éclairages historiques sur la genèse
des innovations, comme instruments de remise en cause de l'équilibre,
et de descriptions plus traditionnelles de la convergence
vers l'équilibre. C'est pourquoi le changement est endogène
au fonctionnement du système capitaliste dans le modèle
schumpetérien.
[10]
Dans une lettre privée adressée à l'auteur (3 mars 1995),
Mandel soulignait que ces "variables partiellement
autonomes" reflétaient l'incertitude et la détermination
complexe de l'évolution sociale, soumise aux contingences
de l'histoire. Cet ensemble de variables inclut donc un
certain nombre de facteurs politiques aussi bien que les
facteurs économiques
[11] C'est
de toute évidence le cas du taux de profit chez Marx, du
concept d'innovation chez Schumpeter, ou encore des trois
" lois psychologiques " de Keynes (préférence
pour la liquidité, propension à consommer, détermination
de l'efficacité marginale du capital). Cette problématique
se retrouve aussi dans la macroéconomie orthodoxe, par
exemple sous la forme d'une double spécification de
l'investissement, à la fois autonome (exogène) et induit
(endogène), qui contredit par conséquent l'exigence
positiviste d'une détermination non ambiguë.
[12]
"Mandel cherche donc à développer une théorie unifiée,
à la fois économique et socio-politique, reposant sur une
conception dialectique (paramétrique) du déterminisme et
non mécaniste. Une telle conception du déterminisme
incorpore dans les processus économiques et sociaux la
possibilité, voire l'inévatibilié, de choix, mais qui
s'exercent à l'intérieur de contraintes précises, et qui
sont déterminés en dernière analyse par des intérêts
sociaux qui continueront à s'opposer les uns aux autres
tant que ne sera pas établie une société sans
classes" in Arestis, Sawyer (1992), p.340.
[13]
Ni l'origine, ni le contenu de ce concept ne sont clairement
établis. Dans une lettre privée à l'auteur (9 septembre
1994), Mandel présentait ce concept comme l'expression de
l'incertitude du combat pour le pouvoir social. Il a
probablement subi l'influence d'importantes recherches
contemporaines en biologie et thermodynamique. Au début des
années quatre-vingt, Levins et Lewontin montraient que la
stabilité d'un système en évolution dépendait de la résultante
des processus de feed-back et des paramètres déterminant
la vitesse du changement et la configuration de ses limites.
A la même époque, Prigogine et Stengers montraient que l'évolution
des paramètres d'un système pouvait créer le chaos et la
complexité, et par suite de nouvelles formes d'ordre. Les
deux notions sont inspirées des premiers travaux de Poincaré
sur les systèmes non-linéaires, et un lecteur attentif de
Mandel devrait remarquer l'importance de ces concepts pour
les sciences sociales, dans la mesure où l'introduction de
la complexité, du temps, de l'incertitude, de l'ordre et du
désordre, sape les fondements de l'économie traditionnelle
qui repose sur un modèle linéaire d'équilibre, et où la
convergence vers cet équilibre est présenté comme une
propriété souhaitable du système, alors qu'il en représente
la mort entropique. En insistant sur la nature de la
causalité orientant l'évolution sociale, et sur ses
limites, le "déterminisme paramétrique" appelle
de nouvelles méthodes de recherche. L'importance de la
contribution de Mandel, appliquée à l'étude des processus
économiques historiques, provient de toute évidence du
fait qu'il a anticipé ces travaux.
[14] Comme
toute analyse globale et innovante, le travail de Mandel présente
un certain nombre d'approximations. Ainsi, la "troisième
révolution technologique" (qui a suivi la Seconde
Guerre Mondiale) aurait selon lui reposé sur le nucléaire,
l'automatisation et l'électronique. Plusieurs critiques ont
souligné, ce qui apparaît aujourd'hui comme évident,
que la première génération d'équipements électroniques
n'a pas en fait joué un rôle aussi important que la
diffusion des biens durables, et que c'est seulement
aujourd'hui que la (micro)électronique jette les bases d'un
retournement de l'onde longue. Mais Le
troisième âge du capitalisme a été publié un an
seulement après l'invention du micro-processeur, dont
l'impact économique n'a été visible que dans les années
quatre-vingt. D'un autre côté, Mandel conserve la date de
1968 pour la fin de la phase A de la quatrième onde
longue, ce qui revient à privilégier le facteur politique,
puisque la crise du système monétaire international et la
récession généralisée marquant la fin de l'expansion
d'après-guerre n'interviendront que quelques années plus
tard.
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