Le présent article a été
publié dans la revue mexicaine " Nexos ", en décembre 1995.
Après la mort d'Ernest Mandel, avant celle de Michel Pabio,
survenue le 17 février 1996. Souvenirs mêlés de l'un et de
l'autre homme, en une méditation qui représente un bel
hommage à ces deux grands dirigeants du mouvement ouvrier
révolutionnaire. Adolfo Gilly est journaliste et historien,
auteur de "la Révolution mexicaine", aux éditions Syllepse.
Il est actuellement membre du Parti de la révolution
démocratique. Il a été membre de la IVe Internationale et,
durant de longues années, a entretenu des relations avec
Michel Pablo et Ernest Mandel.
Au matin du 21 juillet 1995, à Horefto, petit
bourg grec au bord de la mer Egée, Michel Pabo (dont le nom réel
est Michaël Raptis) me parlait de sa rencontre avec Ernest
Mandel à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale. Michel Pablo,
Grec né à Alexandrie et élevé en Crète, trotskyste depuis 1956
et délégué au Congrès de fondation de la IVe Internationale en
1938, vivait alors dans la ville de Patis, occupée par les
Allemands, sous la mince couverture d'une bourse d'études et
d'une convalescence de la tuberculose. Il avait, en 1944, trente
ans et un diplôme d'ingénieur urbaniste. Ernest Mandel, né en
Allemagne en 1923 et élevé en Belgique par ses parents, juifs
émigrés, avait vingt et un ans et ne finissait pas ses études
universitaires, entraîné vers d'autres horizons par la passion
révolutionnaire. Dans le Paris d'alors, il s'intégra à la
direction de la IVe Internationale dont Pablo était déjà un
dirigeant.
Une longue collaboration commençait entre ces deux hommes
d'origines si diverses, unis par les mêmes idées et des formes
différentes, comme cela apparut plus tard, de la même passion:
l'un, le maître, en ce temps-là, l'autre, le jeune et brillant
disciple. L'histoire que Pablo me racontait était au fond une
antique histoire grecque.
L'après-midi de ce 21 juillet, à 14 h 30, le téléphone sonnait
dans ma chambre de l'hôtel d'Horefto et la voix de Pablo me
disait: "Je dois te transmettre une bien triste nouvelle: Ernest
vient de mourir." Ce que nous avions dit le matin même à son
sujet a été conservé par mon magnétophone comme un moment d'une
longue interview.
Le 30 septembre dernier, six à sept cents personnes de
différentes origines, idées et nationalités accompagnèrent les
restes d'Ernest Mandel jusqu'au vieux cimetière parisien du
Père-Lachaise. Ses cendres y furent déposées, près du mur des
Fédérés contre lequel moururent fusillés en 1871 quelques-uns
des derniers combattants de la Commune de Paris. Parmi nous,
vieux et jeunes, se trouvait le Grec Michel Pablo, venu dire
adieu au camarade duquel les chemins de la guerre et de la vie
l'avaient séparé trente ans plus tôt. Quelqu'un lui remit le
dernier livre de Mandel, " Power and Money ", traduit en grec,
que celui-ci lui avait envoyé trois jours avant sa mort. C'était
une splendide matinée d'automne et, air du temps, le cortège
chantonnait à voix basse comme un chant d'un autre âge la
vieille marche funèbre des révolutionnaires allemands.
Cependant, aucun des hommes et des femmes qui étaient là n'avait
été écrasé par la chute du mur de Berlin, car toute leur vie ils
avaient lutté, depuis la gauche, pour le renverser. Il n'y avait
pas de visages gais (sauf peut-être le mien, le ciel était si
bleu), tristes non plus. Ensuite, avec quelques amis, nous nous
sommes retrouvés pour manger un couscous dans un restaurant
algérien.
Au cours de nos conversations devant la mer Egée, Pablo évoquait
l'arrivée de Mandel, en 1944, dans le Paris de l'occupation
allemande. "Ernest était très jeune, très brillant, de même
qu'Ahraham Léon [auteur d'un livre mémorable sur la question
juive]. Ils étaient inséparables. Ils venaient de l'organisation
de gauche de la jeunesse juive et entrèrent ensemble dans notre
mouvement. Depuis lors, Mandel et moi étions étroitement unis.
Lui vivait à Bruxelles, et venait clandestinement à Paris pour
nos réunions. Là, il descendait chez nous et repartait ensuite à
Bruxelles. Il avait envers moi les sentiments d'un fils pour son
père, et j'avais pour lui ceux d'un père pour un fils spirituel.
J'étais très orgueilleux de l'adhésion d'Ernest à la IVe
Internationale.
Je rencontrai aussi son père et sa mère. Son père était un Juif
de gauche, admirateur de Trotsky, un homme très courageux. Il
savait que nous n'étions, son fils et moi, pas seulement
camarades mais amis aussi, et me disait: "Michel, il faut que tu
permettes à mon Ernest de finir ses études. Je t'en prie." Il
voulait que son fils ait un diplôme, ce qui à l'époque était le
dernier de nos soucis (...). Vers la fin de la guerre, Mandel
fut arrêté par les nazis en même temps qu 'Abraham Léon. Ce
dernier fut envoyé dans un camp et y mourut en quelques mois.
Quant à Ernest, ils ne s'aperçurent pas qu'il était juif et,
comme il parlait parfaitement l'allemand, ils l'envoyèrent comme
interprète dans une usine d'où il put s'évader."
A partir de là, la biographie d'Ernest Mandel est avant tout une
histoire d'idées, unie à l'histoire de la IVe Internationale.
Avec Michel Pablo, ils définirent, dans ces jours lointains de
l'après-guerre, la seconde moitié des années quarante, ce qui
constituerait les trois grandes lignes du programme de cette
organisation: la révolution politique démocratique en Union
soviétique et dans les pays de l'Est; la révolution socialiste
en Occident; la révolution de libération nationale dans les
colonies et les pays dépendants, qu'on n'appelait pas encore "tiers
monde"; comprises toutes les trois comme des éléments d'un
processus combiné de révolution socialiste dans le monde.
Sous ces drapeaux, les trotskystes participèrent aux luttes
sociales et nationales les plus variées dans leurs pays,
confrontés toujours à la double hostilité des communistes soumis
à Moscou et à Pékin et des corps répressifs des Etats
capitalistes. Il est difficile de se représenter aujourd'hui à
quel point, des années trente aux années soixante, l'implacable
hostilité des communistes se traduisit en persécutions,
assassinats, dénonciations, prisons et calomnies sans fin venues
de la gauche même. Les trotskystes étaient signalés comme agents
de la Gestapo, de Franco, de l'impérialisme britannique, de la
CIA ou de n'importe qui, jamais traités comme un courant
politique différent de la gauche.
Avalisée par Moscou et ses Etats et partis clients, cette
campagne conduisit beaucoup à la prison et à la mort. Le jour où
cette histoire, complète, sera écrite, on verra comment les plus
cruels des crimes du " communisme " furent ceux qu'il commit
contre les hommes et les femmes de même filiation qui se
rebellèrent et luttèrent contre le chemin de sang de Staline. Ce
n'est pas en vain que Trotsky, à la fin de sa vie, ayant épuisé
les mots de la colère humaine, recourut à la Bible et le nomma
Caïn.
Ce climat infernal, que Mandel vécut pendant les années quarante
et cinquante, s'atténua après les "révélations" de Khrouchtchev
sur les crimes de Staline - "révélations" entre guillemets, car
quiconque avait voulu savoir les connaissait - mais continua de
stagner comme un épais brouillard sur les secteurs les plus
arriérés du communisme, avec un curieux reflet en miroir, qui
perdure encore, dans les esprits de droite. Il est singulier que
l'un des principaux penseurs politiques de ce siècle, Léon
Trotsky, soit encore aujourd'hui à peu près inconnu dans les
universités où des figures mineures ont connu un succès passager,
exagéré et, tous comptes faits, immérité.
Mais ainsi vont certaines coutumes académiques et quelques voies
de salut pour les bonnes consciences. L'oeuvre d'Ernest Mandel,
comme celle d'Isaac Deutscher et de quelques autres, n'a pas peu
contribué, sans concéder rien aux usages ni aux modes, à rompre
ce cercle d'ignorance et de préjugé.
Le père n'avait pas tort quand il insistait pour que son fils
termine ses études. Ernest Mandel, avec ses écrits théoriques
d'économiste, dépassa largement les frontières de son
organisation politique et eut, surtout à partir de la deuxième
moitié des années soixante, une influence notable tant sur la
pensée de gauche que dans les milieux universitaires. Je me
rappelle avec quelle admiration le Bolivien René Zavaleta me
parlait, vers le milieu des années soixante-dix, de l'ampleur
des connaissances que le " Traité d'économie marxiste "
reflétait chez son auteur. Cette œuvre, en particulier, fut une
bombe à retardement pour la démolition des manuels soviétiques
et assimilés qui dégradaient l'enseignement, infectaient la
pensée et aveuglaient toute vision théorique marxiste.
Cependant, le livre que Mandel considérait comme son œuvre
théorique majeure était le " Capitalisme tardif ", dont il
comparait l'importance à celle qu'eurent au début du siècle pour
les idées marxistes les travaux d'Hilferding et de Lénine sur
l'impérialisme. Dans sa dernière époque, il travaillait encore
sur sa théorie des ondes longues du capitalisme, héritière des
travaux de Kondratieff et de Trotsky sur le même thème.
Quand je connus Ernest Mandel à Bruxelles, au printemps I960, il
achevait d'écrire son Traité, dans lequel il mettait - avec
raison, les faits le prouveraient - de grandes espérances.
J'étais venu le voir à Amsterdam, pour une affaire qui avait
trait à des papiers dont avaient besoin des militants de la
révolution algérienne. Je me souviens que, jeune sauvage
d'Amérique latine à peine débarqué sur les canaux de la Hollande,
j'avais été impressionné par la vieille maison européenne qu'il
habitait alors avec sa mère, douce dame qui m'invita à dîner
avec son fils. Ernest avait dans son bureau une étonnante
collection de disques de Jean-Sébastien Bach. Cette après-midi
là, je marchais dans la ville en attendant l'heure d'un
rendez-vous. Dans une exposition merveilleuse, je découvris les
mobiles d'Alexandre Calder et la gracile facilité de leurs
couleurs, leurs équilibres et leurs mouvements. Aujourd'hui
encore remontre en moi, à ce souvenir, le sentiment de beauté
qui m'envahit alors.
La rupture entre Mandel et son maître grec fut un événement
douloureux pour ce dernier et, je le suppose sans le savoir,
aussi pour le premier. Cela se passa précisément ces années-là,
entre 1960 et 1961, quand Michel Pablo était en prison en
Hollande pour ses activités de soutien à la révolution
algérienne. La guerre d'indépendance de l'Algérie était
considérée à l'époque par Moscou et les communistes comme un
mouvement nationaliste bourgeois qui ne méritait aucune aide,
tandis que les socialistes faisaient partie d'un gouvernement
français qui la combattait à sang, feu et tortures. Les
Algériens durent organiser leurs propres réseaux sur le
territoire métropolitain, et montèrent même en secret une
fabrique d'armes clandestine au Maroc, avec l'aide de membres de
la IVe Internationale.
Comme toujours dans des cas semblables, la séparation de ces
deux hommes fut au fond une histoire d'idée. Tous deux pensaient,
comme beaucoup d'autres, que le sens d'une vie ne pouvait être
que de contribuer à changer la vie et le monde cruel et inhumain
que nous habitons. Tous deux, je l'ai déjà dit, coïncidaient sur
l'essentiel. Si je dois tous deux les définir par un terme qui
les englobe, je dis que c'étaient alors deux humanistes
classiques, l'un de l'antique école grecque, l'autre des
Lumières et leurs raisons.
Ce n'est pas ici le lieu de mentionner les faits immédiats
relatifs à cette rupture, faits dont je connais certains
peut-être mieux que personne, et probablement pas quelques
autres. Je sais que, au-delà d'eux et de leurs sentiments, des
forces idéelles puissantes les entraînaient chacun dans des
directions divergentes.
De la façon la plus abstraite - et, d'une certaine façon, aussi
la plus schématique - on peut dire que l'un, celui de Belgique,
était convaincu que le vecteur de la révolution qui allait
changer le monde était le prolétariat industriel. Sa pensée
venait du Marx du Manifeste et du Capital, ses années de
formation avaient eu pour cadre l'impressionnant environnement
industriel et minier de la métropole belge. L'autre, celui
d'Alexandrie et de Crète, qui avait grandi dans un pays européen
de frontière doté d'une très longue histoire de lutte séculaire
contre les Turcs pour son indépendance nationale, un pays plus
proche du "tiers monde" que de l'industrie, et du Moyen-Orient
que de l'Occident, voyait qu'en ces années cinquante et soixante
l'immense insurrection qui secouait le monde était celle
qu'avait entrevue Trotsky depuis le Mexique de Cardenas, aux
dernières années de sa vie: celle de l'innombrable humanité des
peuples colonisés et dépendants contre les métropoles
impériales, Inde, Chine, Indochine, Corée, Moyen-Orient, Algérie,
les pays arabes, l'Afrique entière, l'Amérique latine. Sa pensée
provenait du Marx des Grundrisse et des dernières lettres à Véra
Zassoulitch.
Je ne veux pas suggérer que les deux pensées étaient
antagoniques, ni que l'une excluait l'autre. Simplement, quand
se présenterait l'immanquable épreuve de la pratique, qui
apparut entre 1959 et I960, par surprise comme toujours, avec la
guerre d'Algérie, elle les engagerait sur des voies divergentes.
Le signe du siècle était pour l'un la révolution prolétarienne
et socialiste; pour l'autre, c'étaient les mouvements nationaux
et coloniaux. A partir de là, bien qu'aucun des deux ne se le
soit proposé à l'avance, surgissaient différentes priorités,
visions, destinées, façons d'organiser et de lutter: l'un
pensant surtout conseils ouvriers et grèves générales, l'autre
conspirations et insurrections nationales. Quand celui-ci voulut
jouer le sort de l'organisation sur la révolution algérienne,
l'autre s'y refusa de diverses façons. La rupture fut complexe
et confuse mais, à partir de là, Ernest Mandel remplaça Michel
Pablo comme principal dirigeant de cette étrange organisation,
la IVe Internationale, et Pablo et ses partisans suivirent, à
partir de l'Algérie, d'autres destinées d'idées et d'actions.
Chacun des deux hommes connut dans les années soixante le Che
Guevara. Ernest Mandel, invité par le Che, alla le voir à Cuba
en 1964 pendant la polémique sur les stimulants matériels et
moraux dans l'économie cubaine. En 1975, à Stockholm, il me dit
que cela avait été l'entretien le plus impressionnant de sa vie.
Michel Pablo, en 1965, passa une longue nuit, en Algérie, à
parler avec le Che, quand celui-ci préparait sa lutte en Afrique
et cherchait à réunir appuis et ressources. Au cours de nos
conversations devant la mer Egée, il me dit que sa personne lui
avait rappelé un poème de Swinburne: "In his heart, wild desires/In
his eyes, the foreknowledge of death." ("Dans son cœur, des
désirs sauvages/Dans ses yeux, la prescience de la mort.").
Quelques jours plus tard, je pus demander à Régis Debray si son
souvenir du Che avait quelque ressemblance avec cette vision de
Pablo. "Oui", me dit-il sans hésiter.
1968 sembla donner raison à l'école d'Ernest Mandel. Au moins en
France, avec des millions d'ouvriers en grève générale qui
occupaient les usines sous l'emblème du drapeau rouge, et en
Tchécoslovaquie avec les travailleurs et les conseils d'usine
comme axes de la rébellion nationale contre la domination
soviétique. Mais 1968 était aussi, d'un autre côté, l'offensive
du Têt au Viêt-nam, les étudiants rouges à Berlin et dans toute
l'Allemagne, les mobilisations contre la guerre à San Francisco
et New-York, le mouvement étudiant au Mexique, une vague de
jeunes qui, depuis les périphéries de la planète et de la
production industrielle, voulaient changer le monde où ils
vivaient et pas seulement la relation de travail dont ils
ignoraient encore tout.
Pendant ces journées, la IVe Internationale dirigée par Mandel
grandit rapidement, au moins en Europe et en Amérique latine.
Pendant les années soixante-dix, Mandel parcourait les
universités de multiples pays et remplissait le Che Guevara
(grand amphithéâtre de l'Université nationale de Mexico) et
autres amphithéâtres. Il avait l'honneur d'être interdit
d'entrée, simultanément, aux Etats-Unis et en Union soviétique,
dans les pays d'Europe de l'Est et en France, en Allemagne, en
Espagne et autres Etats, hommage involontaire que l'intellectuel
rebelle recevait d'un monde absurde pris de doute et de peur. La
contre-offensive matérielle, idéologique et guerrière du capital
dans les années quatre-vingt, ce qu'on a appelé la
restructuration globale du capital, a changé depuis le sens de
la marée et dévié vers d'autres cantons les peurs des puissants,
jamais cependant tout à fait apaisées.
L'école du Grec persista à donner la priorité au cours des
mouvements de libération. "Le 1968 européen fut avant tout une
conséquence de l'influence et de la pression, sur la jeunesse de
ces pays, des révolutions coloniales et des guerres de
libération nationale des années cinquante et soixante:
l'africaine, l'algérienne, la vietnamienne, la cubaine, la
chinoise. Ce n'est pas pour rien que la figure de Che Guevara
était son symbole", me disait l'été dernier Michel Pabio. "Le
sens le plus profond du XXe siècle a été cet immense mouvement
de libération des colonies, des peuples opprimés et des femmes,
et non la révolution du prolétariat, qui était notre mythe et
notre Dieu."
Depuis Marx et les populistes russes, cette controverse a
traversé les mouvements révolutionnaires de notre siècle. Je
sais que, pour beaucoup, elle a perdu son sens, ou n'en a jamais
eu : l'avenir dira, et non les modes de chaque décennie. Je
crois qu'en ce temps incertain, inquiet et opaque aux regards,
elle en a toujours pour ceux qui, ayant appris par l'étude ou
par l'expérience la longue durée de l'histoire, refusent
d'accepter la société telle qu'elle est, la loi de l'argent et
l'univers de l'échange mercantile comme l'unique horizon
pensable et possible pour la vie commune des êtres humains.
C'est à cette histoire enchevêtrée et symbolique que me
ramenaient mes souvenirs, ce matin d'automne au Père-Lachaise.
Parmi nous aussi se tenait, silencieux et droit dans ses
quatre-vingt-quatre ans, l'ancien camarade grec d'Ernest Mandel.
Et beaucoup d'autres. Nous disions adieu à un fils utopique et
irréductible de ce temps, qui dès sa première jeunesse avait
affronté en idées, en écrits et en actes les puissants de ce
monde, les seigneurs et maîtres de l'Est et de l'Ouest et
l'ouragan inhumain du cynisme.
Douce était la ville, ce jour-là. Au hasard d'un marché de rue,
sur un étal de bouquiniste improvisé, je trouvais un roman
d'Oscar Vladislas de Lubicz Milosz, que j'avais entendu nommer
et croyais inexistant : l'Amoureuse initiation.
Adolfo Gilly
(Traduction: Tessa Brisac) |