Alors que la
guerre se prépare en Europe, le Japon est occupé à conquérir par
étapes la Chine et vise également le Sud-Est asiatique.
Washington est opposé à la suprématie du Japon en Asie de l'Est
et dans l'Océan Pacifique tout comme Londres est opposé à la
suprématie allemande en Europe. A long terme les USA s'attendent
donc à un conflit. Entre-temps, il s'agit pour eux d'empêcher la
consolidation du Japon en tant que super-puissance économique et
militaire.
Dans ce but,
l'administration Roosevelt impose un embargo non officiel sur
les importations japonaise de matières premières et intensifie
son aide à Tchang-Kaitchek (1). Pour éviter la confrontation
avec Washington, Tokyo aurait dû se retirer de Chine. Mais, en
occupant l'Indochine - avec l'aide du gouvernement de Vichy (2)
- le 23 juillet 1941, et en conquérant ainsi une tête de pont
pour une attaque future contre la Malaisie et Singapour, le
Japon a choisi la confrontation, suite à quoi Roosevelt annonce
le blocus officiel du Japon.
L'Impérialisme
japonais
Ce sont ses
besoins économiques qui dictent au Japon la voie à suivre.
L'empire du soleil levant importait 66% de son pétrole des USA
et la majeure partie de ses matières premières des Indes
Néerlandaises, de l'Indochine française, de la Malaisie
anglaise, des Philippines américaines et de Chine.
Au début, les
conflits en Asie et en Europe apparaissaient comme des conflits
distincts. Mais ensuite les succès de l'Allemagne ont incité
Tokyo à conquérir les colonies européennes dans le Sud-Est
asiatique. Lorsque, à la fin de juillet 1941, les Etats-Unis
mettent un terme à toutes les exportations de matières premières
pour arrêter la progression japonaise en Chine, le Japon savait
ce qui lui restait à faire. Même les cercle les plus radicaux du
gouvernement impérial japonais ne visaient pas une guerre de
longue durée, une guerre totale, jusqu'au bout. Même pas le 5
novembre 1941, lorsqu'ils décident de porter un grand coup aux
Américains. Tokyo espérait plutôt une paix de compromis qui lui
permettrait de stabiliser sa sphère d'influence. Mais Washington
va rester intraitable...
Pearl Harbour
L'opinion publique
américaine était contre la guerre. Mais l'attaque japonaise du 7
décembre contre Pearl Harbour (3) donne à Roosevelt le prétexte
pour façonner l'opinion publique à sa façon. Aussi importants
qu'aient été les intérêts américains dans le Pacifique, le
centre d'intérêt de l'impérialisme US était en Europe, parce que
c'est à partir du Vieux Continent que partaient les
ramifications permettant de tenir en main l'économie mondiale. A
partir de 1939, tous les stratèges américains étaient d'accord
sur ce point. Début 1941, les états-majors britanniques et
américains décident que la priorité de l'effort de guerre doit
aller à l'Europe. Ils maintiennent cette orientation, même après
Pearl Harbour.
La décision de
l'impérialisme américain d'intervenir directement pour provoquer
un réarrangement de l'ordre économique et politique mondial
constitue, à côté de la volonté de l'Allemagne et du Japon
d'élargir leurs frontières politico-économiques, une autre cause
immédiate importante de la Deuxième Guerre Mondiale. La majorité
de la bourgeoisie des Etats-Unis s'était groupée autour de
Roosevelt pour formuler une nouvelle stratégie internationale de
l'impérialisme US. La cause en est que l'économie américaine
avait été soumise à une transformation profonde, surtout après
la crise de 1929. Elle disposait d'énormes réserves de capitaux
non investis, de capacités de production et de force; de travail
excédentaires.
Les tentatives
faites avec la politique du New Deal (4) avaient permis aux
Américains de surmonter les aspects les plus saillants de la
crise. Mais en 1938 les USA comptaient de nouveau 12 millions de
chômeurs. Il devaient se tourner vers le marché mondial:
investir les capitaux à l'étranger, les prêter et exporter des
marchandises comme jamais auparavant. Cet effort
d'expansionnisme de l'impérialisme US présupposait pourtant un
marché mondial stable et garanti. "Un monde sûr pour la
démocratie" était le slogan avec lequel on allait mettre un
terme à l'isolationnisme américain (5).
Mais Roosevelt
devait manoeuvrer avec plus de précautions que Hitler et que les
chefs de guerre japonais: son pays était encore démocratique. Il
ne pouvait pas imposer la guerre à la population américaine.
L'attaque surprise de Pearl Harbour constituait donc un
magnifique prétexte pour impliquer les Etats-Unis dans le
conflit mondial, et rencontrer ainsi la ferme volonté de la
classe dominante américaine.
Guerre contre
l'URSS
L'attaque
allemande contre l'URSS ne résulte pas d'une décision concertée
du capitalisme mondial, c'est-à-dire d'une concertation entre
les impérialismes britannique, français» allemand et américain.
L'isolement de l'Union Soviétique et ses problèmes internes
laissaient au contraire le champ libre pour la lutte des
différentes puissances impérialistes entre elles.
L'ouverture du
front de l'Est était en premier lieu l'affaire de l'impérialisme
allemand qui, ce faisant, voulait se renforcer face à ses rivaux
occidentaux. En URSS même, une contradiction explosive s'était
développée entre les infrastructures industrielles et militaires
renforcées par le plan quinquennal d'une part, et la crise
politique provoquée par les purges de Staline et sa diplomatie
brutale d'autre part. Les purges avaient décapité l'Ar-mée Rouge
et désorganisé la défense nationale. La diplomatie avait livré
la Pologne et l'Europe à Hitler. Cela rendait plus facile une
attaque ultérieure contre l'URSS. Mais le plan quinquennal va
permettre à l'URSS de gagner la guerre.
L'impréparation de
l'Année Rouge en 1941 était la conséquence directe du manque de
compréhension par Staline de la situation en Europe et des
intentions de Hitler, c'est-à-dire de l'impérialisme allemand.
Quelques années auparavant, le maréchal soviétique
Toukhatchevsky (6) avait prouvé que l'armée française ne
s'opposerait pas activement à l'Allemagne dont l'agressivité
était surtout dirigée vers l'Est. Mais Staline était convaincu
que Hitler n’attaquerait pas une Union Soviétique "qui se
comporterait correctement".
Le Pacte de
non-agression germano-soviétique de 1939 représentait plus un
mouvement stratégique qu'un mouvement tactique de sa part. Dans
une étude de l'Etat-major général de l'Armée Rouge, datée de
décembre 1940, l'idée que l'Allemagne pourrait être un ennemi
potentiel est rejetée avec force. Les projets de manoeuvres
proposés ne tenaient pas compte de la situation et des besoins
des forces armées et il n'y était pas question d'un plan de
guerre coordonné. Le "Plan 1941 de défense de la frontière", que
l'état-major général établissait en avril et avec lequel l'URSS
devait entrer en guerre deux mois plus tard, limitait le rôle de
l'Armée Rouge à la défense des frontières extérieures et
attachait peu d'importance à une défense stratégique.
L'URSS avait
pourtant toutes les raisons de se renforcer à court terme et le
mieux possible contre une attaque allemande, d'autant plus que
les Britanniques et les Français avaient hésité très fort -
c'est le moins que l'on puisse dire - à conclure avec Moscou une
alliance militaire pour la défense de la Pologne. Mais le Pacte
Hitler-Staline comprenait une clause secrète sur le partage de
la Pologne (7), et cela alors qui n'était pas encore question
d'une attaque allemande contre ce pays. Staline donnait donc le
feu vert à Hitler et délivrait pour un certain temps le
Troisième Reich du cauchemar d'une guerre sur deux fronts.
Les conséquences
de la "Realpolitik" cynique de Staline ont été terribles pour la
population soviétique. La Deuxième Guerre Mondiale a coûté à
l'Union Soviétique 20 millions de vies humaines et des dégâts
matériels incommensurables. Une politique plus clairvoyante et
moins cynique aurait pu épargner à l'URSS tant de souffrances.
Ainsi peut-on affirmer que cette politique compte également
parmi les causes principales du déclenchement de la Deuxième
Guerre Mondiale.
Notes
(1) Tchang Kaichek
: Maréchal cl dirigeant "nationaliste" chinois qui luttait plus
contre les communistes que contre les envahisseurs japonais.
(2) Les autorités
coloniales de l'Indochine (Vietnam, Laos et Cambodge) avaient
reconnu le gouverne-ment pro-allemand de Vichy.
(3) La base de la marine
des Etats-Unis à Hawaï dans la partie occidentale de l'Océan
Pacifique.
(4) Avec la "Nouvelle
Distribution" (New Deal) la bourgeoisie américaine donnait
partiellement satisfaction aux besoins sociaux de la classe
ouvrière. Mais le "New Deal" a surtout servi à consolider une
restructuration complète du capitalisme américain.
(5) La politique
"isolationniste" des Etats-Unis consistait à se tenir a l'écart
des événements mondiaux.
(6) Toukhachevsky a été
exécuté sur ordre de Staline. Ce faisant, il a liquidé un des
grands stratèges de l'Armée Rouge.
(7) Le Pacte
prévoyait un partage le la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS
et comprenait certaines clauses secrètes sur l'annexion des
Etats baltes.
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