L'organisation des transports publics, le
logement, les schémas de circulation, la reconstruction des
villes et leur adaptation aux besoins nouveaux de la vie des
hommes restent soumis dans les pays capitalistes aux intérêts
économiques dominants dans la société.
L'urbanisme, l'architecture, l'aménagement du
territoire posent des problèmes qui sont moins d'ordre technique
que d'ordre politique. La vie quotidienne de millions d'hommes
est résolue, dans ces domaines également, en fonction des
intérêts immédiats des trusts ou des spéculateurs fonciers. Et
les décisions des « pouvoirs publics » (quand ils décident par
exemple de supprimer une ligne de chemin de fer, de construire
une autoroute, d'aménager à tel endroit un quartier de banques
ou un quartier d'habitations, etc.) restent tributaires d'autres
pouvoirs que le leur. Là également, l'Etat bourgeois révèle sa
vraie nature d'instrument au service des classes dominantes.
Architectes et urbanistes ont également été
touchés par ce que l'on a appelé « le mouvement de contestation
» et les plus lucides d'entre eux ont choisi de dépasser le
cadre de revendications corporatistes (l'organisation de leurs
professions) pour s'attaquer à ce qui détermine en fin de compte
les choix qu'ils sont amenés à faire: la nature capitaliste du
régime (lire à ce propos « La Gauche » du 17 août où nous
rendions compte de la réunion d'Etats généraux de l'Architecture
et de l'Urbanisme).
La revue « Synthèse » a consacré son numéro de
mai-juin aux problèmes de l'urbanisme. Dans les contributions de
J. Remy, J.-P. Blonde, P. Laconte et P. Puttemans en
particulier, un militant socialiste peut trouver matière à
réflexion.
Des choix politiques
« II faut repolitiser l’urbanisnae » écrit
Blondel. Très bien, encore faut-il que le débat politique sur
les choix urbanistiques ne soit pas une mêlée confuse dont
quelques intérêts financiers sortiraient encore vainqueurs. Pour
qu'un tel débat soit sur le terrain d'un combat progressiste, il
faut que le citoyen ait des idées générales sur l'évolution de
la société non seulement en ce qui concerne les rapports de
production et les rapports de force entre classes sociales, mais
aussi en ce qui concerne l'agencement dans l'espace des
activités des hommes.
J. Remy pose le problème : « Se demander si
l'avenir est aux grandes concentrations urbaines ou si, au
contraire, on doit retourner vers une plus grande dissémination
de la population ». Pour qui veut le fédéralisme dans un pays où
deux peuples voient leur activité se concentrer de plus en plus
dans une grande ville, la question est d'importance. L'auteur
n'y répond pas exactement, il fait plutôt un inventaire des
avantages et des inconvénients de la ville par rapport au
village, pour l'employeur et pour le travailleur. Dans une
grande ville, l'employeur peut choisir une main-d'œuvre mieux
adaptée parmi un plus grand nombre de travailleurs. Ceux-ci y
trouvent une plus grande liberté individuelle dans le choix non
seulement de l'emploi, mais aussi des loisirs et des relations
personnelles.
Ceci pour les avantages, mais quelles sont les
tendances objectives? Dispersion de l'habitat, à la recherche de
la nature et de l'isolement, répond J.-P. Blondel, dispersion
facilitée par cette ubiquité d'une partie des loisirs culturels
qu'apporte la télévision. C'est une mobilité croissante qui a
permis cette dispersion: le tram a permis les banlieues, l'auto
conduit à la campagne. Mais l'emploi continue à se concentrer
dans le centre des villes du fait de la mécanisation de
l'agriculture, de l'automatisation de l'industrie, du « secteur
tertiaire », amalgame de fonctions où les communications jouent
un rôle important. Les gens qui continuent à habiter dans le
centre des villes sont essentiellement les prolétaires les plus
pauvres qui ne peuvent pas acheter d'auto et qu'un emploi
fragile maintient à proximité des nœuds de transports en commun
où ils pourront trouver un nouvel emploi sans déménager. C'est
le développement des « colonies » espagnoles et marocaines près
des grandes gares à Bruxelles.
La tendance générale est donc: dispersion de
l'habitat, concentration de l'emploi, ceci dans les limites
permises par les moyens de transport.
Automobile individuelle ou transports publics
?
Le plus souple est l'auto, c'est aussi le plus
encombrant: P.Laconte montre qu'un automobiliste occupe en
moyenne soixante à cent fois plus de place qu'un usager des
transports en commun. La généralisation de l'automobile provoque
l'asphyxie du centre de la ville : pertes de temps dans les
embouteillages ou à la recherche d'un parking Des travaux
coûteux défigurent le centre historique. On sacrifie la
ville-pour-vivre à la ville-pour-y-rouler.
Mais les nouvelles voies de circulation sont
rapidement saturées aux heures de pointe, dans la mesure même où
elles rendent la circulation possible. Car chacun n'a pas encore
son auto et le nombre de celles-ci peut encore au moins doubler.
Le nombre des voitures particulières en circulation augmente
d'autant plus vite que le tram et le bus offrent encore plus
d'inconvénients pour l’usager: ils sont ralentis par les autos
et, dans un contexte de rentabilité a assurer, la diminution de
leur clientèle diminue la fréquence des services et augmente les
prix.
Il y a des solutions immédiates: couloirs de
circulation réservés aux bus, tram et bus gratuits, parking
payant partout où il y a saturation; le contrôle des parcmètres
ouvrirait des emplois compensant la suppression des receveurs de
tram, le produit des parcmètres couvrirait les frais de
transports en commun. Mais ces solutions vont à rencontre d'un
individualisme et d'un fétichisme de l'«
auto-symbole-de-promotion-sociale » qui s'étayent mutuellement.
Cette asphyxie du centre urbain - qui est aussi
celle des citadins par les gaz d'échappement - et l'augmentation
du prix des terrains arrivent à contre-balancer les avantages de
l'accès à un grand réservoir de main-d'œuvre et de
communications faciles a l'origine. L'asphyxie conduit à la
désintégration urbaine, c'est-à-dire à « une certaine migration
des commerces, des bureaux et même des centres culturels et de
délassement vers la périphérie, provoquant dans bien des cas le
dépérissement de la cité ». Cette décentralisation de l'emploi
n'affecte cependant pas uniformément tous les secteurs
d'activité.
Les usines semi-automatisées qui emploient
surtout des manœuvres spécialisés, peuvent facilement
s'implanter à la campagne et puiser l'essentiel de leur
main-d'œuvre dans la population locale; les salaires plus bas
compensent, pour le patron, les appointements plus élevés qui
ont convaincu quelques cadres et techniciens de quitter la
grande ville. Par contre, les usines qui emploient
essentiellement des ouvriers professionnels et des techniciens,
les bureaux d'étude, les organisations commerciales et les
administrations ont besoin de pouvoir choisir leur main-d'œuvre
qualifiée dans la grande ville où elle est d'ailleurs moins
chère.
Cette restriction est-elle provisoire, et
allons-nous vers une dispersion uniforme de l'habitat et de
l'emploi? On peut croire que le développement des moyens de
communication électroniques va permettre aux gens de travailler
ensemble tout en étant très éloignés dans l’espace, donc sans
devoir s’entasser dans des bureaux; on retournerait au travail à
domicile, et celui-ci pourrait être choisi avec la plus grande
liberté. Mais rien ne dit que cette liberté conduira à une
dispersion toujours plus grands à l'époque où la distinction
entre lieu de travail et lieu de repos s'estompera en même temps
que la distinction entre travail et loisir, c'est-à-dire à
l'époque du socialisme avancé.
Si aujourd'hui beaucoup s'isolent dans leur
maison de banlieue ou de campagne - ou rêvent de pouvoir le
faire - c'est pour échapper aux agressions de l'usine et de la
rue. Quand celles-ci auront disparu, le besoin de vivre en
société peut prendre le dessus.
L'urbanisation de la Wallonie
En fait, il est hasardeux de deviner comment
voudront vivre nos descendants libérés de contraintes qui
déterminent fortement nos propres jugements; il faut donc rester
à l'affût des tendances qui se font jour dans les pays
industriels les plus avancés. On y constate que dans certaines
régions fortement peuplées, les villes en s'étendant finissent
par former une agglomération à plus grande échelle, appelée
conurbation ou nébuleuse: la « mégapolis » du nord-est des
Etats-Unis qui s'allonge de Washington à Boston ou la Randstad
Holland qui englobe Rotterdam, La Haye et Amsterdam.
On constate aussi qu'on y demande de nouveaux
moyens de transport en commun et que là où ils existent
apparaissent des « super-blocs, véritables villes dans la ville,
unités intégrées de commerce, de bureaux et d'appartements où le
piéton est roi, mais construites au-dessus des gares de chemins
de fer et de métro ». De cette modalité de renouveau du centre
urbain, le Centre Rogier offre un premier exemple en Belgique.
La mégapolis du nord-est des Etats-Unis ne
souffre pas seulement de la congestion de ses autoroutes, mais
aussi de celle des aérodromes. A cette super-ville, il faut un
super-métro et qui approche de la vitesse de l'avion. Or, de
nouvelles techniques de transport terrestre font l'objet
d'études, surtout en France et aux Etats-Unis, où les pouvoirs
publics ont déjà accordé d'importants contrats d'étude aux plus
grosses sociétés industrielles. Moteur électrique linéaire,
coussin d'air, train suspendu, tunnel «vide», une combinaison de
plusieurs de ces techniques peut donner dans peu d'années un
véhicule terrestre qui circule à une vitesse moyenne de l'ordre
de 300 km/h.
Son installation sera plus coûteuse que celle du
chemin de fer classique, du fait des techniques mêmes et parce
que, pour exploiter ses avantages, il doit pénétrer au centre
même des villes existantes. Il ne sera rentable que là où le
débit peut devenir très important, c'est-à-dire entre les
centres de quelques villes qui ont formé une nébuleuse urbaine.
Inversement, si les pouvoirs publics font le
sacrifice de l'implantation d'un tel moyen de transport dans une
région où la population est dense mais dispersée, comme le
sillon industriel wallon, cette région peut devenir une vraie
ville. Mais l'augmentation de la vitesse des transports en
commun n'est pas le seul axe des recherches en cours. Le
transport individuel peut aussi évoluer. La voiture électrique
diminuera bientôt la pollution atmosphérique dans les villes. Un
ordinateur pourrait agglomérer les voitures en « trains » et les
téléguider sur les autoroutes pour laisser le conducteur
reprendre son autonomie sur les petites routes; on évite ainsi
le transbordement de l'usager dans des gares-parkings et la
distinction entre transport individuel et transport en commun
tend à s'estomper.
Il est clair que cet autre axe de développement
est lié à la dispersion de l'habitat, qui n'est pas une donnée
immuable. P. Laconte écrit dans Synthèses que « le visage futur
des villes, lieux d'échanges, sera fonction essentiellement des
techniques de transport qui y domineront ». On peut aller plus
loin et dire que le projet urbanistique futur associera
étroitement l'aménagement de l'espace et le choix des techniques
de transport et de communication, donc le choix des voies de
développement technologique.
On voit dès à présent qu'il faudra choisir entre
une certaine concentration de l'emploi et de l'habitat, associée
à un moyen de transport en commun rapide et un habitat dispersé
associé à des transports individuels sophistiqués. Des choix
comme celui-ci seront l'objet par excellence de la démocratie
socialiste.
L'unitarisme et les contradictions qu'il
engendre
Une ville, en un sens, n'est qu'un espace où
sont concentrés des emplois de transport permettant à n’importe
qui d’aller travailler n’importe où. Si on considère que les
gens admettent, en moyenne de consacrer une à deux heures par
jour au trajet domicile-travail, une ville peut avoir, avec les
moyens de transport actuels, un rayon maximum de 300 Km, et les
nébuleuses actuelles pourront devenir de vraies villes.
Dans les réalisations en cours, on distingue
déjà cette tendance. A côté du métro classique, destiné à
décongestionner la circulation en surface dans le centre de la
vieille ville, comme on en construit encore à Stochholm,
Bruxelles, Rotterdam ou Prague, il y a déjà d’autres
réalisations. Celles-ci font toujours appel à la technique
classique de la roue porteuse et motrice mais poussée à la
limite de ses possibilités et réunissent un chapelet de villes
importantes. Le Tokaïdo couvre les 500 Km de Tokyo à Osaka en
trois heures avec un dizaine d’arrêts. Le Bay Area Rapid Transit
décrit une boucle de 100 Km autour de la Baie de San Francisco.
On peut dire que le véritable métro de Bruxelles
n’est pas celui que l’on construit, mais le réseau de la SNCB
Gand, Anvers, Mons, Charleroi et Namur sont des villes
satellites de Bruxelles avec laquelle elles forment une
conurbation de 6 millions d’habitants.
La SNCB en est bien le métro, utilisé
par 150.000 provinciaux qui viennent travailler chaque jour au
centre de Bruxelles. On peut se féliciter de l’existence de ces
villes satellites qui manquent cruellement à d’autres capitales,
qui équilibrent l’attraction du centre et lui évitent une
congestion insurmontable. Cet équilibre existe avec Anvers et
Gand, puisque les investissements industriels en Flandre ont
permis une certaine migration de Flamands de Bruxelles vers la
Flandre.
Mais on ne peut pas parler d’équilibre entre
Bruxelles et le Hainaut dont le déclin économique pousse les
habitants à Bruxelles comme immigrants ou navetteurs. Par ce
double mouvement, la population de Bruxelles est de plus en plus
francophone. Mais elle trouve, sur les lieux de travail, un
bilinguisme qui entre de plus en plus dans les faits sous la
triple poussée des revendications culturelles flamandes du
développement industriel de la Flandre et de la concentration
commerciale et administrative dans la capitale.
Pour les trois composants de cette
conurbation belge, les contradictions économiques, culturelles
et territoriale sont étroitement imbriquées : les Flamands ont
vu, dans leur région, l’industrie se développer, mais autour
d’un pôle qui exerce une attraction grandissante toute en leur
restant étranger, bien qu’établi sur leur territoire. Les
Wallons, devant l’hémorragie de l’emploi, ont le choix entre la
navette et le déménagement à Bruxelles où le handicap de leur
unilinguisme s’ajoute à leur rancœur. Le Bruxellois se décide
alors à repasser la frontière linguistique et répand la laideur
de la banlieue sur le Brabant wallon, retournant à mi-chemin
d’où vient le nouvel immigrant wallon. Avantage du contact des
cultures ? Les deux moitiés de l’université de Louvain
s’ignorent : à l’Université de Bruxelles, on demande le
dédoublement complet ainsi que d’autres institutions.
Le fédéralisme permettrait un autre
aménagement du territoire
On peut croire la centralisation irréversible et
juger le fédéralisme utopique ou inadéquat. Mais il faut se
rappeler que cette concentration urbaine de l’emploi est d’abord
un aspect de la concentration capitaliste au profit d'une
bourgeoisie qui camoufle son pouvoir derrière ces contradictions
culturelles et territoriales.
On peut répondre que la concentration du capital
n'est qu'un aspect d'une socialisation croissante du processus
de production et qui se poursuivrait après l'élimination du
capital.
Mais après cette élimination, dès à présent
s'ils le veulent, les travailleurs pourront choisir le cadre de
cette socialisation. Et plutôt que de continuer à cohabiter en
s'ignorant dans le magma urbain de Bruxelles et ses villes
satellites, juger préférable de reconstruire progressivement
l'emploi et l'habitat selon les possibilités de la technique la
plus récente et d'un terrain relativement vierge en plein cœur
de la Flandre et de la Wallonie.
Or, les infrastructures urbaines ont la force de
leur durée qu'on ne peut supprimer d'un trait de plume ou d’un
vote. Pour renverser la vapeur, la Flandre et la Wallonie ont
besoin chacune d'un pôle d'attraction à opposer à Bruxelles. En
Flandre, Anvers peut jouer ce rôle. En Wallonie, il y a au moins
deux centres secondaires: Liège et Charleroi, quatre avec Namur
et
Mons, dont les particularismes sont exacerbés
par l’immobilisme devant la décadence.
Pour que ce sillon industriel wallon cesse de
devenir la banlieue grise de Bruxelles, il faut, bien sûr, y
créer de nouvelles entreprises que le capitalisme refuse, mais
il faut aussi en faire une ville, une seule ville. Le nouveau
moyen de transport qui va voir le jour en offre la possibilité.
Les vieilles concentrations urbaines et
industrielles qui groupent l'essentiel de la population wallonne
sont précisément alignées dans ce sillon Sambre et Meuse. Une
seule ligne de super-métro suffit donc et est immédiatement «
rentable ».
La mise au point et la construction de ce
super-métro est d'ailleurs un domaine d'activité tout trouvé
pour notre construction électromécanique à la recherche de
nouveaux produits. Suivant l'époque où serait prise la décision
de le construire, ce super-métro pourrait d'ailleurs appliquer
l'état le plus avancé des techniques classiques plutôt que des
techniques nouvelles. Cela, c'est l'affaire du technicien.
Celle du citoyen est de savoir que la
centralisation - démocratique - de la production et de la
gestion autour d'un pôle wallon plutôt que du pôle bruxellois
demande un nouveau moyen de transport assez rapide pour faire de
la Wallonie une ville unique. C'est peut-être une condition de
succès de la voie « Fédéralisme et réformes de structure ».
« II faut rêver » disait déjà Lénine
Sacrifions à l'utopie : dans vingt ans, en 1990,
l'Etat fédéré wallon a créé quelques industries modernes à Liège
et à Charleroi, une partie importante des ministères est
installée à Namur. Le super-métro permet d'aller de Lille à
Aix-la-Chapelle en une heure une ligne perpendiculaire met la
cité administrative ou l'Université de Namur à dix minutes de
l'aéroport, toujours à Zaventem, ou du Centre européen de
recherches nucléaires de Focant.
Grâce à cette ligne Nord-Sud, des Bruxellois de
plus en plus nombreux viennent travailler à la cité
administrative de Namur. Des lignes transversales de métro
classique à Liège, Charleroi, La Louvière et Mons rapprochent la
population et les entreprises des gares du super-métro. La
voiture particulière reste le complément de ce réseau de
transports en commun, car la répartition de l'habitat, encore
relativement vétusté, a peu évolué; on a donné la priorité à la
reconstruction d'une industrie et aux transports.
On a cependant commencé à construire sur le
plateau du Condroz, parallèlement à la vallée de la Meuse, un
chapelet de « villages verticaux », distants de 5 km, qui
groupent chacun, dans un bâtiment unique, au milieu d'un parc de
500 hectares, le logement de vingt mille habitants, et tous les
services qui peuvent être décentralisés à cette échelle. Au
sous-sol, la gare du métro classique qui dessert le chapelet met
votre appartement à moins d'un quart d'heure de la gare de
super-métro la plus proche. Le plan prévoit de commencer en l'an
2000 la construction d'un chapelet analogue entre Namur et Mons.
La Gauche n'est pas une feuille de
science-fiction, me direz-vous; il faut abattre le capitalisme
et ensuite les travailleurs jugeront eux-mêmes de ce qui leur
convient. Sans doute, mais le socialisme n'est qu'un cadre. Pour
le rendre désirable, il faut meubler ce cadre des projets
possibles. Fédéralisme et réformes de structure, pour quoi
faire? Et que fabriquera-t-on dans ces entreprises d'initiative
publique qui doivent permettre une vraie reconversion?
Des critères doivent être définis, il faut
commencer à élaborer le plan économique et le plan d'aménagement
du territoire. Ces plans resteront généraux et relativement
abs-traits car le détail des possibilités technologiques futures
reste une inconnue. Mais il faut parfois en éclairer certaines
faces par un développement concret et précis, pour mettre en
évidence les possibilités que le capitalisme laisse en friche et
pour susciter un débat qui ravive l'intérêt des travailleurs
pour le Socialisme.
RESUMONS :
- Les villes, qui se sont étendues par l'auto,
étouffent par elle.
- La mobilité a apporté une certaine liberté,
mais pour pouvoir l'exercer, il faut retourner à l'emploi massif
du transport en commun.
- De nouvelles techniques de transport terrestre
en commun sont à l'étude.
- Les villes doivent être reconstruites en
fonction de ces transports et il est plus facile de construire
du neuf que d'adapter du vieux.
- En Belgique, la centralisation, dans la
capitale, de l'activité de deux peuples qui ont pris con-science,
l'un de son déclin, l'autre de sa personnalité culturelle puis
de son développement industriel, conduit à des conflits
culturels qui aident la bourgeoisie à préserver son pouvoir,
mais ajoutent aux contraintes matérielles de la vie urbaine.
- L'habitat d'un de ces peuples est partagé
entre cette capitale et un chapelet de bassins industriels qui
perdent rapidement leur emploi et plus lentement leur
population.
- Le pays noir devient la banlieue grise de
Bruxelles, relié à elle par ce médiocre métro de conurbation
qu'est le vieux chemin de fer.
- La disposition en long de ces vieilles
concentrations urbaines permet d'y utiliser immédiatement une
nouvelle infrastructure de transport en commun et d'y
reconstruire ensuite, progressivement, la ville nouvelle.
- Pour les Wallons, cette perspective se confond
avec celle du renouveau économique. Elle offre aux Bruxellois
une alternative à l'étouffement entre les Flamands et les autos.
Pour les Flamands, elle résout le problème de la
tache d'huile.
- Sans un tel plan de réaménagement du
territoire, le fédéralisme va à contre-courant d'une
centralisation croissante de l'activité sociale.
- Réciproquement, cette perspective urbanistique
n'est pas réalisable dans le cadre politico-économique actuel.
Préciser cette perspective et en débattre
doivent contribuer à donner aux gens la volonté de faire sauter
ce cadre. Mais le Bruxellois, en attendant de déménager dans sa
cité radieuse, peut rendre sa ville plus vivable en exigeant le
tram gratuit, financé par le parking payant généralisé.
Quant à cette nouvelle Wallonie, elle sera
d'autant plus facile à construire que la vieille Wallonie aura
pu se défendre, en exigeant son autoroute et surtout en luttant
pour la défense de l'emploi et pour de nouvelles structures
économiques. |