La productivité, c'est-à-dire la quantité
produite par travailleur, dépend de la rationalisation et des
investissements. Rationaliser, c'est tirer un meilleur parti des
moyens de production existants, tandis qu'investir, c'est
acquérir de nouveaux moyens de production.
La hausse des salaires peut se faire de deux
manières, soit en les augmentant au fur et à mesure de
l'accroissement de la productivité, soit en prélevant sur les
bénéfices.
Qu'il soit obtenu par la rationalisation ou par
l'investissement, l'accroissement de la productivité n'a qu'une
origine, la réduction du nombre de travailleurs pour une
production déterminée.
Il s'ensuit que le rattachement de la hausse des
salaires à l'augmentation de la productivité présente une série
de dangers, même en période de prospérité.
L'ensemble de la production, la production
nationale peut croître sensiblement sans que les travailleurs «
libérés » par les machines, puissent se recaser. Même s'il y a
le plein emploi, les travailleurs mis en chômage ne trouvent pas
toujours facilement une nouvelle place. Les industriels qui les
ont renvoyés pour augmenter les bénéfices, ne tirent pas
nécessairement un nouveau profit en créant de nouvelles
entreprises pour occuper le personnel disponible.
D'autre part, les travailleurs doivent subir un
entraînement de réadaptation qui n'est pas aisé, de sorte qu'ils
peuvent être amenés à accepter des besognes inférieures à leur
ancienne qualification.
L'Etat pourra prendre certaines mesures, mais l'Etat
qui nous dirige, qu'il y ait des ministres socialistes ou non,
est un Etat capitaliste dont le but et la structure ne le
destinent pas à créer des entreprises industrielles et à, de ce
fait, des moyens limités dans ce domaine.
Il encouragera les industriels en donnant des
subventions, en accordant des abattements fiscaux importants et
en créant, avec la collaboration des autorités locales, des
zones industrielles où le terrain sera vendu à bas prix. En un
mot, avec l'argent de tous, il fera des cadeaux aux capitalistes
pour les encourager à faire des affaires, sans pour autant
arriver au résultat souhaité.
L'Etat pourra organiser des cours de
réadaptation, mais avec l'accélération du progrès technique il
arrivera un moment où, comme aux Etats-Unis, on ignorera quel
enseignement il faudra donner, le caractère des emplois à
trouver dans les industries les plus nouvelles évoluant
constamment. C'est la raison pour laquelle les cours destinés
aux chômeurs, qui se comptent par millions, ont si peu de succès
en Amérique.
Cette situation ne tient pas à « la nature des
choses » mais à un manque de vue globale dû à l'anarchie de la
production capitaliste. Or, celle-ci n'est pas à l'abri des
crises économiques. S'il y a déjà des difficultés en période de
prospérité, qu'arrivera-t-il en cas de dépression, quand des
milliers et des milliers de travailleurs de ce pays seront jetés
sur le pavé?
Il est donc erroné de
lier l'élévation des revenus du travail à l'accroissement de la
productivité. Celui-ci ne peut indiquer que le minimum de la
hausse des salaires à revendiquer.
L'objection des capitalistes est qu'une hausse
trop grande réduit la part nécessaire aux investissements. Mais
qu'est-ce qu'une hausse trop grande et quelle est la part
nécessaire? Est-ce celles qu'ils disent? Ils sont trop
intéressés pour dire vrai.
Les travailleurs sauront où en sont les choses
en établissant le contrôle ouvrier, en attendant les
nationalisations si nécessaires qui constituent les réformes de
structures anticapitalistes essentielles. |