Le
mouvement ouvrier international, la révolution coloniale, ont
subi une terrible défaite en Indonésie. Depuis octobre 1965,
une véritable terreur blanche a provoqué l'assassinat de
milliers de militants communistes et d'autres groupements de
gauche. L'ampleur de ce massacre n'a guère provoqué de
commentaires désapprobateurs de la part de la presse
occidentale, si « humaniste »
et si sensible à la « défense des droits de la personne
humaine » lorsqu'une révolution victorieuse élimine quelques
bourreaux ayant commis des crimes immondes a l'égard du peuple,
comme l'avait fait la révolution cubaine en 1959.
Une
répression féroce
Or,
la vague de terreur qui a déferlé sur l'Indonésie a causé
d'innombrables victimes. Soukarno lui-même a officiellement
reconnu qu'il y a eu 37.000 morts. Fidel Castro, à la conférence
tricontinentale, a parlé de 100.000 morts. Des observateurs
occidentaux sur place ont avancé le chiffre de 120 à 125.000
travailleurs et militants assassinés, et certaines sources
parlent même de 150.000 ou 200.000 morts.
Des
journalistes représentant des organes de presse de droite
conservateurs, tel l'envoyé spécial de la « Frankfurter
Allgemeine Zeitung », du « Sunday Times » (de Londres) ou de
la « National-Zeitung» de Baie, ont donné une description détaillée
de la terreur dans certaines parties du pays. Le reportage de
l'envoyé spécial de la « Frankfurter Allgemeine Zeitung
» à l'île de Bali, considéré jadis comme une forteresse
communiste, est terrifiant. On y trouve la description de
cadavres allongés le long des routes ou jetés en vrac dans des
fossés, de villages brûlés à moitié, de paysans qui n'osent
plus sortir de leurs cages. On y trouve égale-ment le récit
hallucinant de la peur qui s'est abattue sur une grande partie
du peuple, et qui a amené des gens soupçonnés d'être
communistes, a tuer de leurs propres mains leurs prétendus
camarades, pour démontrer aux militaires féroces « qu'ils
n'en étaient pas ».
A
côté des morts il y a d'innombrables autres victimes de la répression.
Le chiffre de 250.000 militants ou sympathisants d'extrême-gauche
emprisonnés à été avancé. Lorsqu'au début du mois
d'octobre 1965, certains syndicats ont essayé de réagir
timidement contre la vague de terreur contre-révolutionnaire,
on a purement et simplement licencié tous les travailleurs entrés
en grève. Selon le « Sunday Times », dans le nord de l'île
de Sumatra, 4.000 travailleurs des services publics et
fonctionnaires ont été licenciés sous le soupçon d'être des
communistes. Une épuration monstre a éliminé tous les «
suspects » des ministères, de la presse, des entreprises
d'intérêt vital pour l'économie du pays. Dans un pays où règne
un chômage endémique et une misère croissante, le renvoi de
ces travailleurs condamne leurs familles à une véritable
famine. Cent mille familles endeuillées, plusieurs centaines de
milliers acculées à l'extrême dénuement, tel semble bien être
le bilan provisoire de cette vague de « terreur blanche »
qui s'est abattue à partir du 1" octobre 1965 sur
l'archipel indonésien.
Devant
pareil massacre et pareille répression, le premier devoir de
tout socialiste, de tout être humain qui conserve un minimum de
sentiments d'humanité, est celui de protester de toutes ses
forces contre le meurtre collectif dont les communistes et les
hommes de gauche sont actuellement les victimes en Indonésie.
La guerre du Vietnam a commencé à émouvoir l'opinion
publique, du fait des atrocités qui y sont perpétrées par les
impérialistes. Mais il faut bien le reconnaître : il est tombé
beaucoup plus de victimes, en quelques semaines de répression
contre-révolutionnaire en Indonésie, qu'en plusieurs années
de guerre civile au Vietnam.
Cela
démontre une fois de plus que devant un ennemi décidé à
employer tous les moyens, même les plus barbares, pour
maintenir la domination de classe, faire la révolution, y
compris la révolution armée, c'est en fin de compte plus
rationnel, et cela permet de sauver des vies humaines, même si
l'on se place sur le plan purement humaniste (sans parler du
fait que dans le premier cas, les morts sont morts pour rien,
alors que leur peuple s'enfonce de plus en plus dans la misère,
tandis que dans l'autre cas les sacrifices du peuple lui
permettent au moins de construire une société nouvelle, et de
sortir de siècles de prostration et d'exploitation féroce).
On
attend que tous les défenseurs des droits de l'homme élèvent
leur protestation véhémente contre le massacre de communistes
en Indonésie. On attend une dénonciation non moins véhémente
des auteurs de ces crimes et de leurs complices, qui ont laissé
faire ou couvert ces crimes, au moins en partie, comme Soukarno
lui-même. On note, sans grande surprise, que la plupart de ces
« humanistes » et de ces « libéraux » d'Occident se sont
tus jusqu'ici. Et on note aussi que pas mal de partis
communistes eux-mêmes se trouvent parmi ceux qui se sont tus
jusqu'ici...
L’aboutissement
inévitable d’une fausse orientation politique
Mais
notre réaction devant l'effroyable terreur qui s'est abattue
sur le peuple indonésien ne peut pas se limiter à dénoncer
les responsables des massacres et à réclamer la libération
des prisonniers (à commencer par Njono, le président des
syndicats indonésiens SOBSI, dont le procès a actuellement
lieu à Djakarta et qui est frappé d'une peine de mort) et le
châtiment exemplaire des assassins. Elle doit aussi porter sur
l'examen de la cause de cette défaite terrible que le mouvement
ouvrier international a subie en Indonésie. Car les militants
et travailleurs indonésiens seraient morts en vain si dans leur
propre pays et dans des pays étrangers, le mouvement ouvrier ne
tirait pas toutes les leçons de cette défaite et ne modifiait
pas sa tactique, tenant compte des leçons d'Indonésie.
La
question qui vient, la première, à l'esprit, c'est de savoir
comment un parti communiste qui comptait 3 millions de membres
et plus de 10 millions de sympathisants organisés dans toutes
sortes d« organisations de masse » (groupements de
jeunes, de femmes et de paysans, ainsi que des syndicats dirigés
par le P.K.I.) pouvait être écrasé du jour au lendemain, en
octobre 1965, par un adversaire certainement inférieur en
nombre.
La
réponse tient essentiellement en deux points : l'ennemi réactionnaire
a pu agir par surprise, c'est-à-dire les masses n'ont pas été
systématiquement préparées à cette confrontation inévitable
avec l'armée réactionnaire ; l'initiative a été laissée à
l'ennemi réactionnaire, c'est-à-dire que la direction du
P.K.I. n'a pas profité des innombrables actions des masses au
cours des dernières années pour organiser une offensive systématique
en vue de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et la
paysannerie pauvre.
Et
ce qui est sous-jacent à cette tactique erronée, c'est une
conception théorique fausse des conditions d'une victoire de la
révolution coloniale, et de la nature de l'Etat apparu dans les
pays coloniaux qui ont conquis leur indépendance politique,
mais qui ne se sont pas encore libérés de l'exploitation
capitaliste.
Front
national, ou front ouvrier et paysan ?
Les
pays jadis colonisés, qui viennent de conquérir leur indépendance
politique, sont le produit d'un développement historique
particulier. Alors qu'existent déjà une industrie et un prolétariat
modernes, les tâches historiques classiques de la révolution
national-bourgeoise (par exemple : la révolution des Pays-Bas
du XVIe siècle; la révolution anglaise du XVIIe siècle; la révolution
américaine et la révolution française du XVIIIe siècle) n'y
ont pas été réalisées. Il n'y a pas de véritable unité
nationale, mais un conglomérat de régions, sinon de tribus,
fortement frappées par le particularisme. La terre n'y
appartient pas aux paysans, mais est dans des proportions plus
ou moins grandes, entre les mains de compagnies étrangères de
plantations et de propriétaires fonciers indigènes semi-féodaux
ou capitalistes. Une partie importante de la population rurale
souffre du sous-emploi et du chômage. Il n'y a donc pas de
marché intérieur qui permette une industrialisation
importante. L'économie du pays est axée sur l'exportation de
quelques matières premières ou produits agricoles vers le
marché mondial, ce qui implique un important transfert de
valeur (une importante surexploitation) du pays au profit des
pays industrialisés.
Mais
au sein de cette société sous-développée, le véritable maître
est l'impérialisme étranger et ses agents indigènes. Il n'y a
pas de classe bourgeoise « nationale » capable de mener une
lutte résolue et victorieuse contre l'impérialisme, de joindre
l'indépendance économique à l'indépendance politique,
d'assurer une véritable croissance économique, de réaliser le
plein emploi. La faiblesse numérique et économique des classes
possédantes indigènes, et leurs liens étroits avec la propriété
foncière, les rendent inaptes à réaliser une véritable révolution
agraire. Et sans cette révolution agraire, l'industrialisation
est impossible.
Depuis
un demi-siècle l'expérience l'a confirmé dans tous les cas :
ou bien le mouvement d'émancipation des pays jadis colonisés
reste sous la direction de ces classes possédantes indigènes
ou de groupes petits-bourgeois qui ne peuvent pas rompre résolument
avec l'économie capitaliste - et dans ce cas les tâches
fondamentales de la révolution coloniale, avant tout la révolution
agraire, restent sans solution, et le pays reste condamné à la
stagnation dans la misère, et à la crise sociale incessante ;
ou bien la direction du mouvement d'émancipation est conquise
par la classe ouvrière alliée à la paysannerie pauvre, la révolution
est conduite jusqu'à l'expropriation de l'impérialisme et des
classes possédantes indigènes, la réforme agraire est complètement
réalisée - et dans ce cas il faut remplacer l'Etat bourgeois
par un Etat issu des masses laborieuses, et commencer la
construction d'une économie socialiste.
Partout
où la direction de la révolution est restée entre les mains
de « fronts nationaux » en fait dirigés par la bourgeoisie
« nationale » ou par des groupes petits-bourgeois, il n'y
a pas eu de révolution agraire radicale, l'Etat est resté
foncièrement un Etat bourgeois, et la réaction pouvait à tout
instant rompre ce front et déclencher une répression féroce
contre les travailleurs. Partout où la révolution est passée
sous la direction du prolétariat s'appuyant sur la paysannerie
pauvre, il a fallu détruire l'Etat bourgeois et créer un Etat
entièrement nouveau pour mener à bien, ne fût-ce que la réforme
agraire radicale (Chine, Vietnam, Cuba).
Les
dirigeants du P.K.I. n'ont pas assimilé ces leçons de
l'histoire. Traumatisés par des erreurs « putchistes » et
« aventuristes » commises par leurs prédécesseurs
- les dirigeants du P.K.I. à l'époque des « incidents de
Madioun » de 1948 - ils ont à tout prix voulu « coller
» au groupe Soukarno, représentant la bourgeoisie nationale.
Ils ont donc suivi une politique de « front national uni
». Ils ont accepté la suspension partielle des libertés démocratiques
par Soukarno au début des années '60. Ils sont entrés dans le
NASAKOM (front national groupant les nationalistes de Soukarno,
le groupement des musulmans - groupement réactionnaire qui a été
à l'avant-garde de la terreur anticommuniste depuis octobre
1965 - et le P.K.I.). Ils sont entrés dans le gouvernement de
coalition dont faisait notamment partie le chef de l'armée
ultra-réactionnaire.
Leur
ligne politique a été, depuis cinq ans, la défense de cette
formule de front national, et non pas la propagande pour un
gouvernement ouvrier et paysan. Ils n'ont pas misé sur la conquête
du pouvoir par les masses, mais sur la lente « conquête de
l'intérieur » du pouvoir d'Etat. Et cette politique s'est
appuyée sur une caractérisation fausse, de la nature de cet
appareil d'Etat, caractérisation formulée de la manière
suivante par D.N. Aidit, le chef du P.K.I. : « A présent, le
pouvoir d'Etat en République indonésienne comprend deux côtés
antagonistes, dont l'un représente les intérêts du peuple (le
soutien du peuple) et l'autre les intérêts de l'ennemi du
peuple (l'opposition au peuple). Le côté soutenant le peuple
se renforçant tous les jours, le gouvernement de la République
indonésienne est à même d'adopter des mesures révolutionnaires
anti-impérialistes » (D.N. Aidit : « La révolution indonésienne
et les tâches immédiates du Parti Communiste indonésien »,
Editions en langues étrangères, Pékin 1965, pp. 137-8).
Pour
un marxiste, tout appareil d'Etat, quels que soient ses côtés
antagonistes, sert toujours fondamentalement les intérêts de
la domination d'une classe contre une autre. L'Etat, disait Frédéric
Engels, c'est en dernière analyse un groupe d'hommes armés.
Les intérêts de quelle classe l'Etat indonésien et l'armée
indonésienne ont-ils servis ? Les événements d'octobre 1965
ne laissent pas le moindre doute quant à la réponse qu'il faut
donner à cette question : les intérêts de la bourgeoisie dite
« nationale ».
Certes,
les contradictions entre la bourgeoisie « nationale » des
paysans nouvellement indépendants et l'impérialisme, sont
multiples. Devant les conflits ainsi provoqués, le mouvement
ouvrier n'est pas neutre ; il doit s'engager résolument dans la
lutte anti-impérialiste. Le P.K.I. a eu raison d'appuyer la
lutte du peuple indonésien contre l'impérialisme néerlandais
d'abord, contre la Grande-Malaisie ensuite. Mais il a eu tort de
déduire de ces luttes la nécessité d'un front unique
permanent avec cette bourgeoisie « nationale », qui
impliquait en fait sa subordination à la direction bourgeoise
de Soukarno, et l'absence de toute critique à son égard. Il a
eu tort de s'abstenir pendant des années d'une lutte pour
appuyer les revendications des masses populaires indonésiennes
sur le plan économique et social intérieur, subordonnant
celles-ci délibérément au maintien du « front national »
avec ceux-là qui étaient responsables de la misère des
masses.
Car
c'est un fait que la situation économique n'a cessé d'empirer,
que dans l'industrie, les moyens de production n'étaient employés
qu'a concurrence de 30%, que les deniers publics étaient
gaspillés en dépenses de « prestige », que l'armée
administrait à sa guise (c'est-à-dire pillait sur grande échelle)
les biens étrangers réquisitionnés, que la réforme agraire
restait sur le papier, que l'inflation est devenue galopante,
que les vivres se sont fait de plus en plus rares. Avec une
orientation correcte, le P.K.I. aurait pu stimuler la lutte des
masses, partant de leurs justes revendications immédiates, pour
les amener à la conquête du pouvoir. La politique du « front
national » a laissé l'initiative à l'ennemi, jusqu'à ce
qu'il fût trop tard.
La
défaite indonésienne et le conflit sino-soviétique
II
est incontestable que les vues erronées des dirigeants du
P.K.I. sont nettement inspirées par des théories défendues
par les dirigeants soviétiques, à l'époque de Staline et à
celle de Khrouchtchev. Toutes leurs conceptions sur l'appareil
d'Etat indonésien, sur le front national, sur la nécessité de
« l'unité », sont copiées du programme du P.C.U.S. avec
ses thèses sur
« l'Etat
de démocratie nationale ». Même après le coup d'Etat des généraux
réactionnaires, les porte-parole des P.C. pro-soviétiques ont
d'ailleurs continué à faire la cour à Soukarno et à prôner
le rétablissement du NASAKOM et de « l'unité nationale
» (voir notamment « Neues Deutschland » du 24 octobre 1965).
Ils ont reproché aux dirigeants du P.K.I. des « erreurs
gauchistes », alors que ceux-ci étaient coupables d'erreurs
opportunistes de droite.
Il
faut ajouter également qu'une bonne partie des armes avec
lesquelles l'armée réactionnaire a massacré des dizaines et
des dizaines de milliers de communistes et de travailleurs indonésiens
sont d'origine soviétique. Etait-il si difficile de prévoir
que cette bourgeoisie et que cette armée, qui, en paroles, se
« battaient » tellement contre l'impérialisme,
utiliserait, en pratique, le gros de l'aide ainsi reçue, non
contre l'impérialisme, mais contre les masses populaires de son
propre pays ?
Ce
qui est cependant significatif, c est que le P K l avec son
orientation opportuniste fondée sur la collaboration avec la
bourgeoisie « nationale », faisait partie non pas du camp soviétique
mais du camp chinois. Or, les dirigeants communistes chinois ont
couvert toutes ses erreurs, ne leur ont adressé aucune critique
publique. Ils en partagent, par conséquent, la responsabilité
avec les dirigeants soviétiques.
Pourtant,
dans de nombreux articles consacrés à l'histoire de la révolution
chinoise de 1925-27, dans de nombreuses critiques du «révisionnisme
khrouchtchévien », des opinions de Togliatti etc. les
dirigeants chinois avaient jugé sévèrement la thèse selon
laquelle il pouvait y avoir à notre époque, un Etat ni
bourgeois ni socialiste. Ils avaient jugé sévèrement l’idée
du bloc avec la bourgeoisie nationale, laissée sous la
direction de celle-ci, l'illusion que cette bourgeoisie était
capable de mener une lutte conséquente contre l'impérialisme.
Or, les dirigeants du P.K.I. se sont rendu coupables de toutes
ces erreurs, lourdes de conséquence. Les chefs du P C chinois
se sont tus à leur sujet.
Pourquoi
ont-ils eu cette attitude sans principes, en contradiction
flagrante avec leurs propres idées ? D'abord, parce que dans la
lutte au sein du mouvement communiste international, les
dirigeants chinois ont cherché à regrouper le maximum de
partisans appliquant le principe : nous nous abstiendrons de
critiquer publiquement tous ceux qui s'abstiendront de critiquer
le P.C. chinois. Pareil « principe » est inadmissible quand
des questions vitales du mouvement ouvrier, dont peut dépendre
la vie et la mort de millions d'êtres humains, sont en jeu.
Ensuite,
parce que le gouvernement chinois - de même d'ailleurs que le
gouvernement soviétique - a cherché à gagner l'appui de
Soukarno pour son jeu diplomatique, et parce qu'il applique le
« principe » de Staline, selon lequel le mouvement communiste
doit s'aligner complètement sur les manœuvres diplomatiques de
l'Etat dit socialiste. Ce « principe » est néfaste pour le
mouvement ouvrier et contraire aux pratiques de l'époque de Lénine.
Lorsque la Russie soviétique conclut des traités avec l'impérialisme
allemand - à Brest-Litovsk en 1918, à Rapallo en 1921 - les
communistes allemands n'en déduirent point, à cette
époque,
qu'ils devaient mettre en sourdine la lutte révolutionnaire
contre leur propre gouvernement. Mais à l'époque de Staline,
l'alliance temporaire d'une bourgeoisie avec l'U.R.S.S.
impliquait automatiquement la mise en sourdine de la lutte
communiste contre cette bourgeoisie. Les dirigeants chinois
imitent Staline à ce propos. Les communistes indonésiens l'ont
lourdement payé.
Certes,
la lutte n'est pas terminée en Indonésie. Une partie des
cadres communistes a pu prendre le maquis. Le mécontentement
des masses affamées augmente de jour en jour ; ce n'est pas
avec des massacres qu'on remplira le ventre creux des
travailleurs et des paysans.
La
révolte s'amplifiera contre un régime corrompu. Soukarno le
comprend et reprend son éternel jeu de bascule ; il vient d'éliminer
le plus féroce des généraux de son cabinet. Le peuple pourra
encore prendre sa revanche. Mais les cent mille morts ne seront
pas ressuscités. Et une politique juste aurait pu éviter en
grande partie ces pertes et cette défaite très lourdes.
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