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Initiation à la théorie économique marxiste

II . Le capital et le capitalisme

Ernest Mandel - Archives internet
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Le capital dans la société précapitaliste 

Entre la société primitive qui est encore fondée sur une économie naturelle, dans laquelle on ne produit que des valeurs d'usage destinées à être consommées par les producteurs eux-mêmes, et la société capitaliste, s'intercale une période de l'histoire de l'humanité qui recouvre, au fond, toutes les civilisations humaines qui se sont arrê­tées au bord du capitalisme. Le marxisme la défi­nit comme la société de la petite production marchande. C'est donc une société qui connaît déjà la production de marchandises, de biens destinés non pas à la consommation directe des produc­teurs mais destinés à être échangés sur le marché, mais dans laquelle cette production marchande ne s'est pas encore généralisée comme dans la société capitaliste.

Dans une société fondée sur la petite production marchande, il y a deux sortes d'opérations économiques qui s'effectuent. Les paysans et les artisans qui vont au marché avec les produits de leur travail veulent vendre ces marchandises, dont ils ne peuvent pas directement utiliser la valeur d'usage, afin d'obtenir de l'argent, des moyens d'échange pour acquérir d'autres mar­chandises dont la valeur d'usage leur fait défaut ou est pour eux plus importante que la valeur d'usage des marchandises dont ils sont propriétai­res.

Le paysan se rend au marché avec du blé, il vend du blé pour de l'argent et avec cet argent il achète par exemple du drap. L'artisan vient au marché avec du drap, il vend son drap pour de l'argent, et avec cet argent il achète par exemple du blé.

Il s'agit donc de l'opération : vendre pour ache­ter, Marchandise - Argent - Marchandise, M - A - M, qui se caractérise par un fait essentiel : dans cette formule, la valeur des deux extrêmes est, par définition, exactement la même.

Mais dans la petite production marchande apparaît, à côté de l'artisan, un autre personnage qui effectue une opération économique diffé­rente. Au lieu de vendre pour acheter, il va ache­ter pour vendre. C'est un homme qui se rend au marché sans avoir en main une marchandise, c'est un propriétaire d'argent. L'argent vous ne pouvez pas le vendre; mais vous pouvez l'utiliser pour acheter, et c'est ce qu'il fait : acheter pour ven­dre, afin de revendre : A - M - A'.

Il y a une différence fondamentale entre cette deuxième opération et la première. C'est que cette deuxième opération n'a pas de sens si au bout de l'opération, nous sommes devant exacte­ment la même valeur qu'au début. Personne n'achète une marchandise pour la revendre exac­tement au même prix auquel il l'avait achetée. L'opération : « acheter pour vendre » n'a de sens que si la vente procure un supplément de valeur, une plus-value. C'est pourquoi nous disons donc ici que par définition A' est plus grand que A et qu'il est composé de A + a, a étant la plus-value, l'accroissement de valeur de A.

Nous définirons maintenant le capital comme une valeur qui s'accroît d'une plus-value, que cela se passe au cours de la circulation des marchandises comme dans l'exemple que nous venons de choisir, ou que cela se passe dans la production, comme c'est le cas dans le régime capitaliste. Le capital est donc toute valeur qui s'accroît d'une plus-value, et ce capital n'existe pas seulement dans la société capitaliste, il existe aussi dans la société fondée sur la petite production mar­chande. Il faut donc distinguer très nettement l'existence du capital et l'existence du mode de production capitaliste, de la société capitaliste. Le capital est beaucoup plus ancien que le mode de production capitaliste. Le capital existe vraisem­blablement depuis près de 3 000 ans, tandis que le mode de production capitaliste n'a qu'à peine 200 ans.

Quelle est la forme du capital dans la société précapitaliste ? C'est essentiellement un capital usurier et un capital marchand ou commercial. Le passage de la société précapitaliste à la société capitaliste, c'est la pénétration du capital dans la sphère de la production. Le mode de production capitaliste est le premier mode de production, la première forme d'organisation sociale, dans les­quels le capital ne joue plus seulement le rôle d'intermédiaire et d'exploiteur de formes de pro­duction non capitalistes, qui restent fondées sur la petite production marchande, mais dans lesquels le capital s'est approprié les moyens de produc­tion et a pénétré dans la production proprement dite.

Les origines du mode de production capitaliste

Quelles sont les origines du mode de produc­tion capitaliste ? Quelles sont les origines de la société capitaliste telle qu'elle se développe depuis 200 ans ?

C'est d'abord la séparation des producteurs d'avec leurs moyens de production. C'est ensuite la constitution de ces moyens de production comme monopole entre les mains d'une seule classe sociale, la classe bourgeoise. Et c'est enfin l'apparition d'une autre classe sociale qui, elle, étant séparée de ses moyens de production, n'a plus d'autres ressources pour subsister que la vente de sa force de travail à la classe qui a mono­polisé les moyens de production.

Reprenons chacune de ces origines du mode de production capitaliste, qui sont en même temps les caractéristiques fondamentales du régime capitaliste lui-même.

Première caractéristique : séparation du pro­ducteur d'avec ses moyens de production. C'est la condition d'existence fondamentale du régime capitaliste, celle qui est la moins bien comprise. Prenons un exemple qui peut paraître paradoxal, celui de la société du haut moyen âge, caractéri­sée par le servage.

Nous savons que la masse des producteurs-pay­sans y sont des serfs attachés à la glèbe. Mais quand on dit que le serf est attaché à la glèbe, on implique que la glèbe est aussi attachée au serf, on est en présence d'une classe sociale qui a tou­jours une base pour subvenir à ses besoins, car le serf disposait d'une étendue de terre suffisante pour que le travail de deux bras, même avec les instruments les plus rudimentaires, puisse subve­nir aux besoins d'un ménage. On n'est pas en pré­sence de gens condamnés à mourir de faim s'ils ne vendent pas leur force de travail. Dans une telle société, il n'y a donc pas d'obligation économique d'aller louer ses bras, d'aller vendre sa force de travail à un capitaliste.

En d'autres termes : dans une société de ce genre, le régime capitaliste ne peut pas se déve­lopper. Il y a d'ailleurs une application moderne de cette vérité générale, à savoir la manière dont les colonialistes ont introduit le capitalisme dans les pays d'Afrique au XIXe et au début du XXe siè­cle.

Quelles étaient les conditions d'existence des habitants de tous les pays africains ? Ils prati­quaient l'élevage, la culture du sol, rudimentaire ou non selon la région, mais caractérisée de toute manière par une abondance relative de terres. Il n'y avait pas de pénurie de terres en Afrique ; il y avait au contraire une population qui, par rapport à l'étendue de terre, disposait de réserves prati­quement illimitées. Bien sûr, sur ces terres, avec des moyens d'agriculture très primitifs, la récolte est médiocre, le niveau de vie est extrêmement bas, etc. Néanmoins, il n'y a pas de force maté­rielle qui pousse cette population à aller travailler dans les mines, sur des fermes ou dans des usines d'un colon blanc. En d'autres termes : si on ne changeait pas le régime foncier en Afrique Equa­toriale, en Afrique Noire, il n'y avait pas de possi­bilités d'y introduire le mode de production capi­taliste. Pour pouvoir introduire ce mode de pro­duction, on a dû, par une contrainte extra-écono­mique, couper radicalement et brutalement la masse de la population noire de ses moyens de subsistance normaux. C'est-à-dire on a dû trans­former une grande partie des terres du jour au lendemain en terres domaniales, propriété de l'Etat colonisateur, ou en propriété privée de sociétés capitalistes. On a dû parquer la popula­tion noire dans des domaines, dans des réserves comme on les a appelées cyniquement, sur une étendue de terre qui était insuffisante pour nour­rir tous ses habitants. Et on a encore dû imposer une capitation, c'est-à-dire un impôt en argent par tête d'habitant, alors que l'agriculture primi­tive ne débouchait pas sur des revenus monétai­res.

Par ces différentes pressions extra-économi­ques, on a donc créé une obligation pour l'Afri­cain d'aller travailler comme salarié, ne fût-ce que deux, trois mois par an, pour toucher en échange de ce travail de quoi payer l'impôt et de quoi acheter le petit supplément de nourriture sans lequel la subsistance n'était plus possible, étant donné l'insuffisance des terres qui resteront à sa disposition.

Dans des pays comme l'Afrique du Sud, comme les Rodhésies, comme en partie le Congo ex-belge, où le mode de production capitaliste a été introduit sur l'échelle la plus large, ces métho­des ont été appliquées sur la même échelle et on a déraciné, expulsé, poussé hors de leur mode de travail et de vie traditionnels une grande partie de la population noire.

Mentionnons en passant l'hypocrisie idéologi­que qui a accompagné ce mouvement, les plaintes des sociétés capitalistes et des administrateurs blancs selon lesquels les Noirs seraient des fai­néants, puisqu'ils ne voulaient pas travailler, même lorsqu'on leur donnait la possibilité de gagner 10 fois plus dans la mine ou dans l'usine qu'ils ne gagnaient traditionnellement sur leurs terres. Ces mêmes plaintes on les avait enten­dues à l'égard des ouvriers indiens, chinois ou arabes 50 ou 70 ans plus tôt. On les a aussi enten­dues, - ce qui prouve bien l'égalité fondamentale de toutes les races humaines - par rapport aux ouvriers européens, français, belges, anglais, alle­mands, au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Il s'agit sim­plement de cette constante que voici : normale­ment de par sa constitution physique et nerveuse, aucun homme n'aime être enfermé 8, 9, 10 ou 12 heures par jour dans une usine, dans une manu­facture ou une mine ; il faut vraiment une force, une pression tout à fait anormales et exception­nelles pour prendre un homme qui n'est pas habitué à ce travail de forçat et pour l'obliger à l'effec­tuer.

Deuxième origine, deuxième caractéristique, du mode de production capitaliste : la concentra­tion des moyens de production sous forme de monopole entre les mains d'une seule classe sociale, la classe bourgeoise. Cette concentration est pratiquement impossible s'il n'y a pas une révolution constante des moyens de production, si ceux-ci ne deviennent pas de plus en plus com­plexes et de plus en plus chers, du moins quand il s'agit des moyens de production minimum pour pouvoir commencer une grande entreprise (frais de premier établissement).

Dans les corporations et les métiers du moyen âge, il y avait une grande stabilité des moyens de production ; les métiers à tisser étaient transmis de père en fils, de génération en génération. La valeur de ces métiers à tisser était relativement réduite, c'est-à-dire tout compagnon pouvait espérer acquérir la contre-valeur de ces métiers, après un certain nombre d'années de travail. La possibilité de constituer un monopole s'est présentée avec la révolution industrielle, qui a déclenché un développement ininterrompu, de plus en plus complexe, du machinisme, ce qui implique qu'il fallait des capitaux de plus en plus importants pour pouvoir commencer une nou­velle entreprise.

A partir de ce moment-là, on peut dire que l'accès à la propriété des moyens de production devient impossible à l'immense majorité des sala­riés et des appointés, et que la propriété des moyens de production est devenue un monopole entre les mains d'une classe sociale, celle qui dis­pose des capitaux, des réserves de capitaux et qui peut accumuler de nouveaux capitaux pour la seule raison qu'elle en possède déjà. La classe qui ne possède pas de capitaux est-elle condamnée de ce fait même à rester toujours dans ce même état de dénuement, dans la même obligation de travail­ler pour le compte d'autrui ?

Troisième origine, troisième caractéristique du capitalisme : l'apparition d'une classe sociale qui, n'ayant pas d'autres biens que ses propres bras, n'a pas d'autres moyens de subvenir à ses besoins que la vente de sa force de travail, mais qui est en même temps libre de la vendre et qui la vend donc aux capitalistes propriétaires des moyens de pro­duction. C'est l'apparition du prolétariat moderne.

Nous avons ici trois éléments qui se combinent. Le prolétariat, c'est le travailleur libre ; c'est à la fois un pas en avant et un pas en arrière par rap­port aux serfs du moyen âge : un pas en avant, parce que le serf n'était pas libre (le serf lui-même était un pas en avant par rapport à l'esclave), ne pouvait pas se déplacer librement ; un pas en arrière, parce que contrairement au serf, le prolé­taire est également « libre », c'est-à-dire privé de tout accès aux moyens de production.

Origines et définition du prolétariat moderne

Parmi les ancêtres directs du prolétariat moderne, il faut mentionner la population déraci­née du moyen âge, c'est-à-dire la population qui n'était plus attachée à la glèbe, ni incorporée dans les métiers, les corporations et les guildes des communes, qui était donc une population errante, sans racines, et qui commençait à louer ses bras à la journée ou même à l'heure. Il y a eu pas mal de villes du moyen âge, notamment Flo­rence, Venise et Bruges, où un « marché du tra­vail » apparaît à partir du XIIIe, XIVe ou XVe siècle, c'est-à-dire qu'il y a un coin de la ville où tous les matins se rassemblent les gens pauvres qui ne font pas partie d'un métier, qui ne sont pas com­pagnons d'artisan, et qui n'ont pas de moyens de subsistance, et qui attendent que quelques mar­chands ou entrepreneurs, louent leurs services pour une heure, pour une demi-journée, pour une journée, etc.

Une autre origine du prolétariat moderne, plus proche de nous, c'est ce qu'on a appelé la dissolu­tion des suites féodales, donc la longue et lente décadence de la noblesse féodale qui commence à partir du XIIIe, XIVe siècle et qui se termine lors de la révolution bourgeoise, en France vers la fin du XVIIIe siècle. Pendant le haut moyen âge, il y a quelquefois 50, 60, 100 ménages ou plus qui vivent directement du seigneur féodal. Le nom­bre de ces serviteurs individuels commence à se réduire, notamment au cours du XVIe siècle, qui est marqué par une très forte hausse des prix, et donc un très fort appauvrissement de toutes les classes sociales qui ont des revenus monétaires fixes, donc également la noblesse féodale en Europe occidentale qui avait en général converti la rente en nature en rente en argent. Un des résultats de cet appauvrissement, ce fut le licen­ciement massif d'une grande partie des suites féo­dales. Il y eut ainsi des milliers d'anciens valets, d'anciens serviteurs, d'anciens clercs de nobles, qui erraient le long des chemins, qui devenaient mendiants, etc.

Une troisième origine du prolétariat moderne, c'est l'expulsion de leurs terres d'une partie des anciens paysans, par suite de la transformation des terres labourables en prairies. Le grand socia­liste utopique anglais Thomas More a eu, dès le XVIe siècle, cette formule magnifique : « Les moutons ont mangé les hommes » ; c'est-à-dire que la transformation des champs en prairies pour l'élevage des moutons, liée au développement de l'industrie lainière, a chassé de leurs terres et condamné à la famine des milliers et des milliers de paysans anglais.

Il y a encore une quatrième origine du proléta­riat moderne, qui a joué un peu moins en Europe occidentale mais qui a joué un rôle énorme en Europe centrale et orientale, en Asie, en Améri­que latine et en Afrique du Nord : c'est la des­truction des anciens artisans dans la lutte de concurrence entre cet artisanat et l'industrie moderne se frayant un chemin de l'extérieur vers ces pays sous-développés.

Résumons : le mode de production capitaliste est un régime dans lequel les moyens de produc­tion sont devenus un monopole entre les mains d'une classe sociale, dans lequel les producteurs séparés de ces moyens de production sont libres mais démunis de tout moyen de subsistance, et donc obligés de vendre leur force de travail aux propriétaires des moyens de production pour pouvoir subsister.

Ce qui caractérise le prolétaire, ce n'est donc pas tellement le niveau bas ou élevé de son salaire, mais plutôt le fait qu'il est coupé de ses moyens de production, ou qu'il ne dispose pas de revenus suffisants pour travailler à son propre compte.

Pour savoir si la condition prolétarienne est en voie de disparition, ou si elle est au contraire en voie d'expansion, ce n'est pas tellement le salaire moyen de l'ouvrier ou le traitement moyen de l'employé qu'il faut examiner, mais bien la com­paraison entre ce salaire et sa consommation moyenne, en d'autres termes ses possibilités d'épargne comparées aux frais de premier établis­sement d'une entreprise indépendante. Si l'on constate que chaque ouvrier, chaque employé, après dix ans de travail, a mis de côté un magot disons de 10 millions, de 20 millions ou 30 mil­lions, ce qui lui permettrait d'acheter un magasin ou un petit atelier, alors on pourrait dire que la condition prolétarienne est en régression, et que nous vivons dans une société dans laquelle la pro­priété des moyens de production est en train de s'étendre et de se généraliser.

Si au contraire, on constate que l'immense majorité des travailleurs, ouvriers, employés et fonctionnaires, après une vie de labeur, restent Gros-Jean comme devant, c'est-à-dire pratique­ment sans économies, sans capitaux suffisants pour acquérir des moyens de production, on pourrait conclure que la condition prolétarienne, loin de se résorber, s'est au contraire généralisée, et qu'elle est aujourd'hui beaucoup plus étendue qu'il y a 50 ans. Quand on prend par exemple les statistiques de la structure sociale des Etats-Unis, on constate que depuis 60 ans, tous les 5 ans, sans une seule interruption, le pourcentage de la popu­lation active américaine qui travaille pour son propre compte, qui est classé comme entrepre­neur ou comme aide familiale d'entrepreneur diminue, alors que de 5 ans en 5 ans, le pourcen­tage de cette même population, qui est obligé de vendre sa force de travail augmente régulière­ment.

Si on examine par ailleurs les statistiques sur la répartition de la fortune privée, on constate que l'immense majorité des ouvriers, on peut dire 95 %, et la très grande majorité des employés (80 ou 85 %) ne réussissent pas à constituer même de petites fortunes, un petit capital, c'est-à-dire qu'ils dépensent tous leurs revenus, et que les for­tunes se cantonnent en réalité dans une toute petite fraction de la population. Dans la plupart des pays capitalistes, 1 %, 2 %, 2,5 %, 3,5 %, ou 5 % de la population possèdent 40, 50, 60 % de la fortune privée du pays, le reste étant entre les mains de 20 ou 25 % de cette même population. La première catégorie de possédants, c'est la grande bourgeoisie ; la deuxième catégorie, c'est la bourgeoisie moyenne et petite. Et tous ceux qui sont en dehors de ces catégories-là ne possèdent pratiquement rien que des biens de consomma­tion (y compris quelquefois un logement).

Quand elles sont faites honnêtement, les statis­tiques sur les droits de succession, sur les impôts sur les héritages, sont très révélatrices à ce sujet.

Une étude précise faite pour la Bourse de New York, par la Brookings Institution (une source au-delà de tout soupçon de marxisme) révèle qu'il n'y a aux Etats-Unis que 1 ou 2 % des ouvriers qui possèdent des actions, et encore que cette « propriété » s'élève en moyenne à 1 000 dollars, c'est-à-dire à 5 000 nouveaux francs.

La quasi-totalité du capital est donc entre les mains de la bourgeoisie et ceci nous dévoile le sys­tème d'auto-reproduction du régime capitaliste : ceux qui détiennent des capitaux peuvent en accu­muler de plus en plus ; ceux qui n'en détiennent pas ne peuvent guère en acquérir. Ainsi se perpé­tue la division de la société en une classe possé­dante et une classe obligée de vendre sa force de travail. Le prix de cette force de travail, le salaire, est pratiquement en entier consommé, tandis que la classe possédante a un capital qui s'accroît constamment d'une plus-value. L'enrichissement de la société en capitaux s'effectue pour ainsi dire au profit exclusif d'une seule classe de la société, à savoir la classe capitaliste.

Mécanisme fondamental de l'économie capitaliste

Quel est maintenant le fonctionnement fonda­mental de cette société capitaliste ?

Si vous arrivez un certain jour à la Bourse du coton imprimé, vous ne savez pas s'il y a exacte­ment assez, s'il y a trop peu ou s'il y a trop de coton imprimé par rapport aux besoins qui exis­tent à ce moment-là en France. Vous ne constate­rez la chose qu'après un certain temps : c'est-à-dire quand il y a surproduction, qu'une partie de la production est restée invendable, vous verrez les prix baisser, et quand il y a au contraire pénu­rie, vous verrez les prix monter. Le mouvement des prix est le thermomètre qui nous indique qu'il y a pénurie ou pléthore. Et comme c'est seule­ment après coup qu'on constate si toute la quan­tité de travail dépensée dans une branche indus­trielle a été dépensée de manière socialement nécessaire ou si elle a en partie été gaspillée, c'est seulement après coup qu'on peut déterminer la valeur exacte d'une marchandise. Cette valeur est donc, si vous voulez, une notion abstraite, une constante autour de laquelle fluctuent les prix.

Qu'est-ce qui fait bouger ces prix et donc, à plus long terme, ces valeurs, cette productivité du travail, cette production et cette vie économique dans son ensemble ?

Qu'est-ce qui fait courir Sammy ? Qu'est-ce qui fait bouger la société capitaliste ? La concurrence. Sans concurrence, il n'y a pas de société capita­liste. Une société dans laquelle la concurrence est totalement, radicalement et entièrement élimi­née, c'est une société qui ne serait plus capitaliste dans la mesure où il n'y aurait plus le mobile éco­nomique majeur pour accumuler du capital, et donc pour effectuer les 9/10 des opérations éco­nomiques qu'effectuent les capitalistes.

Et qu'est-ce qui est à la base de la concur­rence ? A la base de la concurrence, il y a deux notions qui ne se recouvrent pas nécessairement. Il y a d'abord la notion de marché illimité, de marché non circonscrit, non exactement découpé.

Il y a ensuite la notion de multiplicité des centres de décision, surtout en matière d'investissement et de production.

S'il y a une concentration totale de toute la pro­duction d'un secteur industriel entre les mains d'une seule firme capitaliste, il n'y a pas encore élimination de la concurrence, car un marché illi­mité subsiste toujours et il y aura donc toujours lutte de concurrence entre ce secteur industriel et d'autres secteurs pour accaparer une partie plus ou moins grande du marché. Il y a aussi toujours la possibilité de voir réapparaître dans ce secteur même, un nouveau concurrent s'y introduisant de l'extérieur.

L'inverse est aussi vrai. Si on pouvait concevoir un marché qui serait totalement et complètement limité, mais qu'en même temps un grand nombre d'entreprises serait en lice pour accaparer une partie de ce marché limité, la concurrence subsis­terait évidemment.

Ce n'est donc que si les deux phénomènes sont supprimés simultanément, c'est-à-dire s'il n'y a plus qu'un seul producteur pour toutes les mar­chandises et si le marché devient absolument sta­ble, figé et sans capacité d'expansion, que la concurrence peut totalement disparaître.

L'apparition du marché illimité prend toute sa signification par la comparaison avec l'époque de la petite production marchande. Une corporation du moyen âge travaillait pour un marché limité, en général, à la ville et à ses environs immédiats, et d'après une technique de travail qui était figée et bien déterminée.

Le passage historique du marché limité au mar­ché illimité est illustré par l'exemple de la « nou­velle draperie » à la campagne, qui au XVe siècle, se substitue à l'ancienne draperie en ville. Il y a maintenant des manufactures de drap, sans règles corporatives, sans limitation de production, donc sans limitation de débouchés, qui essaient de s'infiltrer, de chercher des clients partout, et non plus seulement dans les environs immédiats de leurs centres de production, mais qui essaient d'organiser l'exportation jusque vers des pays très lointains. Par ailleurs, la grande révolution com­merciale du XVIe siècle provoque une réduction relative des prix de toute une série de produits qui étaient considérés produits de grand luxe au Moyen Age, et qui ne pouvaient être achetés que par une petite partie de la population. Ces pro­duits deviennent maintenant brusquement des produits beaucoup moins chers, sinon même des produits à la disposition d'une partie importante de la population. L'exemple le plus frappant est celui du sucre, qui est aujourd'hui un produit banal, dont ne se prive sans doute pas un seul ménage ouvrier en France ou en Europe, mais qui au XVe siècle, était encore un produit de très grand luxe.

Les apologistes du capitalisme ont toujours cité comme bienfait produit par ce système la réduc­tion des prix et l'élargissement du marché, pour toute une série de produits. C'est un argument juste. C'est un des aspects de ce que Marx appelle « la mission civilisatrice du Capital ». Bien sûr, il s'agit d'un phénomène dialectique mais réel, qui fait que si la valeur de la force de travail a ten­dance à baisser parce que l'industrie capitaliste produit de plus en plus rapidement les marchandi­ses qui sont l'équivalent du salaire, elle a par contre aussi tendance à augmenter, parce que cette valeur embrasse progressivement la valeur de toute une série de marchandises qui sont deve­nues des marchandises de large consommation de masse, alors qu'elles étaient jadis des marchandi­ses de consommation d'une toute petite partie de la population.

Au fond, toute l'histoire du commerce entre le XVIe et le XXe siècle, c'est l'histoire de la transfor­mation progressive du commerce de luxe en com­merce de niasse, en commerce de biens pour une partie de plus en plus large de la population. Ce n'est qu'avec le développement des chemins de fer, des moyens de navigation rapide, des télégra­phes, etc., que l'ensemble du monde a pu être rassemblé dans un véritable marché potentiel pour chaque grand producteur capitaliste.

La notion de marché illimité n'implique donc pas seulement l'expansion géographique, mais encore l'expansion économique, le pouvoir d'achat disponible. Pour prendre un exemple récent : l'essor formidable de la production des biens de consommation durables dans la produc­tion capitaliste mondiale pendant les quinze der­nières années, ne s'est pas du tout réalisé grâce à une expansion géographique du marché capita­liste ; au contraire, il a été accompagné d'une réduction géographique du marché capitaliste, puisque toute une série de pays lui ont échappé pendant cette période. Il y a très peu, sinon pas, de voitures françaises, italiennes, allemandes, bri­tanniques, japonaises, américaines qui sont exportées vers l'Union Soviétique, vers la Chine, vers le Nord-Vietnam, vers Cuba, vers la Corée du Nord, vers les pays de l'Europe Orientale. Néanmoins, cette expansion s'est tout de même réalisée parce qu'une fraction beaucoup plus grande du pouvoir d'achat disponible, d'ailleurs lui-même accru, a été utilisée pour l'achat de ces biens de consommation durable. Ce n'est pas par hasard que cette expansion a été accompagnée d'une crise agricole plus ou moins permanente dans les pays capitalistes industriellement avan­cés, où la consommation de toute une série de produits agricoles non seulement n'augmente plus relativement, mais où elle commence même à diminuer de manière absolue ; par exemple la consommation du pain, des pommes de terre, de fruits comme les pommes et les poires les plus banales, etc.

La production pour un marché illimité, dans les conditions de concurrence, a comme effet l'augmentation de la production, car l'augmenta­tion de la production permet la réduction du prix de revient et permet donc de battre le concurrent en vendant moins cher que lui.

Il est incontestable que si on regarde l'évolu­tion à long terme de la valeur de toutes les mar­chandises produites sur grande échelle, dans le monde capitaliste, il y a une baisse de valeur considérable. Un costume, un couteau, une paire de souliers, un cahier d'écolier, ont aujourd'hui une valeur en heures et en minutes de travail beaucoup plus réduite qu'il y a 50 ou qu'il y a 100 ans.

Il faut évidemment comparer la valeur réelle à la production et non les prix de vente, qui englo­bent soit d'énormes frais de distribution et de vente, soit des surprofits monopolistiques gon­flés. Prenons l'exemple du pétrole, surtout le pétrole que nous utilisons en Europe, le pétrole qui provient du Moyen-Orient. Les frais de pro­duction sont très bas, ils s'élèvent à peine à 10 % du prix de vente.

Il est donc en tout cas incontestable que cette chute de valeur s'est réellement produite. L'accroissement de la productivité du travail signifie réduction de valeur des marchandises, puisque celles-ci sont fabriquées en un temps de travail de plus en plus réduit. C'est là l'instrument pratique dont dispose le capitalisme pour élargir les marchés et vaincre dans la concurrence.

De quelle manière pratique le capitaliste peut-il à la fois réduire très fortement le prix de revient et accroître très fortement la production? Par le développement du machinisme, par le développement des moyens de production, donc des ins­truments de travail mécaniques de plus en plus compliqués, d'abord mus par la force de la vapeur, ensuite par le pétrole ou le gas-oil, enfin par l'électricité.

L'accroissement de la composition organique du capital

Toute la production capitaliste peut être repré­sentée dans sa valeur par la formule :

C + V + PL

La valeur de toute marchandise se décompose en deux parties : une partie qui constitue une valeur conservée, et une partie qui est une valeur nouvellement produite. La force de travail a une double fonction, une double valeur d'usage : celle de conserver toutes les valeurs existantes des   instruments de travail, des machines, des bâti­ments,   en  incorporant  une  fraction   de  cette valeur  dans  la  production  courante;  celle  de créer une valeur nouvelle, dont la plus-value, le profit, constitue une partie. Une partie de cette valeur nouvelle va vers l'ouvrier; c'est la contre-valeur de son salaire.  L'autre partie, la plus-value, est accaparée sans contre-valeur par le capitaliste.

Nous appelons V, c'est-à-dire capital variable, l'équivalent des salaires. Pourquoi capital? Parce qu'effectivement    le    capitaliste    avance   cette valeur, elle constitue donc une partie de son capi­tal, dépensée avant que la valeur des marchandi­ses produites par les ouvriers en question soit réa­lisée.

On appelle capital constant C, toute la partie du capital qui est transformée en machines, en bâtiments, en matières premières, etc., dont la production n'augmente pas la valeur, mais la conserve seulement. On appelle capital variable, V, la partie du capital avec laquelle le capitaliste achète la force de travail, parce que c'est la seule partie du capital qui permette au capitaliste d'augmenter son capital d'une plus-value.

Quelle est, dès lors, la logique économique de la concurrence, de la poussée vers l'augmentation de la productivité, de la poussée vers l'accroisse­ment des moyens mécaniques, du travail des machines? La logique de cette poussée, c'est-à-dire la tendance fondamentale du régime capita­liste, c'est d'accroître le poids de C, le poids du capital  constant relativement à l'ensemble  du capital.  Dans la fraction C/V , C a tendance à augmenter, c'est-à-dire la partie du capital total qui est constitué en machines et matières premiè­res, et non pas en salaires, a tendance à augmen­ter dans la mesure où le machinisme progresse de plus en plus, et où la concurrence oblige le capita­lisme à accroître de plus en plus la productivité du travail.

Nous appelons cette fraction C/V la composition organique du capital : c'est donc le rapport entre le capital constant et le capital variable, et nous disons qu'en régime capitaliste, cette composition organique a tendance à augmenter.

Comment le capitaliste peut-il acquérir de nou­velles machines? Qu'est-ce que ça veut dire que le capital constant augmente de plus en plus?

L'opération fondamentale de l'économie capi­taliste, c'est la production de la plus-value. Mais aussi longtemps que la plus-value n'est que pro­duite, elle reste enfermée dans des marchandises, et le capitaliste ne peut guère l'utiliser; on ne peut pas transformer des souliers invendus en machi­nes nouvelles, en productivité plus grande. Pour pouvoir acheter de nouvelles machines, l'indus­triel qui possède des souliers doit vendre ses sou­liers, et une partie du produit de cette vente lui servira pour l'achat de nouvelles machines, d'un capital constant supplémentaire.

En d'autres termes : la réalisation de la plus-value est la condition de l'accumulation du capital, qui n'est rien d'autre que la capitalisation de la plus-value.

La réalisation de la plus-value, c'est la vente de marchandises; mais la vente des marchandises dans des conditions telles que la plus-value conte­nue dans ces marchandises soit effectivement réa­lisée sur le marché. Toutes les entreprises qui tra­vaillent à la moyenne de la productivité de la société — dont l'ensemble de la production cor­respond donc à du travail socialement nécessaire — sont censées réaliser par la vente de leurs mar­chandises l'ensemble de la valeur et de la plus-value produite dans leurs usines, pas plus et pas moins. Nous savons déjà que les entreprises qui ont une productivité au-dessus de la moyenne vont accaparer une partie de la plus-value qui est produite dans d'autres entreprises, tandis que les entreprises qui travaillent en dessous de la pro­ductivité moyenne ne réalisent pas une partie de la plus-value qui est produite dans leurs usines, mais la cèdent à d'autres usines qui sont technolo­giquement en flèche. La réalisation de la plus-value, c'est donc la vente des marchandises dans des conditions telles que l'ensemble de la plus-value produite par les ouvriers de l'usine fabri­quant ces marchandises est effectivement payée par leurs acheteurs.

Au moment où le tas de marchandises produi­tes pendant une période déterminée est vendu, le capitaliste est rentré en possession d'une somme d'argent qui constitue la contre-valeur du capital constant qu'il a dépensé pour produire, c'est-à-dire aussi bien des matières premières utilisées pour produire cette production que de la fraction de la valeur des machines et des bâtiments qui est amortie par cette production. Il est également rentré en possession de la contre-valeur des salai­res qu'il avait avancés pour rendre cette produc­tion possible. Il est en outre en possession de la plus-value que ses ouvriers avaient produite.

Qu'est-ce qu'il advient de cette plus-value? Une partie en est consommée improductivement par le capitaliste; car le malheureux doit vivre, doit faire vivre son ménage et tous ceux qui sont autour de lui ; et tout ce qu'il dépense à ces fins est totalement retiré du processus de production.

Une deuxième partie de la plus-value est accu­mulée, est utilisée pour être transformée en capi­tal ; la plus-value accumulée est donc toute la par­tie de la plus-value qui n'est pas consommée improductivement pour les besoins privés de la classe dominante, et qui est transformée en capi­tal, soit en capital constant supplémentaire, c'est-à-dire en une quantité (plus exactement : une valeur) supplémentaire de matières premières, de machines, de bâtiments, soit en capital variable supplémentaire, c'est-à-dire moyens pour embau­cher davantage d'ouvriers.

Nous comprenons maintenant pourquoi l'accu­mulation du capital, c'est la capitalisation de la plus-value, c'est-à-dire la transformation d'une grande partie de la plus-value en capital supplé­mentaire. Et nous comprenons également com­ment le processus d'accroissement de la composi­tion organique du capital représente une suite ininterrompue de processus de capitalisation, c'est-à-dire de production de plus-value par les ouvriers, et sa transformation par les capitalistes en bâtiments, machines, matières premières et ouvriers supplémentaires.

Il n'est donc pas exact d'affirmer que c'est le capitaliste qui crée l'emploi, puisque c'est l'ouvrier qui a produit la plus-value, et que c'est cette plus-value produite par l'ouvrier qui est capitalisée par le capitaliste, et utilisée notam­ment pour embaucher des ouvriers supplémentai­res. En réalité, toute la masse des richesses fixes qu'on voit dans le monde, toute la masse des usi­nes, des machines et des routes, des chemins de fer, des ports, des hangars, etc., toute cette masse immense de richesses n'est rien d'autre que la matérialisation d'une masse de plus-value créée par les ouvriers, de travail non rétribué pour eux et transformé en propriété privée, en capital pour les capitalistes, c'est-à-dire elle est une preuve colossale de l'exploitation permanente subie par la classe ouvrière depuis l'origine de la société capitaliste.

Tous les capitalistes augmentent-ils progressi­vement leurs machines, leur capital constant et la composition organique de leur capital? Non. L'accroissement de la composition organique du capital s'effectue de manière antagoniste, à tra­vers une lutte de concurrence régie par cette loi illustrée par une gravure du grand peintre de mon pays, Pierre Brueghel : les grands poissons man­gent les petits.

La lutte de concurrence est donc accompagnée d'une concentration constante du capital, du rem­placement d'un grand nombre d'entrepreneurs par un nombre plus petit d'entrepreneurs, et de la transformation d'un certain nombre d'entrepre­neurs indépendants en techniciens, gérants, per­sonnel de maîtrise, sinon simples employés et ouvriers dépendants.

La concurrence conduit à la concentration et aux monopoles

La concentration du capital est une autre loi permanente de la société capitaliste, et elle est accompagnée de la prolétarisation d'une partie de la classe bourgeoise, de l'expropriation d'un cer­tain nombre de bourgeois par un nombre plus petit de bourgeois. C'est pourquoi le Manifeste Communiste de Marx et d'Engels met l'accent sur le fait que le capitalisme, qui prétend défen­dre la propriété privée, est en réalité destructeur de cette propriété privée, et effectue une expro­priation constante, permanente, d'un grand nom­bre de propriétaires, par un nombre relativement petit de propriétaires. Il y a quelques branches industrielles dans lesquelles cette concentration est particulièrement frappante : les charbonnages où vous aviez, au XIXe siècle, des centaines de sociétés de charbonnage dans un pays comme la France (en Belgique il y en avait près de deux cents); l'industrie automobile, au début de ce siè­cle, comptait dans des pays comme les Etats-Unis ou comme l'Angleterre, 100 firmes ou plus, alors qu'aujourd'hui, elle est réduite à 4, 5 ou 6 firmes au maximum.

Il existe, bien sûr, des industries dans lesquelles cette concentration est moins poussée, par exem­ple l'industrie textile, l'industrie alimentaire, etc. D'une manière générale : plus la composition organique du capital est grande dans une branche industrielle, et plus la concentration y est forte; moins la composition organique du capital y est élevée et moins il y a de concentration du capital. Pourquoi? Parce que moins forte est la composi­tion organique du capital, moins il faut de capi­taux au départ pour pénétrer dans cette branche et pour y constituer une nouvelle entreprise. Il est beaucoup plus facile de rassembler les 50 ou les 100 millions d'anciens francs qu'il faut pour cons­truire une nouvelle usine textile que de réunir les 10 milliards ou les 20 milliards nécessaires pour construire une aciérie, même relativement petite.

Le capitalisme est né de la libre concurrence, le capitalisme est inconcevable sans concurrence. Mais la libre concurrence produit la concentra­tion, et la concentration produit le contraire de la libre concurrence, à savoir le monopole. Là où il y a peu de producteurs, ceux-ci peuvent facile­ment se concerter aux frais des consommateurs, en se mettant d'accord pour se répartir le marché, en se mettant d'accord pour arrêter toute baisse des prix.

En l'espace d'un siècle, toute la dynamique capitaliste semble ainsi avoir changé de nature. D'abord nous avons un mouvement qui va vers la baisse constante des prix par l'accroissement constant de la production, par la multiplication constante du nombre des entreprises. L'accentua­tion de la concurrence entraîne à partir d'un cer­tain moment la concentration des entreprises, une réduction du nombre d'entreprises qui peuvent dès lors se concerter entre elles pour ne plus réduire les prix et qui ne peuvent respecter des accords de ce genre qu'en limitant la production. L'ère du capitalisme des monopoles se substitue ainsi à l'ère du capitalisme de libre concurrence à partir du dernier quart du XIXe siècle.

Bien entendu, quand on parle du capitalisme des monopoles, il ne faut pas du tout penser à un capitalisme qui a complètement éliminé la concurrence. Cela n'existe pas. Cela veut simple­ment dire un capitalisme dont le comportement fondamental est devenu différent, c'est-à-dire qui ne pousse plus à une diminution constante des prix par une augmentation constante de la pro­duction, qui utilise la technique de la répartition du marché, de la stabilisation des quote-parts du marché. Mais ce processus aboutit à un paradoxe. Pourquoi les capitalistes qui, d'abord, se faisaient de la concurrence, commencent-ils à se concerter afin de limiter cette concurrence et de limiter aussi la production? Parce que c'est un moyen pour eux d'accroître davantage leurs bénéfices. Ils ne le font que si ça leur rapporte davantage. La limitation de la production permettant d'augmen­ter les prix rapporte plus de profits, et permet donc d'accumuler plus de capitaux? On ne peut plus les investir dans la même branche. Car inves­tir des capitaux, cela signifie justement accroître la capacité de production, donc accroître la pro­duction, donc faire baisser les prix. Le capitalisme est pris dans cette contradiction à partir du der­nier quart du XIXe siècle. Il acquiert alors brusque­ment une qualité que, seul, Marx avait prévue, qui est restée incomprise d'économistes comme Ricardo ou Adam Smith : brusquement, le mode de production capitaliste fait du prosélytisme. Il commence à s'étendre dans le monde entier par le truchement des exportations de capitaux, qui per­mettent d'établir des entreprises capitalistes dans des pays ou des secteurs où les monopoles n'exis­tent pas encore.

La conséquence de la monopolisation de certai­nes branches et de l'extension du capitalisme des monopoles dans certains pays, c'est la reproduc­tion du mode de production capitaliste dans des branches non encore monopolisées, dans des pays non encore capitalistes. C'est ainsi que le colonia­lisme et tous ses aspects se sont répandus comme une traînée de poudre en l'espace de quelques dizaines d'années, d'une petite partie du globe où s'était limité auparavant le mode de production capitaliste à l'ensemble du monde, vers le début du XXe siècle. Chaque pays du monde était ainsi transformé   en   sphère   d'influence   et   champ d'investissement du Capital.

Chute tendancielle du taux moyen de profit

Nous avons vu tout à l'heure que la plus-value produite par les ouvriers de chaque usine reste « enfermée » dans les marchandises produites, et que la question de savoir si cette plus-value sera réalisée ou non par le capitaliste propriétaire de cette usine, sera tranchée par les conditions du marché, c'est-à-dire par la possibilité pour cette usine de vendre ses marchandises à un prix qui permet de réaliser toute cette plus-value. En appliquant la loi de la valeur dont nous avons traité ce matin, on peut établir la règle suivante : toutes les entreprises qui produisent au niveau moyen de productivité réaliseront grosso modo la plus-value produite par leurs ouvriers, c'est-à-dire vendront leurs marchandises à un prix qui sera égal à la valeur de ces marchandises.

Mais cela ne sera pas le cas de deux catégories d'entreprises : les entreprises travaillant en des­sous, et les entreprises travaillant au-dessus du niveau moyen de productivité.

Qu'est-ce que c'est que la catégorie des entre­prises qui travaillent en dessous du niveau moyen de productivité? Ce n'est rien d'autre qu'une généralisation de notre cordonnier fainéant de ce matin. C'est, par exemple, une aciérie qui, devant la moyenne nationale de 500 000 tonnes d'acier produites en 2 millions d'heures de travail-hom­mes, les produit en 2,2 millions d'heures, ou en 2,5 millions d'heures, ou en 3 millions d'heures. Elle gaspille donc du temps de travail social. La plus-value produite par les ouvriers de cette usine ne sera pas en entier réalisée par les propriétaires de cette usine; elle travaillera avec un profit qui sera en dessous de la moyenne du profit de toutes les entreprises du pays.

Mais la masse totale de la plus-value produite dans la société est une masse fixe qui dépend en dernière analyse du nombre total d'heures de tra­vail fournies par l'ensemble des ouvriers qui sont engagés dans la production. Cela veut dire que s'il y a un certain nombre d'entreprises qui, du fait qu'elles travaillent en dessous du niveau moyen de productivité et qu'elles ont gaspillé du temps de travail social, ne réalisent pas l'ensemble de la plus-value produite par leurs ouvriers, il y a un reliquat de plus-value qui reste disponible, et qui sera accaparé par les usines qui travaillent au-des­sus du niveau moyen de productivité, qui ont donc économisé du temps de travail social et qui sont récompensées de ce fait par la société.

Cette explication théorique ne fait rien d'autre que de démonter les mécanismes qui déterminent le mouvement des prix en société capitaliste. Comment ces mécanismes opèrent-ils en prati­que?

Dès qu'on cesse de regarder plusieurs branches industrielles pour ne considérer qu'une seule branche, le mécanisme devient fort simple et transparent.

Disons que le prix de vente moyen d'une loco­motive s'élève à 50 millions d'anciens francs. Quelle sera, dès lors, la différence entre une usine travaillant en dessous de la productivité moyenne du travail, et une entreprise travaillant au-dessus de la productivité moyenne du travail? La pre­mière aura dépensé pour produire une locomo­tive 49 millions, c'est-à-dire qu'elle n'aura fait que 1 million de bénéfices. Par contre l'entreprise qui travaille au-dessus de la productivité moyenne du travail produira la même locomotive avec une dépense disons de 38 millions. Elle aura donc fait 12 millions de bénéfices, soit 32 % sur cette pro­duction courante, alors que les entreprises travail­lant à la moyenne de la productivité sociale du travail ont produit des locomotives au prix de revient de 45,5 millions et n'ont donc réalisé que 4,5 millions de bénéfices, soit 10 % qui sont le taux moyen de profit[1].

En d'autres termes : la concurrence capitaliste joue en faveur des entreprises qui sont technolo­giquement en pointe ; ces entreprises réalisent des surprofits par rapport au profit moyen. Le profit moyen est au fond une notion abstraite, exactement comme la valeur. C'est une moyenne autour de laquelle oscillent les taux de profits réels des diverses branches et entreprises. Les capitaux affluent vers les branches où il y a des surprofits, et refluent des branches dans lesquel­les les profits sont en dessous de la moyenne. Par ce flux et reflux des capitaux d'une branche vers l'autre, les taux de profit ont tendance à se rap­procher de cette moyenne, sans jamais l'atteindre totalement de manière absolue et mécanique.

Voilà donc comment s'effectue la péréquation du taux de profit. Il y a un moyen très simple de déterminer ce taux moyen de profit dans l'abs­trait : c'est de prendre la masse totale de la plus-value produite par tous les ouvriers, par exemple pendant une année, dans un pays déterminé, et la rapporter à la masse totale du capital investi dans ce pays.

Quelle est la formule du taux de profit? C'est le rapport entre la plus-value et l'ensemble du capi­tal. C'est donc : pl/ (C + V).

Il faut également prendre en considération une autre formule :  Pl/V   c'est le taux de la plus-value, ou encore le  taux d'exploitation de la classe ouvrière. Il détermine la manière dont la valeur nouvellement produite est partagée entre ouvriers et capitalistes.

Si, par exemple, pl/V égale 100 %, cela veut dire que la valeur nouvellement produite se partage en deux parties égales, la première allant vers les tra­vailleurs sous forme de salaires, l'autre partie allant vers l'ensemble de la classe bourgeoise sous forme de profits, intérêts, rentes, etc.

Lorsque le taux d'exploitation de la classe ouvrière est de 100 %, la journée de travail de 8 heures se décompose donc en deux parties éga­les : 4 heures de travail pendant lesquelles les ouvriers produisent la contre-valeur de leurs salaires, et 4 heures pendant lesquelles ils fournis­sent du travail gratuit, du travail non rémunéré par les capitalistes et dont le produit est approprié par ceux-ci.

A première vue, si la fraction pl/(C+V) augmente, alors que la composition organique du capital augmente également, que C devient de plus en plus grand par rapport à V, cette fraction aura tendance à diminuer, et il y a donc diminution du taux moyen de profit par suite de l'augmentation de la composition organique du capital, puisque pl n'est produite que par V et non par C. Mais il y a un facteur qui peut neutraliser l'effet d'augmen­tation de la composition organique du capital : c'est précisément l'augmentation du taux de la plus-value.

Si pl/V, le taux de la plus-value augmente, cela veut dire que dans la fraction pl / (C+V), nominateur et dénominateur augmentent tous les deux, et dans ce cas l'ensemble de cette fraction peut conserver sa valeur, à condition que les deux augmentations se fassent dans une proportion déterminée.

En d'autres termes : l'accroissement du taux de la plus-value peut neutraliser les effets de l'accroissement de la composition organique du capital. Mettons que la valeur de la production C + V + pl passe de 100 C + 100 V + 100 pl à 200 C + 100 V + 100 pl, la composition organique du capital est donc passée de 100 à 200, le taux de profit est tombé de 50 à 33 %. Mais si en même temps la plus-value passe de 100 à 150, c'est-à-dire que le taux de la plus-value passe de 100 à 150 %, alors le taux de profit 150/300 reste de 50 % : l'augmentation du taux de la plus-value a neutra­lisé l'effet de l'accroissement de la composition organique du capital.

Est-ce que ces deux mouvements peuvent se poursuivre exactement dans la proportion néces­saire pour qu'ils se neutralisent l'un l'autre ? Ici, nous touchons la faiblesse fondamentale, le talon d'Achille du régime capitaliste. Ces deux mouve­ments ne peuvent pas se poursuivre à la longue dans la même proportion. Il n'y a aucune limite à l'augmentation de la composition organique du capital. A la limite, V peut même tomber à zéro, quand on arrive à l'automation totale. Mais est-ce que pl/V peut également augmenter de manière illimitée, sans limite aucune ? Non, car pour qu'il y ait de la plus-value produite, il faut qu'il y ait des ouvriers au travail, et dans ces conditions, la frac­tion de la journée de travail pendant laquelle l'ouvrier reproduit son propre salaire ne peut pas tomber à zéro. On peut la réduire de 8 à 7 heures, de 7 heures à 6 heures, de 6 à 5 heures, de 5 heu­res à 4 heures, de 4 heures à 3 heures, de 3 heures à 2 heures, de 2 heures à 1 heure, à 50 minutes. Ce serait déjà une productivité fantastique qui permettrait à l'ouvrier de produire la contre-valeur de tout son salaire en 50 minutes. Mais il ne pourra jamais reproduire la contre-valeur de son salaire en zéro minute, zéro seconde. Il y a là un résidu que l'exploitation capitaliste ne peut jamais supprimer. Cela signifie qu'à la longue, la chute du taux moyen de profit est inévitable, et je crois personnellement, contrairement à pas mal de théoriciens marxistes, que cette chute est d'ail­leurs démontrable en chiffres, c'est-à-dire qu'aujourd'hui les taux moyens de profit dans les grands pays capitalistes sont beaucoup plus bas qu'il y a 50, 100 ou 150 ans.

Bien sûr, quand on examine des périodes plus courtes, il y a des mouvements en sens divers ; il y a beaucoup de facteurs qui jouent (nous en reparlerons demain matin quand nous parlerons du néo-capitalisme). Mais pour des périodes plus longues, le mouvement est très clair, aussi bien pour le taux d'intérêt que pour le taux de profit. Il faut d'ailleurs rappeler que de toutes les tendan­ces d'évolution du capitalisme, c'est celle qui a toujours été la plus nettement aperçue par les théoriciens du capitalisme eux-mêmes. Ricardo en parle ; John Stuart Mill y insiste ; Keynes y est extrêmement sensible. Il y a eu comme un dicton populaire en Angleterre, à la fin du XIXe siècle : le capitalisme peut tout supporter, sauf une chute du taux moyen d'intérêt à 2 %, parce qu'elle sup­primerait l'incitation à investir.

Ce dicton renferme évidemment une certaine erreur de raisonnement. Des calculs de pourcen­tages, de taux de profit, ont une valeur réelle, mais une valeur somme toute relative pour un capitaliste. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas seule­ment le pourcentage qu'il gagne sur son capital, c'est tout de même aussi la somme totale qu'il gagne. Et si les 2 % s'appliquent non pas à 100 000 mais à 100 millions, ils représentent tout de même 2 millions, et le capitaliste réfléchira 10 fois avant de dire qu'il préfère laisser moisir son capital plutôt que de se contenter de ce profit tout à fait détestable qui n'est que de 2 millions par an.

Aussi, en pratique, n'a-t-on pas vu un arrêt total de l'activité d'investissement par suite de la chute du taux de profit et d'intérêt, mais plutôt un ralentissement au fur et à mesure que le taux de profit tombe dans une branche d'industrie. Par contre, dans les branches industrielles ou dans les époques dans lesquelles il y a une expansion plus rapide et dans lesquelles le taux de profit a ten­dance à augmenter, l'activité d'investissement reprend et devient beaucoup plus rapide, et alors le mouvement semble se nourrir de lui-même et cette expansion semble jouer sans limites, jusqu'à ce que la tendance se renverse de nouveau.

La contradiction fondamentale du régime capitaliste et les crises périodiques de surproduction

Le capitalisme a tendance à étendre la produc­tion de manière illimitée, à étendre son rayon d'action au monde entier, à envisager tous les humains comme clients potentiels (entre paren­thèses, il y a une jolie contradiction à souligner, dont Marx a déjà parlé : chaque capitaliste voudrait toujours que les autres capitalistes augmen­tent les salaires de leurs ouvriers, parce que les salaires de ces ouvriers-là, c'est du pouvoir d'achat pour les marchandises du capitaliste en question. Mais il n'admet pas que les salaires de ses propres ouvriers augmentent, car cela rédui­rait évidemment son propre profit).

Il y a donc une extraordinaire structuration du monde qui devient une unité économique, avec une interdépendance extrêmement sensible entre ses différentes parties. Vous connaissez tous les clichés qu'on a utilisés à ce sujet : si quelqu'un éternue à la Bourse de New York, il y a 10 000 paysans de Malaisie qui sont ruinés.

Le capitalisme produit une extraordinaire interdépendance des revenus et une unification des goûts de tous les humains ; l'homme devient brusquement conscient de toute la richesse des possibilités humaines, alors que dans la société précapitaliste, il était enfermé dans les étroites possibilités naturelles d'une seule région. Au moyen âge, on ne mangeait pas d'ananas en Europe, on ne mangeait que des fruits locaux. Maintenant on mange les fruits qui, pratique­ment, sont produits dans le monde entier, on se met même à manger des fruits de Chine et d'Inde auxquels on n'était pas encore habitué avant la Seconde Guerre mondiale.

Il y a donc des liens réciproques qui s'établis­sent entre tous les produits et tous les hommes. Il y a, en d'autres termes, une socialisation progres­sive de toute la vie économique, qui devient un seul ensemble, un seul tissu. Mais simplement, tout ce mouvement d'interdépendance est axé d'une manière folle sur l'intérêt privé, l'appro­priation privée, d'un petit nombre de capitalistes dont les intérêts privés entrent d'ailleurs de plus en plus en contradiction avec les intérêts des milliards d'êtres humains englobés dans cet ensem­ble.

C'est dans les crises économiques que la contra­diction entre la socialisation progressive de la pro­duction et l'appropriation privée qui lui sert de moteur et de support, éclate de la manière la plus extraordinaire. Car les crises économiques capita­listes sont des phénomènes invraisemblables, comme on n'en avait jamais vu auparavant. Ce ne sont pas des crises de pénurie, comme toutes les crises pré-capitalistes : ce sont des crises de sur­production. Ce n'est pas parce qu'il y a trop peu à manger, mais parce qu'il y a relativement trop de produits alimentaires que les chômeurs brusque­ment meurent de faim.

A première vue, cela paraît une chose incom­préhensible. Comment peut-on mourir de faim parce qu'il y a trop de nourriture, parce qu'il y a trop de marchandises ? Mais le mécanisme du régime capitaliste fait comprendre ce paradoxe apparent. Les marchandises qui ne trouvent pas d'acheteurs, non seulement ne réalisent plus leur plus-value, mais ne reconstituent même plus le capital investi. La mévente oblige donc les entre­preneurs de fermer les portes de leurs entreprises. Ils sont donc obligés de licencier leurs travail­leurs. Et puisque ces travailleurs licenciés ne dis­posent pas de réserves, puisqu'ils ne peuvent sub­sister que s'ils vendent leur force de travail, le chômage les condamne évidemment à la misère la plus noire, précisément parce que l'abondance relative   des   marchandises   en   a  provoqué   la mévente.

Le fait des crises économiques périodiques est inhérent au régime capitaliste et reste insurmon­table pour lui. Nous verrons plus loin que cela reste vrai aussi dans le régime néo-capitaliste dans lequel nous vivons maintenant, même si on appelle alors ces crises « récessions ». Les crises sont la manifestation la plus nette de la contradiction fondamentale du régime, et le rappel périodi­que qu'il est condamné à mourir tôt ou tard. Mais il ne mourra jamais d'une mort automatique. Il faudra toujours lui donner une petite chique­naude consciente pour le condamner définitive­ment, et cette chiquenaude, c'est à nous, c'est au mouvement ouvrier de la lui donner.

[1] En réalité, les capitalistes ne calculent pas leur taux de profit avec la production courante (flux), mais sur le capital investi (stock), pour ne pas compliquer les calculs, on peut sup­poser (fictivement) que tout le capital a été absorbé par la pro­duction d'une locomotive.

 

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